Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 1998, 1999 et 2000.
Par un jugement n° 0703596 du 12 mai 2011, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 11NC01123 du 2 août 2012, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté la requête de M. C...tendant à l'annulation du jugement précité et à ce que soit prononcée la décharge sollicitée.
Par une décision n° 363178 du 23 octobre 2014, le Conseil d'État a annulé l'arrêt n° 11NC01123 précité et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Nancy.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 7 juillet 2011, 26 juin 2012 et 16 avril 2015, M. A...C..., représenté par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0703596 du 12 mai 2011 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 1998, 1999 et 2000 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- avant d'évaluer d'office des bénéfices non commerciaux, l'administration aurait dû lui adresser une mise en demeure de déposer une déclaration de revenu dans cette catégorie dès lors que seules étaient tenues de se faire connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises les personnes exhaustivement visées par l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts, au nombre desquelles ne figurent pas les personnes qui détournent des fonds ;
- l'administration n'est pas en droit de l'imposer sur la totalité de la somme détournée soit 10 millions de francs, mais seulement sur le montant de la commission perçue, soit 272 000 francs ;
- en ne fondant pas le redressement dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, l'administration a pris une interprétation formelle d'un texte fiscal.
Par un mémoire en défense enregistré le 5 janvier 2012, et un mémoire complémentaire, enregistré le 23 janvier 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les moyens présentés par le requérant se rattachent exclusivement aux impositions mises en recouvrement au titre de l'année 1999 ;
- l'administration n'était pas tenue d'adresser au requérant une mise en demeure de souscrire une déclaration de revenu dans cette catégorie, l'article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts dans sa rédaction antérieure au décret du 19 mars 2002 ne limitant pas les personnes tenues de se faire connaître auprès d'un centre de formalités des entreprises à celles exerçant une activité non commerciale à titre de profession habituelle ;
- l'administration peut se prévaloir d'un faisceau d'indices reconnu par le juge pénal, dont elle entend revendiquer l'autorité de la chose jugée, mettant en évidence la disposition des sommes d'environ 10 millions de francs ;
- indépendamment de l'usage fait par les sommes en cause, l'administration pouvait les taxer l'année au cours de laquelle le requérant en a eu la disposition ;
- par substitution à la qualification de bénéfice non commercial, la somme en cause pourra être rattachée au revenu global du contribuable sur le fondement de l'article 1649 quater A du code général des impôts ;
- M. C...n'apporte aucun élément de nature à démontrer que, sur le fondement de ces dispositions, les sommes en litige n'entraient pas dans le champ d'application de l'impôt ou étaient exonérées.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 4 juin 2015 :
- le rapport de M. Di Candia
- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;
Sur les conclusions relatives aux années 1998 et 2000 :
1. Considérant qu'à supposer même que le requérant ait entendu contester l'ensemble des impositions dues au titre des années 1998 à 2000, M. C...ne soulève à l'appui de ses conclusions à fin de décharge que des moyens dirigés contre les seules cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les contributions sociales supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999 ; que, par suite, faute de moyen dirigé contre les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les contributions sociales supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre des années 1998 et 2000, M. C...n'est en tout état de cause pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté cette partie des conclusions de sa demande ;
Sur les conclusions relatives à l'année 1999 :
2. Considérant qu'au cours de l'examen contradictoire de la situation fiscale personnelle de M.C..., portant sur les années 1999 à 2001, l'administration fiscale a reçu communication de l'autorité judiciaire, en application de l'article L. 101 du livre des procédures fiscales, d'un jugement du tribunal de grande instance de Nanterre, statuant en matière correctionnelle, en date du 21 janvier 2003 condamnant l'intéressé pour recel de biens provenant d'un délit ; que l'administration a procédé au rehaussement du revenu imposable de M. C...au titre de l'année 1999 en incluant une somme de 10 789 387 francs, qu'elle a initialement rattachée au revenu global de l'intéressé sur le fondement de l'article 1649 quater A du code général des impôts dans sa rédaction alors en vigueur ; que le tribunal administratif de Strasbourg, faisant droit à la substitution de base légale demandée par l'administration, a maintenu l'imposition de cette somme, par voie d'évaluation d'office, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux ;
3. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 97 du code général des impôts et des articles L. 68 et L. 73 du livre des procédures fiscales qu'à défaut pour un contribuable soumis au régime de la déclaration annuelle contrôlée d'avoir souscrit cette dernière, celui-ci ne peut être soumis à la procédure de taxation d'office que pour autant qu'il a été mis en demeure de régulariser sa situation et qu'il n'y a pas donné suite dans le délai imparti ; qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 68 de ce livre, dans sa rédaction applicable au litige : " Toutefois, il n'y a pas lieu de procéder à cette mise en demeure si le contribuable (...) ne s'est pas fait connaître d'un centre de formalités des entreprises ou du greffe du tribunal de commerce (...) " ; qu'aux termes de l'article 371 AI de l'annexe II au code général des impôts, dans sa version applicable à l'année d'imposition : " Les centres de formalités des entreprises reçoivent le dossier unique, mentionné à l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle, comportant les déclarations relatives à leur création, aux modifications de leur situation ou à la cessation de leur activité, que les entreprises sont tenues de remettre aux administrations, personnes ou organismes mentionnés à l'article 1er de la même loi./ Ils reçoivent en outre les notifications effectuées par les greffes des tribunaux de commerce ou des tribunaux de grande instance statuant commercialement, en application de l'article 4-1 du décret n° 84-406 du 30 mai 1984 modifié relatif au registre du commerce et des sociétés. / Les centres transmettent aux administrations, personnes ou organismes concernés, les déclarations ainsi que les renseignements mentionnés au deuxième alinéa " ; qu'aux termes du I de l' article 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts, alors applicable : " 7. Les centres des impôts créent les centres compétents pour les personnes suivantes dès lors qu'elles ne relèvent pas des dispositions des 1 à 6 et qu'elles n'ont pas d'autres obligations déclaratives que statistiques et fiscales : (...) c) Les assujettis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices non commerciaux (...) " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions des articles 371 AI et 371 AJ de l'annexe II au code général des impôts que les contribuables percevant des revenus imposables au titre des bénéfices non commerciaux ne provenant pas de l'exercice d'une activité à titre de profession habituelle ne sont pas astreints à se faire connaître auprès d'un centre de formalités, ainsi que le précise désormais l'article R. 123-3 du code de commerce auquel renvoie l 'article 371 AJ ; que les détournements de fonds opérés par M. C...ne pouvant être regardés comme relevant d'une telle activité, celui-ci n'avait pas à se faire connaître d'un tel centre ; que, par suite, l'administration était tenue, avant d'évaluer d'office les revenus du contribuable, de lui adresser une mise en demeure ;
5. Considérant toutefois que, pour faire échec aux conséquences de l'irrégularité de la procédure d'évaluation d'office concernant les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les contributions sociales supplémentaires auxquelles M. C...a été assujetti au titre de l'année 1999, le ministre demande en défense, dans le dernier état de ses écritures, que la somme en litige soit, par une nouvelle substitution de base légale, non plus regardée comme des bénéfices non commerciaux, mais comme une somme, rattachée directement au revenu global de M.C..., imposable sur le fondement de l'article 1649 quater A du code général des impôts ; que si l'administration est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse de demander, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, que soit substituée une base légale à celle qui avait été initialement invoquée, dès lors que cette substitution peut être faite sans priver le contribuable des garanties qui lui sont reconnues en matière de procédure d'imposition, il incombe au juge de s'assurer, avant d'accueillir le principe d'une telle substitution, que la matérialité des circonstances qui auraient autorisé l'administration à mettre en oeuvre la procédure dont elle se réclame résulte, en l'état, de l'instruction, notamment, des éléments qu'il revient, dans ce cas, à l'administration d'apporter afin de justifier du bien-fondé de sa prétention ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt sur le revenu est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ; qu'aux termes de l'article 1649 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'année 1999 : " (...) Les personnes physiques, les associations, les sociétés n'ayant pas la forme commerciale, domiciliées ou établies en France, sont tenues de déclarer, en même temps que leur déclaration de revenus ou de résultats, les références des comptes ouverts, utilisés ou clos à l'étranger. (...) / Les sommes, titres ou valeurs transférés à l'étranger ou en provenance de l'étranger par l'intermédiaire de comptes non déclarés dans les conditions prévues au deuxième alinéa constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables " ; qu'aux termes de l'article 1649 quater A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à la même année : " Les personnes physiques qui transfèrent vers l'étranger ou en provenance de l'étranger des sommes, titres ou valeurs, sans l'intermédiaire d'un organisme soumis à la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 modifiée relative à l'activité et au contrôle des établissements de crédit, ou d'un organisme cité à l'article 8 modifié de ladite loi, doivent en faire la déclaration dans les conditions fixées par décret. / Une déclaration est établie pour chaque transfert à l'exclusion des transferts dont le montant est inférieur à 50 000 F. / Les sommes, titres ou valeurs transférés vers l'étranger ou en provenance de l'étranger constituent, sauf preuve contraire, des revenus imposables lorsque le contribuable n'a pas rempli les obligations prévues aux premier et deuxième alinéas " ; que, pour faire échec aux présomptions édictées par ces dispositions, il appartient au contribuable, quelle que soit la qualification juridique ou comptable que peut recevoir la somme qui est employée à fin d'être transférée, d'établir que les ressources ayant contribué à la constituer ont par elles-mêmes déjà été imposées, ou ne devaient, ou ne pouvaient pas l'être, non seulement au titre de l'année du transfert, mais aussi, le cas échéant, au titre d'années antérieures ;
7. Considérant que pour faire obstacle à la présomption selon laquelle la somme de 10 517 387 francs qu'il a transférée sur un compte bancaire non déclaré à l'étranger revêtait la nature d'un revenu imposable en application des articles 1649 A et 1649 quater A du code général des impôts, il appartient à M. C...de rapporter la preuve que les sommes en litige avaient elles-mêmes déjà été imposées ou ne devaient ou ne pouvaient pas l'être ; que, d'une part, il est constant que cette somme provenait de délits d'abus de confiance au détriment de la société France Télécom et de falsification de chèques que M. C...avait encaissés sur un compte ouvert en Suisse sous une fausse identité ; que la circonstance que cette somme ait pour origine des détournements de fonds, qui constituent pour leur auteur une source de profits qui aurait pu être imposée sur le fondement des dispositions combinées des articles 12 et 92 du code général des impôts, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, est par elle-même sans incidence sur l'obligation qui lui incombe de justifier de ce que cette somme a déjà été imposée ou ne devait ou ne pouvait pas l'être ; que, d'autre part, si M. C...fait valoir qu'il n'a perçu sur cette somme d'argent détourné qu'une commission d'un montant de 272 000 francs, après avoir reversé la somme globale de 10 100 000 francs à l'auteur de la falsification des chèques, cette circonstance, qui faisait partie du mécanisme de détournement, ne saurait en tout état de cause faire obstacle à ce que l'intéressé soit regardé comme ayant disposé de cette somme au sens de l'article 12 du code général des impôts ; que, dès lors, M. C...ne peut davantage être regardé comme apportant la preuve que la somme de 10 100 000 francs ne pouvait pas être imposée entre ses mains ; que par suite c'est à bon droit que la somme litigieuse a été imposée sur le fondement des articles 1649 A et 1649 quater A du code général des impôts ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales supplémentaires auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 1999 ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le versement d'une somme soit mis à la charge de l'État qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre chargé du budget.
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14NC02073