Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler la décision en date du 8 juin 2011 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé la société OTE Ingenierie à procéder à son licenciement, ainsi que la décision de rejet de son recours hiérarchique.
Par un jugement n°1106592 du 28 janvier 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit à sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 24 mars 2014 et 17 décembre 2014, la société OTE Ingenierie, représentée par MeB..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 janvier 2014 ;
2°) de rejeter les conclusions de MmeA... ;
3°) subsidiairement, d'homologuer la transaction conclue entre la société OTE Ingenierie et Mme A...le 12 novembre 2014 et, par suite, donner acte à la société OTE Ingenierie de son désistement ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- lors de l'enquête menée par l'inspecteur du travail, Mme A...a reçu tous les éléments d'information relatifs aux démarches mises en oeuvre par son employeur en vue de son reclassement, de sorte que l'enquête a bien été contradictoire, conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail ;
- le vice de procédure ainsi allégué n'a en tout état de cause pas eu d'incidence sur la décision attaquée, dès lors que le médecin du travail avait émis un avis défavorable au reclassement, qui s'imposait à l'employeur ;
- Mme A...et la société OTE Ingenierie ont conclu, le 12 novembre 2014, une transaction ayant pour objet de mettre un terme au litige et il appartient au juge administratif d'homologuer cette transaction, puis, dans le cas où, comme en l'espèce, la partie requérante aurait subordonné son désistement à l'homologation de la transaction, de donner acte de ce désistement ;
- l'homologation de cette transaction relève de la compétence du juge administratif, qui la prononcera dès lors qu'elle a été librement consentie entre les parties et est licite.
La requête a été communiquée au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, ainsi qu'à MmeA..., qui n'ont pas présenté de mémoire en défense.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'homologation de la transaction conclue entre la société OTE Ingenierie et Mme A...dès lors qu'il n'appartient pas au juge administratif de procéder à l'homologation d'une transaction conclue entre deux personnes privées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Vu la décision de la présidente de la cour en date du 21 mai 2015 désignant Mme Kohler pour exercer les fonctions de rapporteur public, en application des dispositions des articles R. 222-24 et R. 222-32 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rousselle, président assesseur,
- et les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public.
1. Considérant que par une décision du 8 juin 2011 l'inspecteur du travail a autorisé la société OTE Ingenierie à licencier pour inaptitude MmeA..., salariée de l'entreprise depuis le 8 décembre 2003 et membre de la délégation unique du personnel ainsi que du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; que, saisi d'un recours hiérarchique formé par MmeA..., le ministre chargé du travail a confirmé cette décision le 26 octobre 2011 ; que la société OTE Ingenierie relève appel du jugement du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces deux décisions ;
2. Considérant que la transaction conclue par une personne morale de droit public est, en principe, un contrat de nature civile, sauf si elle met en oeuvre des prérogatives de puissance publique ou aboutit à la participation du cocontractant à une mission de service public ; que, sous cette réserve, l'homologation de la transaction et les litiges nés de son exécution relèvent de la compétence du juge judiciaire, hormis le cas où il est manifeste que les différends qui s'y trouvent compris ressortissent principalement à la compétence du juge administratif ;
3. Considérant que les conclusions de la société OTE Ingenierie tendant à ce que la cour homologue la transaction conclue le 12 novembre 2014 entre elle et Mme A... ne peuvent qu'être rejetées, seul le juge judiciaire étant compétent pour homologuer une transaction conclue entre deux personnes privées ;
4. Considérant que le désistement de la société OTE Ingénierie étant subordonné à l'homologation de la transaction susmentionnée par la cour, il résulte de ce qui précède qu'il ne peut être donné acte du désistement de cette société ;
5. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que, lorsque leur licenciement est envisagé, celui-ci ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou avec leur appartenance syndicale ; que dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un acte ou un comportement du salarié qui, ne méconnaissant pas les obligations découlant pour lui de son contrat de travail, ne constitue pas une faute, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits en cause sont établis et de nature, compte tenu de leur répercussion sur le fonctionnement de l'entreprise, à rendre impossible le maintien du salarié dans l'entreprise, eu égard à la nature de ses fonctions et à l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé ;
6. Considérant que le caractère contradictoire de l'enquête préalable à la délivrance d'une autorisation administrative de licenciement menée conformément aux dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail implique que le salarié protégé soit mis à même de prendre connaissance de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande ; que cette exigence n'impose pas à l'inspecteur du travail de communiquer spontanément et systématiquement ces pièces, pourvu qu'il informe suffisamment le salarié de la faculté qui lui est ouverte d'avoir accès à ces documents, le cas échéant en en demandant la communication ; que c'est seulement lorsque l'accès à certains de ces éléments serait de nature à porter gravement préjudice à leurs auteurs que l'inspecteur du travail doit se limiter à informer le salarié protégé, de façon suffisamment circonstanciée, de leur teneur ;
7. Considérant que si la société requérante soutient que, les propositions de reclassement et l'avis du médecin du travail ayant été mentionnés dans les décisions attaquées, il doit être considéré que ces éléments ont nécessairement été évoqués avec Mme A...lors des deux enquêtes contradictoires, la décision de l'inspecteur du travail du 8 juin 2011 se borne à mentionner l'avis négatif du médecin du travail en date du 31 mars 2011 sur les propositions complémentaires de reclassement que l'entreprise lui avait adressées et Mme A...soutient sans être utilement contredite qu'à aucun moment, elle n'a été informée de la teneur de ces propositions de reclassement ni de l'avis du médecin, ni mise à même d'en prendre connaissance alors que ces documents étaient annexés à la demande d'autorisation de licenciement ; que, dès lors, le caractère contradictoire des enquêtes en cause a été méconnu et les décisions attaquées sont, pour ce motif, illégales ;
8. Considérant que si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision de l'inspecteur du travail était, du fait de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 2421-11 du code du travail, entachée d'un vice de procédure qui a privé MmeA... d'une garantie ; que le ministre saisi d'un recours hiérarchique dirigé contre cette décision était donc tenu de l'annuler et, en s'abstenant de le faire, il a entaché sa décision d'illégalité ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société OTE Ingenierie n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société OTE Ingenierie est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société OTE Ingenierie, à Mme A...et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N°14NC00606