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12/05/2015 | FRANCE | N°14NC01362

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 12 mai 2015, 14NC01362


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de la décision du 10 février 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement et de la décision du 21 août 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, rejetant son recours hiérarchique et autorisant son licenciement.



Par un jugement n° 1204905 du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté s

a demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 18 jui...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...C...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg l'annulation de la décision du 10 février 2012 par laquelle l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement et de la décision du 21 août 2012 du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, rejetant son recours hiérarchique et autorisant son licenciement.

Par un jugement n° 1204905 du 20 mai 2014, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 juillet 2014, M. B...C..., représenté par MeA..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 21 mai 2014 ;

2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 10 février 2012 autorisant son licenciement et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 21 août 2012 confirmant cette décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a relevé le tribunal, une circulaire ministérielle a force obligatoire à l'encontre de l'administration et, en l'espèce, la circulaire DGT/07/2012 du 30 juillet 2012 n'a pas été respectée ;

- le licenciement est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-10 2ème alinéa du code du travail et de l'article 03.05.3 de la convention collective applicable ;

- la décision attaquée est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail, l'inspecteur du travail ayant l'obligation de transmettre le dossier au médecin inspecteur du travail en application de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 ;

- il aurait dû subir une nouvelle visite médicale, en application des dispositions des articles R. 4624-22 et R. 4624-31 du code du travail ;

- les propositions de reclassement n'ont pas été régulièrement examinées par le médecin du travail, et les préconisations de ce dernier sont intervenues en violation des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail ;

- il n'a pas reçu de son employeur, préalablement au licenciement, d'offre de reclassement en méconnaissance de l'article L. 1226-12 du code du travail.

Par un mémoire en défense, enregistré le 23 octobre 2014, l'Hôpital Saint Joseph, représenté par MeD..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 23 avril 2015, présentée pour M.C..., par Me A....

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rousselle, président assesseur,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant M.C....

1. Considérant que M.C..., employé en qualité de responsable organisation-qualité-communication par l'hôpital Saint Joseph, à Sarralbe, et élu membre suppléant du comité d'entreprise a, le 4 février 2010, subi une violente mise en cause par plusieurs salariés de l'établissement, ce qui a généré un état anxio-dépressif réactionnel à des problèmes professionnels, ces faits ayant donné lieu à une prise en charge des soins et indemnités journalières, au titre d'accident du travail, par décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Moselle du 4 juin 2010 ; que M. C...n'a demandé à reprendre le travail que le 16 février 2011 ; que, à la suite des avis du médecin du travail des 3 et 18 mars 2011 qui l'ont déclaré inapte à tous les postes dans l'établissement, M. C...a fait l'objet d'une procédure de licenciement pour inaptitude professionnelle ; que, par décision du 10 février 2012, l'inspecteur du travail a autorisé son licenciement et, par décision du 21 août 2012, le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, saisi d'un recours hiérarchique par M.C..., a confirmé cette décision ; que M. C...relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg en date du 20 mai 2014 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4211-8 du code du travail : " Le licenciement d'un membre élu du comité d'entreprise, titulaire ou suppléant, ou d'un représentant syndical au comité d'entreprise, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'il représente, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé ; que la circonstance que l'avis du médecin du travail, auquel il incombe de se prononcer sur l'aptitude du salarié à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment ou à exercer d'autres tâches existantes, déclare le salarié protégé " inapte à tout emploi dans l'entreprise " ne dispense pas l'employeur, qui connaît les possibilités d'aménagement de l'entreprise et peut solliciter le groupe auquel, le cas échéant, celle-ci appartient, de rechercher toute possibilité de reclassement dans l'entreprise ou au sein du groupe, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations des postes de travail ou aménagement du temps de travail ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise " ; que, par ailleurs, l'article 03-05-3 de la convention collective applicable à l'hospitalisation privée à but non lucratif, relatif aux attribution du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, stipule que " en cas d'accident du travail, de maladie professionnelle, le CHSCT est amené à proposer, si nécessaire, une reconversion ou des aménagements de postes " ;

4. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la consultation des délégués du personnel a été réalisée le 19 juillet 2011 ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de cette instance en méconnaissance des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail doit être écarté ;

5. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des termes du certificat établi par le médecin du travail le 18 mars 2011 qu'eu égard à la nature de l'accident du travail du 4 février 2010, mentionnée au point 1, tout reclassement de M. C...au sein de l'entreprise était exclu par ce praticien ; que, dans les circonstances de l'espèce, aucune reconversion ou aucun aménagement de poste n'étant susceptible de pallier les conséquences du traumatisme psychologique subi par l'intéressé, qui ne permettait pas d'envisager la reprise d'une activité professionnelle de celui-ci au sein de la même entreprise, M. C...ne peut utilement soutenir que le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail aurait dû être consulté ;

6. Considérant par ailleurs que M. C...soutient que l'employeur aurait dû, préalablement à son licenciement, l'informer des offres de reclassement qu'il était susceptible de lui proposer ; qu'en l'espèce, ainsi qu'il a été dit, tout reclassement au sein de l'établissement était exclu ; que, par ailleurs, l'hôpital Saint-Joseph n'appartenait, à la date de la décision attaquée, à aucun groupe au sein duquel un reclassement aurait dû être recherché ; qu'il ressort au demeurant des pièces du dossier que, alors qu'il avait adressé des demandes à onze établissements hospitaliers de la région, le directeur de l'hôpital n'a reçu aucune réponse positive et l'a expressément mentionné dans le courrier convoquant M. C...à un entretien en vue de son licenciement ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'employeur ne l'aurait pas informé des offres de reclassement doit être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 4624-22 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige : " L'examen de reprise a pour objet d'apprécier l'aptitude médicale du salarié à reprendre son ancien emploi, la nécessité d'une adaptation des conditions de travail ou d'une réadaptation du salarié ou éventuellement de l'une et de l'autre de ces mesures. / Cet examen a lieu lors de la reprise du travail et au plus tard dans un délai de huit jours " ; qu'aux termes de l'article R. 4624-31 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : / 1° Une étude de ce poste ; / 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; / 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires " ; que, si le requérant soutient que la décision attaquée méconnait les dispositions précitées, en faisant valoir que la demande d'autorisation de licenciement a été présentée dix mois après les avis du médecin du travail, il ne ressort pas de ces dispositions que, en l'absence d'éléments nouveaux concernant son inaptitude portés à leur connaissance par le salarié, elles obligent l'employeur ou l'administration à vérifier si l'état de santé du salarié a évolué entre les avis du médecin du travail constatant l'inaptitude et la demande d'autorisation de licenciement ou à solliciter un nouvel avis du médecin du travail ; qu'en particulier, si M. C...fait valoir qu'il avait, le 14 décembre 2011, demandé à son employeur l'autorisation d'exercer des fonctions de vacataire auprès de l'Université de Lorraine, contrairement à ce que soutient le requérant, cette seule demande ne peut être regardée comme permettant d'établir que l'hôpital Saint Joseph ne pouvait ignorer que son état de santé avait évolué ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si, aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail " Dans les entreprises de cinquante salariés et plus, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté " et si ces dispositions impliquent que le médecin prenne position sur une formation susceptible d'être proposée au salarié, elles n'exigent pas que ces indications soient formalisées expressément ; qu'en excluant, dans son avis du 18 mars 2011, le principe d'un reclassement de M. C... sur tout poste au sein de l'entreprise, le médecin du travail a, certes implicitement, mais nécessairement, entendu exclure la possibilité, pour l'intéressé de suivre une formation en vue d'un poste adapté, le maintien de M. C...dans l'établissement n'étant pas envisageable selon le praticien, quel que soit le poste ; que le moyen tiré de ce que l'avis du médecin du travail serait irrégulier au regard des dispositions de l'article L. 1226-10 du code du travail doit être écarté ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail " ; que l'inspecteur du travail, lorsqu'il est saisi tout à la fois d'un recours formé par un salarié sur le fondement des dispositions précitées et d'une demande d'autorisation de licencier ce salarié pour inaptitude physique, ne peut se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement sans avoir statué sur le recours, après avis du médecin inspecteur du travail ; que, de même, le ministre, saisi d'un recours hiérarchique contre une décision de l'inspecteur du travail, ne peut autoriser le licenciement pour inaptitude physique du salarié sans disposer, lorsqu'a été exercé le recours prévu par les dispositions précitées, de la décision de l'inspecteur du travail statuant sur ce recours et de l'avis du médecin inspecteur du travail ayant précédé cette décision ;

10. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le courriel que M. C... a adressé au secrétariat du médecin inspecteur de la santé le 16 février 2011 ne comportait que des critiques générales sur le caractère insuffisant et inadapté des intervention du médecin du travail s'agissant des difficultés rencontrées par le requérant ainsi que d'autres salariés, avec la nouvelle direction de l'établissement ; que cette demande, au demeurant antérieure aux deux avis émis par le médecin du travail sur l'inaptitude de M.C..., n'entrait pas dans le champ d'application de l'article L. 4624-1 précité et n'avait pas à faire l'objet d'une transmission à l'inspecteur du travail en application de l'article 20 de la loi du 12 avril 2000 susvisée ;

11. Considérant, d'autre part, que si M. C...a adressé un courriel à l'inspecteur du travail le 17 mai 2011, il s'est borné à lui transmettre le texte du courriel mentionné au point 10 ; que, par suite, il ne peut être regardé comme ayant entendu contester auprès de l'inspecteur du travail les avis émis par le médecin du travail ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que l'inspecteur du travail n'aurait pas transmis sa demande au médecin inspecteur du travail en violation des dispositions de l'article L. 4624-1 précité doit être écarté ;

12. Considérant, en dernier lieu, que le requérant ne saurait utilement soutenir que la décision de l'inspecteur du travail n'aurait pas respecté les dispositions de la circulaire DGT 07/2012 du 30 juillet 2012 relative aux décisions administratives en matière de rupture ou de transfert du contrat de travail des salariés protégés dès lors que cette circulaire, qui se borne à rappeler la jurisprudence applicable en matière de consultation des représentants du personnel et d'appréciation de l'inaptitude professionnelle d'un salarié, est dépourvue de caractère réglementaire ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'hôpital Saint-Joseph, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. C...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de M. C...une somme de 1 500 euros à verser à l'hôpital Saint Joseph sur le fondement des mêmes dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : M. C...versera à l'hôpital Saint Joseph une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...C..., à l'hôpital Saint Joseph et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

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N° 14NC01362


Synthèse
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC01362
Date de la décision : 12/05/2015
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTÉRA
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : PATE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/08/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-05-12;14nc01362 ?
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