Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2013, présentée pour M. B...A..., demeurant au..., par Me Paté ;
M. A...demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004890 du 15 octobre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de la société Smart France, annulé la décision de l'inspecteur du travail en date du 19 février 2010 et la décision du ministre du travail en date du 16 août 2010 refusant l'autorisation de le licencier ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société Smart France devant le tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) de mettre à la charge de la société Smart France la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- il existait un lien entre la demande d'autorisation de licenciement et l'exercice de son mandat, qui devait entrainer le rejet de la demande d'autorisation de licenciement ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 mars 2014, présenté pour la société Smart France, dont le siège social est Europôle, à Hambach (57910), par Me Rey ; la société Smart France conclut au rejet de la requête et à ce que le versement de la somme de 1 500 euros soit mis à la charge de M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient qu'aucun des moyens de la requête n'apparait fondé ;
Vu les pièces dont il résulte que la requête a été communiquée, le 14 janvier 2014, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;
Vu le mémoire enregistré le 5 août 2014, présenté pour M.A..., qui tend aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;
Vu le mémoire enregistré le 27 août 2014, présenté pour la société Smart France, qui tend aux mêmes fins que ses précédentes écritures par les mêmes moyens ;
Vu le jugement et les décisions attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code du travail ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2015 :
- le rapport de Mme Rousselle, président assesseur,
- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,
- et les observations de Me Paté, avocat de M. A...et de Me Rey, avocat de la société Smart France ;
1. Considérant que M.A..., membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail au sein de la société Smart France SAS, occupait un emploi d'opérateur de montage en qualité d'animateur d'équipe depuis le 2 février 1998 ; que, le 20 novembre 2009, la société Smart France SAS a décidé de procéder à l'affectation de M. A...au sein d'une nouvelle équipe de travail ; que celui-ci ayant refusé d'exercer ses fonctions auprès d'une autre équipe que celle à laquelle il était jusque-là affecté, la société Smart France a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de le licencier pour motif disciplinaire ; que par décision du 19 février 2010 l'inspecteur du travail a refusé d'accorder l'autorisation de licenciement sollicitée ; que par décision du 16 août 2010, le ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique a, sur recours hiérarchique, confirmé cette décision ; que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg, à la demande de la société Smart France, a annulé ces deux décisions ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;
3. Considérant que le refus opposé par un salarié protégé à un changement de ses conditions de travail décidé par son employeur en vertu, soit des obligations souscrites dans le contrat de travail, soit de son pouvoir de direction, constitue, en principe, une faute ; qu'en cas d'un tel refus, l'employeur, s'il ne peut directement imposer au salarié ledit changement, doit, sauf à y renoncer, saisir l'inspecteur du travail d'une demande d'autorisation de licenciement à raison de la faute qui résulterait de ce refus ; qu'après s'être assuré que la mesure envisagée ne constitue pas une modification du contrat de travail de l'intéressé, il appartient à l'autorité administrative, sous le contrôle du juge, d'apprécier si le refus du salarié constitue une faute d'une gravité suffisante pour justifier l'autorisation sollicitée, compte tenu de la nature du changement envisagé, de ses modalités de mise en oeuvre et de ses effets, tant au regard de la situation personnelle du salarié, que des conditions d'exercice de son mandat ; qu'en tout état de cause, le changement des conditions de travail ne peut avoir pour objet de porter atteinte à l'exercice de ses fonctions représentatives ;
4. Considérant qu'à l'appui de sa demande d'autorisation de licencier M. A..., la société Smart France a invoqué la faute qu'aurait commise M. A...en refusant de rejoindre le nouveau poste de travail qui lui avait été affecté ; qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., employé comme animateur auprès de l'équipe 42 aile 4000 en poste B, s'est vu proposer une affectation comme animateur auprès de l'équipe 34 de l'aile 3000 toujours sur un poste B ; que l'entreprise établit que la rotation des effectifs à laquelle elle a procédé avait pour objet d'affecter aux équipes dites " de milieu d'aile " des animateurs expérimentés, mieux à même de prêter assistance aux nouveaux animateurs d'équipe affectés en bout d'aile et d'assurer une présence en ligne de production pour environ 50 % du temps de travail notamment en remplaçant les absents à tous les postes de l'équipe ainsi qu'à ceux des équipes amont et aval ; que ce changement d'affectation ne modifiait en rien l'emploi, le salaire, le coefficient, la durée et l'horaire de travail de M.A..., les deux ailes du bâtiment n'étant au surplus distantes que d'environ cinquante mètres l'une de l'autre ; qu'il doit donc s'analyser comme un simple changement de ses conditions de travail ; que, dans ces conditions, le refus opposé par M. A... à ce changement d'affectation était, compte tenu de la nature et des effets du changement envisagé, de la situation personnelle de l'intéressé et des conditions d'exercice de son mandat, constitutif d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;
5. Considérant que, contrairement à ce que soutient M.A..., la décision de changement de son affection, qui est justifiée, ainsi qu'il vient d'être dit, par la réorganisation des postes de travail, n'a pas eu pour objet d'entraver l'exercice de ses fonctions représentatives de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, dès lors que les deux ailes du bâtiment font partie du même établissement et sont donc couvertes par un comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail unique, de sorte que cette affectation n'aura aucune conséquence négative sur l'exercice de son mandat ; qu'il s'ensuit que la demande de licenciement est sans lien avec son mandat ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé les décisions de l'inspecteur du travail et du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui avaient refusé l'autorisation de le licencier ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Smart France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. A...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A...le versement de la somme que la société Smart France demande sur le fondement des mêmes dispositions ;
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la société Smart France présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3: Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à la société Smart France et au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
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N° 13NC02241