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24/03/2015 | FRANCE | N°14NC00237

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 24 mars 2015, 14NC00237


Vu la requête, enregistrée le 12 février 2014, présentée pour M. C... A..., demeurant au..., par Me B...de la SELARL Guitton B...Blandin ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302542 du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2013 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, p

our excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour d...

Vu la requête, enregistrée le 12 février 2014, présentée pour M. C... A..., demeurant au..., par Me B...de la SELARL Guitton B...Blandin ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302542 du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2013 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) de surseoir à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice de l'Union Européenne se soit prononcée sur les questions préjudicielles enregistrées sous le numéro C-166/13 ;

4°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, une autorisation provisoire de séjour ;

5°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de surseoir à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente ;

- le tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'absence de délégation spéciale ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée quant à la nécessité d'envisager un délai supérieur de trente jours ;

- l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en disposant qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ne peut être accordé qu'à titre exceptionnel, eu égard à la situation personnelle de l'étranger, méconnaît l'article 7.2 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire n'est pas appropriée à sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et les stipulations du 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'il n'a pas pu présenter des observations préalables ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et les stipulations du 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne dès lors qu'il n'a pas pu présenter des observations préalables ;

- il convient de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire C-166/13 ;

- le jugement a méconnu les droits de la défense dès lors qu'il n'a pas disposé du temps nécessaire pour répondre au mémoire en défense du préfet en date du 2 janvier 2014 pour une audience fixée au 7 janvier 2014 avec clôture de l'instruction le 4 janvier ;

- la décision portant refus de titre de séjour est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile méconnaissent les dispositions de l'article 12 directive de la 2008/115/CE du 16 décembre 2008 sur l'exigence de motivation spéciale de l'obligation de quitter le territoire français ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- la décision fixant le pays de destination est insuffisamment motivée ;

- cette décision est entachée d'un défaut d'examen de situation personnelle ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'est pas légalement admissible au Kosovo et ne peut bénéficier d'une protection en Bosnie ou en Serbie ;

- il convient de surseoir à statuer dans l'attente de la décision d'aide juridictionnelle ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 27 juin 2014, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet s'en remet à ses écritures de première instance et soutient, en outre, que le requérant a pu être éloigné vers le Kosovo ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 25 mars 2014, admettant M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu l'arrêt rendu par la Cour de justice de l'Union européenne le 10 septembre 2013, dans l'affaire C-383/13 PPU ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 mars 2015 :

- le rapport de M. Michel, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., se déclarant de nationalité kosovare, est entré irrégulièrement en France le 2 février 2012 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité son admission au séjour en qualité de réfugié ; que sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) par décision du 13 mars 2012 ; que, par un arrêté du 27 mars 2012, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ; que, par décision du 13 mai 2013, la Cour nationale du droit d'asile a confirmé la décision de rejet prise par l'OFPRA ; que M. A...a sollicité le réexamen de sa demande d'asile le 27 juin 2013 ; que, par décision du 24 juillet 2013, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé son admission provisoire au séjour en qualité de réfugié ; que l'OFPRA a rejeté sa demande de réexamen par décision du 30 août 2013 ; que, par un arrêté du 15 octobre 2013, le préfet de Meurthe-et-Moselle a refusé d'admettre M. A...au séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination ; que M. A... relève appel du jugement en date du 28 janvier 2014 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur les conclusions tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire :

2. Considérant que le bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Nancy a, par une décision du 25 mars 2014, accordé à M. A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, dès lors, ses conclusions tendant à ce que soit prononcée son admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle :

3. Considérant que, par une décision du président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 25 mars 2014 l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M.A...; que, par suite, ces conclusions sont devenues sans objet ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6 " ; que selon l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'instruction devant le tribunal administratif a été close, par l'avis d'audience du 31 octobre 2013, trois jours francs avant la date de l'audience du 7 janvier 2014, soit le vendredi 3 janvier ; que le premier mémoire en défense du préfet de Meurthe-et-Moselle, enregistré le 2 janvier 2014 au greffe du tribunal administratif de Nancy, a été communiqué au conseil de M. A... le même jour, soit la veille de la clôture de l'instruction ; que le délai dont a ainsi disposé M. A...pour prendre connaissance de ce mémoire et éventuellement y répondre n'a pas été suffisant pour que le principe du contradictoire soit regardé comme ayant été respecté à son égard ; que M. A...est, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen tiré de l'irrégularité du jugement qu'il invoque, fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu au terme d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Nancy ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le moyen commun tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué :

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 15 octobre 2013 en litige a été signé par M. Jean-François Raffy, secrétaire général de la préfecture de la Meurthe-et-Moselle, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 20 août 2013, régulièrement publiée le 23 août 2013 au recueil des actes administratifs du département, à l'effet de " signer tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'État dans le département de Meurthe-et-Moselle, à l'exception des arrêtés de conflit " ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

8. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige, après avoir visé les textes applicables, indique notamment que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ont rejeté la demande d'asile de M. A...ainsi que sa demande de réexamen, qu'un refus de séjour ne porte pas une atteinte disproportionnée au respect dû à sa vie privée et familiale puisqu'il s'est déclaré célibataire, sans enfant à charge et qu'il n'a pas établi ne plus avoir de famille dans son pays d'origine au Kosovo, qu'il est entré en France il y a moins de deux ans et qu'il ne peut donc se prévaloir d'une intensité, d'une stabilité et d'une ancienneté de ses liens en France et que, compte tenu de ces éléments, il n'y a pas lieu de faire usage du pouvoir discrétionnaire dont dispose le préfet de régulariser la situation de l'intéressé sur le territoire français ; que la décision portant refus de titre de séjour comporte ainsi les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

9. Considérant, en second lieu, qu'il ressort des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet a procédé à l'examen de la situation individuelle de l'intéressé ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12, paragraphe 1, de la directive 2008/115/CE susvisée du 16 décembre 2008 : " Les décisions de retour (...) sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles. / (...) " ; qu'aux termes de 1'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office " ;

11. Considérant, d'une part, que l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a ni pour objet ni pour effet de restreindre le champ d'application de l'obligation de motivation des décisions de retour ; qu'il se borne à prévoir les cas où la motivation de l'obligation de quitter le territoire étant identique à celle de la décision de refus de séjour dont elle procède, elle n'a pas à faire l'objet d'une énonciation distincte ; qu'ainsi, la rédaction de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile issue de l'article 37 de la loi du 16 juin 2011 n'est pas incompatible avec les dispositions précitées de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ;

12. Considérant, d'autre part, que dès lors que, comme en l'espèce, le refus de titre de séjour est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent de l'assortir d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, la motivation de cette obligation, qui se confond avec celle de la décision de refus de séjour, n'implique pas, ainsi qu'il vient d'être dit, de mention spécifique pour respecter les exigences de motivation découlant de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 ; que l'arrêté attaqué vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, la décision portant refus de titre de séjour est suffisamment motivée ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire serait entachée d'un défaut de motivation doit être écarté ;

13. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'ensemble des dispositions du livre V du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment de son article L. 512-1, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises les décisions par lesquelles l'autorité administrative oblige un ressortissant étranger à quitter le territoire français en assortissant cette obligation d'un délai de départ volontaire ; que, dès lors, l'article 24 de la loi susvisée du 12 avril 2000, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979, ne peut être utilement invoqué par Mme A...à l'encontre de la décision en litige ;

14. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) " ;

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

16. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, que les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des États tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n' ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des États membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux États membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des États tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

17. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

18. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la seule circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas expressément informé M. A...qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'intéressé comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire :

20. Considérant, en premier lieu que pour les mêmes motifs que ceux mentionnés lors de l'examen de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, la seule circonstance que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas expressément informé M. A...qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder l'intéressé comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

21. Considérant, en deuxième lieu, que pour les mêmes motifs que ceux mentionnés lors de l'examen de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peut être utilement invoqué par M. A... à l'encontre de la décision en litige ;

22. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 7 de la directive 2008/115/CE : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire (...) / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux " ; que ces dispositions ont été transposées en droit interne par l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 modifiant l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'aux termes du II de cet article : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ;

23. Considérant, d'une part, qu'en fixant de manière générale un délai de trente jours à l'étranger pour quitter le territoire français, lequel est égal à la limite supérieure prévue à l'article 7 de la directive, le législateur na pas édicté des dispositions incompatibles avec les objectifs de cet article ; que, par ailleurs, les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que l'autorité administrative prolonge, le cas échéant, le délai de départ volontaire d'une durée appropriée pour faire bénéficier les étrangers, dont la situation particulière le nécessiterait, de la prolongation prévue par le paragraphe 2 de l'article 7 de la directive ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse serait privée de base légale en raison de l'incompatibilité des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté ;

24. Considérant, d'autre part, que les dispositions précitées du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'impliquent pas que l'autorité administrative, lorsqu'elle prend une décision de retour prévoyant un délai de départ volontaire de trente jours, comme c'est le cas en l'espèce, démontre l'absence de circonstances particulières qui auraient pu, le cas échéant, justifier une prolongation de ce délai ; que lorsqu'elle accorde le délai de trente jours, l'autorité administrative n'a par suite pas à motiver spécifiquement cette décision, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie avoir informé l'autorité administrative d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens des dispositions précitées, une telle prolongation ; qu'ainsi, et en l'absence de demande ou d'éléments présentés par M. A...relatifs à la prolongation du délai de trente jours, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait insuffisamment motivée doit être écarté ;

25. Considérant, enfin, qu'il ressort des termes mêmes de la décision en litige, qui mentionne qu'il n'y a pas lieu, en l'absence de circonstances particulières, de faire usage du pouvoir discrétionnaire de prolonger le délai de trente jours imparti à l'intéressé, que le préfet n'a pas méconnu l'étendue de sa propre compétence en décidant de fixer un délai de départ volontaire de trente jours ; que si M. A...soutient qu'il ne dispose d'aucune attache familiale au Kosovo, cette circonstance n'est pas de nature à justifier, eu égard à la situation personnelle de l'intéressé, l'octroi d'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; que, par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

26. Considérant, en premier lieu, que la décision en litige, après avoir notamment visé les textes applicables, mentionne que l'intéressé n'a pas établi être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Kosovo dont il déclare avoir la nationalité ; que cette décision comporte ainsi les éléments de droit et fait qui en constitue le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

27. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...ne justifie par aucun élément qu'il ne serait pas admissible au Kosovo, pays dont il a déclaré avoir la nationalité ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige serait entachée d'une erreur de fait en fixant le Kosovo comme pays à destination duquel M. A...peut être reconduit d'office doit être écarté ;

28. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des termes de la décision en litige que le préfet de Meurthe-et-Moselle n'aurait pas examiné la situation personnelle de M. A...et se serait cru à tort lié par les décisions rendues par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ;

29. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

30. Considérant que si M. A...soutient qu'il encourt des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Kosovo en raison de son appartenance à la communauté "Rom", il ne produit toutefois aucun élément suffisamment probant de nature à établir le caractère réel, personnel et actuel des risques allégués ; que, par suite, et alors que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré par le requérant de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

31. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer dans l'attente d'un arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 15 octobre 2013 ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les demandes d'aide juridictionnelle provisoire et de sursis à statuer dans l'attente de la décision du bureau d'aide juridictionnelle.

Article 2 : Le jugement n° 1302542 du 28 janvier 2014 du tribunal administratif de Nancy est annulé.

Article 3 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nancy ainsi que ses conclusions devant la Cour à fin d'injonction et celles tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 14NC00237


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00237
Date de la décision : 24/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTÉRA
Rapporteur ?: M. Alexis MICHEL
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-03-24;14nc00237 ?
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