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19/03/2015 | FRANCE | N°14NC00858

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 19 mars 2015, 14NC00858


Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2014, présentée pour Mme F...D..., demeurant..., par MeE... ;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304476 du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Mulhouse en date du 2 août 2013 la radiant des cadres et à l'indemnisation des préjudices subis en raison de l'illégalité de cette décision ;

2°) à titre principal, d'annuler cette décision ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médical

e afin de déterminer si son état de santé justifiait une prolongation de son arrêt de travail...

Vu la requête, enregistrée le 13 mai 2014, présentée pour Mme F...D..., demeurant..., par MeE... ;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304476 du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Mulhouse en date du 2 août 2013 la radiant des cadres et à l'indemnisation des préjudices subis en raison de l'illégalité de cette décision ;

2°) à titre principal, d'annuler cette décision ;

3°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise médicale afin de déterminer si son état de santé justifiait une prolongation de son arrêt de travail ;

4°) de condamner la commune de Mulhouse à lui verser la somme de 10 000 euros en raison des préjudices qu'elle allègue avoir subis ;

5°) qu'il soit enjoint à la commune de Mulhouse de la réintégrer dans ses effectifs, à compter du 5 août 2013 et de régulariser sa situation, en ce qui concerne ses traitements et ses droits sociaux, à compter du 1er août 2013, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de la commune de Mulhouse la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les premiers juges ont méconnu l'étendue de leur compétence en ne soulevant pas d'office le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte attaqué ;

- la délégation donnée à M. B...n'est pas suffisamment précise et méconnaît donc les dispositions de l'article L. 2122-8 du code général des collectivités territoriales ;

- les précédentes mises en demeure de reprendre le travail qui lui ont été adressées, en date des 11 juin, 18 et 19 juillet 2013, étaient privées de tout fondement ;

- elle a produit des éléments médicaux probants de nature à contredire l'avis du médecin agréé la considérant apte à reprendre le travail à compter du 1er août 2013 ;

- aucune suite n'a été donnée à sa demande de contre-expertise ;

- la mise en demeure qui lui a été notifiée est irrégulière car elle était dans une situation d'absence justifiée ;

- le délai de vingt-quatre heures qui lui a été imparti pour reprendre le travail était d'une excessive brièveté ;

- elle a subi des préjudices évalués à 14 800 euros, somme de laquelle il convient de déduire les 4 886,04 euros déjà versés par la commune de Mulhouse ;

- il est utile d'ordonner une expertise médicale avant-dire droit afin de déterminer si son état de santé justifiait la prolongation de son arrêt de travail ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 septembre 2014, présenté pour la commune de Mulhouse, représentée par son maire en exercice, par MeC..., qui conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme D...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont prononcés sur la question de la compétence de l'auteur de la décision attaquée ;

- M. B...était compétent pour signer cette décision ;

- la mise en demeure du 31 juillet 2013, faisant suite à trois précédentes mises en demeure, n'entache pas d'irrégularité la procédure, dès lors, en particulier, que Mme D...a été informée du risque qu'elle encourait à ne pas s'y conformer, que le médecin agréé l'a informée lors de la visite médicale du 31 juillet qu'elle était apte à reprendre le travail dès le lendemain et qu'un délai de vingt-quatre heures pouvait légalement être fixé, dans les circonstances de l'espèce, pour qu'elle reprenne son poste ;

- la requérante ne peut soutenir qu'elle apporte des éléments probants permettant de remettre en cause l'avis du médecin agréé, dès lors qu'elle ne s'est pas rendue au rendez-vous médical qui lui avait été donné afin qu'une contre-expertise soit réalisée et qu'elle ne produit qu'un certificat médical émanant de son médecin traitant ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Mme D...pouvait reprendre ses fonctions à compter du 1er août 2013 ;

- les demandes indemnitaires présentées par MmeD..., qui ne sont pas justifiées, doivent en tout état de cause être écartées en raison de l'absence d'illégalité de la décision contestée ;

- dans la mesure où elle ne s'est pas rendue au rendez-vous médical qui lui avait été donné afin qu'une contre-expertise soit réalisée, la demande d'expertise médicale présentée par la requérante doit être rejetée ;

Vu les mémoires, enregistrés le 23 février 2015, après clôture de l'instruction, présentés pour MmeD... ;

Vu les pièces dont il résulte que, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, les parties ont été informées que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions indemnitaires en raison de leur présentation tardive devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Vu les observations en réponse à ce moyen d'ordre public, enregistrées le 23 février 2013, présentées pour MmeD... ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 19 août 2014, admettant Mme D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 pris pour l'application de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif à l'organisation des comités médicaux, aux conditions d'aptitude physique et au régime des congés de maladie des fonctionnaires territoriaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 février 2015 :

- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant MeC..., pour la commune de Mulhouse ;

1. Considérant que MmeD..., adjointe technique de deuxième classe de la commune de Mulhouse, a été radiée des cadres pour abandon de poste par une décision du maire en date du 2 août 2013 ; qu'elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 11 mars 2014 rejetant sa demande tendant à l'annulation de cette décision et à ce qu'elle soit indemnisée des préjudices qu'elle allègue avoir subis ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'une radiation des cadres pour abandon de poste ne peut légalement intervenir que si l'agent concerné, qui a cessé, sans justification, d'exercer ses fonctions, n'a pas obtempéré à une mise en demeure de reprendre son travail ; qu'aux termes de l'article 15 du décret du 30 juillet 1987 visée ci-dessus : " Pour bénéficier d'un congé de maladie ainsi que de son renouvellement, le fonctionnaire doit obligatoirement et au plus tard dans un délai de quarante-huit heures adresser à l'autorité dont il relève un certificat d'un médecin (...) L'autorité territoriale peut faire procéder à tout moment à la contre-visite du demandeur par un médecin agréé (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que si le médecin traitant de Mme D... lui a prescrit un arrêt de travail du 25 juillet au 11 août 2013, un médecin agréé par l'administration a conclu le 31 juillet que l'état de santé de l'intéressée lui permettait de reprendre son travail dès le 1er août 2013 ; que la commune de Mulhouse a, dans ce contexte, notifié à la requérante, le 31 juillet 2013, par voie administrative, une mise en demeure de reprendre le travail dès le lendemain ; que l'intéressée étant à cette date en congé de maladie conformément aux dispositions précitées de l'article 15 du décret du 30 juillet 1987, ne pouvait donc être regardée comme ayant cessé, sans justification, d'exercer ses fonctions ; que cette mise en demeure est donc intervenue de manière irrégulière ; que la circonstance que l'administration lui avait antérieurement, notifié d'autres mises en demeure de reprendre le travail, les 18 et 19 juillet 2013, qui ont été suivies d'effets, l'intéressée étant présente à son poste le 23 juillet 2013, est sans incidence ; que, par suite, Mme D...est fondée à soutenir que la décision du maire de Mulhouse du 2 août 2013 la radiant des cadres est entachée d'irrégularité ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, ni d'examiner les autres moyens de la requête ou d'ordonner une expertise complémentaire, que Mme D...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'annulation ;

Sur les conclusions à fin d'indemnisation :

5. Considérant, en premier lieu, que Mme D...n'est pas fondée à solliciter une indemnité de 4 800 euros en raison de l'absence de versement de son traitement entre le 5 août et le 8 novembre 2013, dès lors qu'il résulte de l'instruction que la commune de Mulhouse lui a versée la somme de 4 886,04 euros en réparation de ce chef de préjudice ;

6. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de l'instruction que la requérante a dû verser une somme de 92 euros correspondant à des retards d'impayés de cotisations d'assurance et à une majoration de son impôt sur le revenu, imputables à la suspension de ses traitements jusqu'au mois de novembre 2013, date à laquelle la ville de Mulhouse, à la suite de la suspension de sa décision de radiation des cadres par le juge des référés du tribunal administratif, lui a versé les salaires initialement bloqués ; qu'elle est fondée à obtenir une indemnité d'égal montant ; qu'en revanche, il n'est pas établi que la taxe d'habitation était due par l'intéressée avant le mois de novembre 2013 ; que, par suite, la demande tendant à l'indemnisation de la majoration de cette taxe ne peut qu'être rejetée ; qu'en outre, si l'intéressée affirme qu'elle aurait pu subir une suspension de ses abonnements téléphonique et d'électricité, ce préjudice est purement éventuel et ne peut donc donner lieu à indemnisation ;

7. Considérant, en dernier lieu, que dans les circonstances de l'espèce, Mme D... ne justifie pas d'un préjudice moral distinct de celui réparé sur le fondement du point 6 du présent arrêt ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme D...est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions à fin d'indemnisation et n'a pas fait droit à celles-ci dans la limite d'un montant de 92 euros ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

10. Considérant que le présent arrêt implique nécessairement que la commune de Mulhouse réintègre Mme D...dans ses effectifs à compter du 5 août 2013, avec reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux, dans un délai de deux mois à compter du présent arrêt, sans astreinte ; qu'en revanche, en l'absence de service fait, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de Mulhouse de lui verser les traitements non perçus au cours de son absence ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, d'une part, Mme D...n'allègue pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui lui a été allouée ; que, d'autre part, l'avocat de l'intéressée n'a pas demandé que lui soit versée par la commune de Mulhouse la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à sa cliente si cette dernière n'avait bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; que ces mêmes dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de MmeD..., qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par la commune de Mulhouse au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 28 janvier 2014 et la décision du maire de Mulhouse en date du 2 août 2013 sont annulés.

Article 2 : La commune de Mulhouse versera à Mme D...une somme complémentaire de 92 (quatre vingt-douze) euros.

Article 3 : Il est enjoint à la commune de Mulhouse de réintégrer Mme D...dans ses effectifs, à compter du 5 août 2013, avec reconstitution de sa carrière et de ses droits sociaux, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête, ainsi que les conclusions de la commune de Mulhouse tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F...D...et à la commune de Mulhouse.

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N° 14NC00858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00858
Date de la décision : 19/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Abandon de poste.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CEREJA

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-03-19;14nc00858 ?
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