La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/02/2015 | FRANCE | N°14NC00451

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 03 février 2015, 14NC00451


Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2014, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Grit, avocat ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304061 du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 mai 2013 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet

arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temp...

Vu la requête, enregistrée le 17 mars 2014, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me Grit, avocat ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304061 du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 mai 2013 par lequel le préfet du Bas-Rhin lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer une carte de séjour temporaire dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 30 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient :

S'agissant du refus de délivrance d'un titre de séjour, que :

- la décision portant refus de délivrance de titre de séjour méconnait les dispositions de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; il produit des éléments médicaux nouveaux qui rendent nécessaire un réexamen de sa demande ; il lui est impossible de suivre des soins dans son pays d'origine dès lors que l'Algérie isole culturellement toute personne susceptible de se prévaloir d'un suivi psychiatrique ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 6-5 de l'accord franco-algérien et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il partage sa vie en France avec une ressortissante française et a reconnu l'enfant à naître ;

- cette décision est entachée d'un vice de procédure dès lors que la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'a pas été consultée ;

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 6-5 et 6-7 de l'accord franco-algérien ; il ne peut voyager, compte tenu de la gravité de son état de santé, vers son pays d'origine ;

- la décision attaquée méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 19 août 2014, présenté par le préfet du Bas-Rhin qui conclut à titre principal au non lieu à statuer et à titre subsidiaire au rejet de la requête ;

Il fait valoir qu'il a décidé le 15 mai 2014 de délivrer à M. B...un certificat de résidence d'algérien valable jusqu'au 14 mai 2015 ; que, dans l'attente de la visite médicale réglementaire à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le requérant a été mis en possession d'un récépissé de demande de carte de séjour valable du 27 juin 2014 jusqu'en décembre 2014 ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 25 février 2014, admettant M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2015, le rapport de Mme Rousselle, président assesseur ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant algérien, est entré en France en juin 2010 selon ses déclarations ; qu'il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et qu'il a été mis en possession d'une autorisation provisoire de séjour régulièrement renouvelée jusqu'au 6 mars 2013 ; qu'il a de nouveau sollicité, le 12 septembre 2012, la délivrance d'un certificat de résidence d'Algérien sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien précité ; que, par un avis du 24 janvier 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que si l'état de santé de M. B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'intéressé peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que par décisions en date du 28 mai 2013, le préfet du Bas-Rhin a refusé de délivrer à M. B...un certificat de résidence d'Algérien, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que M. B...relève appel du jugement en date du 5 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment de la production en appel d'extraits du fichier de l'application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF), que, postérieurement à la requête, le préfet du Bas-Rhin a décidé, le 15 mai 2014, de délivrer à M. B...un certificat de résidence d'Algérien valable jusqu'au 14 mai 2015 ; que, dans l'attente de la visite médicale règlementaire à l'Office français de l'immigration et de l'intégration, l'intéressé s'est vu remettre un récépissé de demande de carte de séjour valable du 27 juin 2014 jusqu'en décembre 2014 ; que le préfet, en délivrant à M. B...un tel récépissé, a implicitement mais nécessairement abrogé les décisions obligeant l'intéressé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination ; que, par suite, les conclusions tendant à l'annulation de ces décisions sont dépourvues d'objet ; qu'il n'y a, dès lors, plus lieu d'y statuer ; qu'en revanche, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...a été mis en possession d'un certificat de résidence d'Algérien portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, et contrairement à ce que soutient le préfet, les conclusions de la requête ne peuvent être regardées comme dépourvues d'objet sur ce point ;

Sur le refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention franco-algérienne du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit: (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage l'éloignement d'un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l' intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

4. Considérant que pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, le préfet du Bas-Rhin s'est notamment fondé sur l'avis du 24 janvier 2013 par lequel le médecin de l'agence régionale de santé indique que si l'état de santé du requérant nécessite une prise en charge dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. B...peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine vers lequel il peut voyager sans risque ; que, pour contester cette appréciation, M. B...soutient qu'il lui est impossible de suivre des soins dans son pays où, sur un plan culturel, l'état de folie et de démence seraient assimilés à tout suivi psychiatrique, l'Algérie isolant toute personne susceptible de se prévaloir de pareil suivi médical ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé ne pourrait pas bénéficier d'un traitement effectif dans son pays d'origine ; que si M. B...se prévaut en appel des certificats médicaux produits en première instance en date des 13 et 21 juin 2013 du docteur Tryleski, attestant d'éléments médicaux nouveaux, postérieurs à la rédaction du rapport médical, ces documents ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sur lequel s'est appuyé le préfet pour refuser le titre de séjour sollicité ; que, dès lors, le moyen tiré de l'inexacte application des stipulations précitées de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien doit être écarté ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. (...) " ; qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

6. Considérant que si M. B...soutient qu'il vit en concubinage avec une ressortissante française et qu'il a reconnu un enfant à naître, il est constant qu'il n'a jamais sollicité la délivrance d'un certificat de résidence au titre des stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien précité et ne peut utilement se prévaloir d'une violation de ces dispositions ; qu'il n'établit pas l'ancienneté et la stabilité de sa relation avec sa compagne ; que la reconnaissance d'un enfant à naître, effectuée le 4 décembre 2013, est sans incidence sur la légalité de l'arrêté du 28 mai 2013 attaqué ; que M.B..., qui est entré en France en juin 2010 à l'âge de vingt-huit ans, n'établit pas être dépourvu de toutes attaches familiales dans son pays d'origine où résident, selon ses propres déclarations, ses parents et ses frères et soeurs ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la durée et des conditions de son séjour en France, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. B...une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (... ) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile, ou des stipulations équivalentes de l'accord franco-algérien, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin n'était pas tenu de soumettre le cas du requérant à la commission du titre de séjour avant de statuer sur sa demande ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

''

''

''

''

2

N° 14NC00451


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00451
Date de la décision : 03/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-05 Étrangers. Réfugiés (voir : Asile) et apatrides.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTÉRA
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : GRIT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-02-03;14nc00451 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award