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03/02/2015 | FRANCE | N°13NC00821

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 03 février 2015, 13NC00821


Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2013, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant au..., par Me Kempf ; M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904575 du 19 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 et 2003 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de

4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ...

Vu la requête, enregistrée le 30 avril 2013, présentée pour M. et Mme B...A..., demeurant au..., par Me Kempf ; M. et Mme A...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0904575 du 19 mars 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2002 et 2003 et des pénalités correspondantes ;

2°) de prononcer la décharge des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- la procédure de taxation d'office suivie à leur encontre est irrégulière, l'administration n'ayant pas apporté la preuve, exigée par l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, qu'ils ont disposé de revenus plus importants que ceux faisant l'objet de leur déclaration ; en particulier, l'appréciation de la règle dite " du double " doit se faire au regard des crédits prétendument injustifiés, et non au regard de l'intégralité des crédits des comptes et, en l'espèce, la règle du double n'est respectée pour aucune des deux années vérifiées ;

- s'agissant des revenus d'origine indéterminée, la présomption de prêt familial doit être appliquée, M. A...étant, au sein de sa famille appartenant à la communauté turque, un " pacha " qui, à ce titre, est amené à fournir des prêts à sa famille et à des proches, ainsi qu'à procéder à des opérations de change, telles que celles effectuées au début de l'année 2002 ; il produit des pièces justifiant de reconnaissances de dettes à son profit ; il a également sollicité, auprès de membres de la communauté turque, des prêts ; la présomption de prêt familial ne saurait être exclue du fait du versement en espèces de ces prêts ; il fournit des attestations selon la forme prévue aux articles 200 à 203 du code de procédure civile et apporte la justification, à hauteur de 139 702,99 euros pour l'année 2002 et de 37 200 euros pour l'année 2003, de l'origine de crédits sur son compte bancaire ;

- s'agissant des pénalités, l'administration n'apporte pas la preuve, par la seule référence à la jurisprudence en la matière ou à l'importance des redressements, de la mauvaise foi du contribuable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2013, présenté par le ministre délégué chargé du budget, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens des requérants n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Rousselle, président assesseur,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me Kempf, avocat de M. et Mme A...;

1. Considérant que M.A..., qui exploite une entreprise de maçonnerie et de crépissage, et son épouse ont fait l'objet d'un examen contradictoire de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2002 et 2003 ; que, par une proposition de rectification du 12 septembre 2005, l'administration fiscale a mis à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de ces années, ainsi que des contributions sociales et des majorations ; qu'ils relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à la décharge de ces impositions ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (...) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (...) Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur " ;

3. Considérant que la différence constatée entre les sommes portées au crédit des comptes bancaires ouverts au nom du contribuable, sous réserve de la neutralisation, s'il y a lieu, des virements opérés entre les comptes du contribuable, et le montant brut de ses revenus déclarés, dont l'importance doit justifier la mise en oeuvre de la procédure de demande de justifications, s'entend de celle que l'administration constate avant tout examen critique préalable à cette mise en oeuvre des crédits qu'elle a recensés, quelles que soient les premières justifications que le contribuable a pu spontanément apporter postérieurement à l'engagement de la vérification, et qui peuvent être de nature à réduire le montant des crédits sur lesquels il sera effectivement interrogé ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la somme des crédits recensés par le vérificateur avant tout examen critique préalable à la mise en oeuvre de la procédure de demande de justifications s'élevait, déduction faite des virements opérés entre les comptes des contribuables, à 1 046 204 euros au titre de l'année 2002 et 743 358 euros au titre de l'année 2003, alors que, pour ces mêmes années, leurs revenus bruts déclarés s'élevaient respectivement à 137 129 euros et 101 822 euros ; que les écarts ainsi constatés, qui, contrairement à ce que soutiennent les contribuables, sont supérieurs au double de leurs revenus déclarés, autorisaient l'administration à user de la procédure de demande de justifications prévue par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales ; que, par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de la mise en oeuvre de la procédure définie à l'article L. 16 du livre des procédures fiscales doit être écarté ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions visées à l'article L. 59 est saisie d'un litige ou d'un redressement, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission. Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou le redressement est soumis au juge. Elle incombe également au contribuable à défaut de comptabilité ou de pièces en tenant lieu, comme en cas de taxation d'office à l'issue d'un examen contradictoire de l'ensemble de la situation fiscale personnelle en application des dispositions des articles L. 16 et L. 69 " ; qu'il résulte de ces dispositions que M. et Mme A...supportent la charge de la preuve de l'exagération des bases d'imposition qui leur ont été assignées ;

6. Considérant, en premier lieu, que pour justifier de l'origine des crédits inexpliqués consistant en des dépôts d'espèces constatés par le vérificateur sur leurs comptes bancaires, M. et Mme A...soutiennent que ces crédits bancaires correspondent soit au remboursement de prêts à caractère familial ou amical qu'ils avaient précédemment consentis soit à de tels prêts qui leur ont été accordés ;

7. Considérant toutefois que, d'une part, les attestations produites par les intéressés, non corroborées par des extraits de compte bancaires des personnes concernées, ne permettent pas d'établir que les multiples versements d'espèces intervenus sur les comptes bancaires de M. et Mme A... correspondraient au remboursement, par des membres de leur famille, de prêts que les contribuables leur auraient consentis ; que, d'autre part, à défaut de produire des extraits des comptes bancaires des tiers concernés corroborant leurs allégations, les requérants n'établissent pas, par la seule production d'attestations établies postérieurement à la proposition de rectification, de reconnaissances de dettes dont la date n'est pas certaine et d'extraits de leurs comptes personnels retraçant d'importantes opérations de versements d'espèces avec la seule annotation manuscrite d'un nom, que les sommes en cause résulteraient de prêts à eux consentis par les frères et cousins de M. A..., dont il n'est pas, au surplus, établi qu'ils n'entretiendraient pas de relations économiques avec le contribuable ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que s'agissant des deux opérations des 4 janvier et 5 mars 2002, d'un montant respectif de 15 138,19 euros et de 13 720,41 euros, que les requérants présentent comme le produit " d'opération de change " de francs en euros réalisées pour le compte de membres de leur famille, ni la production d'attestations, rédigées après l'envoi de la proposition de rectification, qui ne sont pas corroborées par des extraits de compte bancaire des membres de la famille concernés justifiant à la fois du décaissement et de l'encaissement de ces sommes, ni les extraits de compte bancaire de M. et Mme A...montrant quatre importants retraits en espèces qu'ils allèguent avoir reversées à des membres de la famille, pour une somme totale en tout état de cause inférieure à celles créditées sur leur compte, ne permettent de considérer que les requérants établissent l'objet réel de ces transactions ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...n'apportent pas la preuve, qui leur incombe, de l'origine des crédits inexpliqués relevés sur leurs comptes bancaires ; qu'ils ne sont, par suite, pas fondés à soutenir que ces sommes ne pouvaient être taxées d'office en tant que revenus d'origine indéterminée ;

Sur les pénalités :

10. Considérant que M. et Mme A...reprennent en appel les moyens qu'ils avaient invoqués en première instance tirés de ce que l'importance des sommes concernées ne suffit pas à établir leur mauvaise foi et de ce que l'administration a renoncé au redressement lié au solde débiteur du compte courant d'associé détenu par M. A...dans la société Crépicentre ; qu'en l'absence de production à hauteur d'appel par les requérants, à l'appui de ces moyens, d'éléments nouveaux, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Strasbourg, d'écarter ces moyens ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B...A...et au ministre des finances et des comptes publics.

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N°13NC00821


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00821
Date de la décision : 03/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

19-04-01-02-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur le revenu. Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTÉRA
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : GROUPEMENT STRASBOURGEOIS D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2015-02-03;13nc00821 ?
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