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04/12/2014 | FRANCE | N°14NC00827

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2014, 14NC00827


Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2014, présentée pour Mme C...F...épouseD..., demeurant..., par la SELAS Devarenne associés ;

Mme F...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1300357 du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Reims en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

2°) de porter à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité due à raison des préjudice consécutifs à l'absence de renouve

llement de son contrat ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Reims la somme de 1 ...

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2014, présentée pour Mme C...F...épouseD..., demeurant..., par la SELAS Devarenne associés ;

Mme F...demande à la cour :

1°) de réformer le jugement n° 1300357 du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité à la somme de 3 000 euros l'indemnité au versement de laquelle il a condamné la commune de Reims en réparation des préjudices qu'elle a subis ;

2°) de porter à la somme de 15 000 euros le montant de l'indemnité due à raison des préjudice consécutifs à l'absence de renouvellement de son contrat ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Reims la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la ville de Reims a méconnu les dispositions, applicables en l'espèce, de l'article 38 du décret n° 88-145 du 15 février 1998 en ne lui notifiant pas son souhait de ne pas renouveler son contrat ;

- son contrat n'a pas été renouvelé au seul motif, étranger à l'intérêt du service, que, placée en congé maternité, elle n'aurait pas la disponibilité pour occuper son poste dès le mois de septembre 2012 ;

- la commune de Reims ne saurait se prévaloir du fait qu'elle n'a pas postulé à l'offre d'emploi correspondant à son poste, ni qu'elle était bénéficiaire d'un autre emploi à Châlons-en-Champagne, eu égard à l'absence d'incompatibilité de ses horaires de travail ;

- compte-tenu de ses compétences, la commune de Reims ne peut soutenir que le recrutement d'une autre personne répondait à l'intérêt exclusif du service et, en particulier, à des changements de projet pédagogique ;

- son préjudice moral, caractérisé dans la mesure où aucun reproche ne lui avait été formulé depuis 2007 concernant ses enseignements, et le non-renouvellement de son contrat, qui ne lui a pas été notifié par avance et a été décidé pour des considérations étrangères au service, s'élève à 7 980 euros ;

- elle sollicite en outre la somme de 7 020 euros correspondant à l'année de salaire qu'elle aurait perçue si elle avait pu postuler en temps utile sur un autre poste ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er août 2014, présenté pour la commune de Reims, représentée par son maire en exercice, par MeE... ;

La commune de Reims demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident :

- d'annuler le jugement en tant qu'il l'a condamnée à verser la somme de 3 000 euros à Mme D... ;

- à titre principal, de rejeter la demande présentée par Mme F...devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ;

- à titre subsidiaire, de limiter à une somme équivalente à un mois de rémunération le montant de l'indemnité due en raison de l'absence de préavis s'agissant du non-renouvellement du contrat de MmeF... ;

3°) à ce qu'une somme de 1 200 euros soit mise à la charge de Mme F...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens de l'instance ;

La commune de Reims soutient que :

- les dispositions de l'article 38 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 sont en l'espèce inapplicables car le contrat de Mme F...ne précisait pas la durée de son recrutement ;

- à supposer ces dispositions applicables, le vice tiré de leur méconnaissance n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision en litige ;

- les premiers juges ne pouvaient donner au calendrier de la nouvelle période scolaire édité en juillet 2012, lequel comportait le nom de MmeF..., une portée autre que celle d'un document de travail et non d'un engagement de la commune à renouveler le contrat de celle-ci ;

- le non-renouvellement du contrat de la requérante a été décidé en considération des nouveaux besoins de la commune et de la nécessité de recruter une personne formée pour y répondre ;

- ayant eu connaissance du terme de son contrat, au plus tard le 31 août 2011, Mme F... n'a pas postulé sur l'offre d'emploi correspondante pour lequel le délai de candidature expirait le 26 septembre 2011 ;

- le fait que la requérante pensait que son contrat serait renouvelé ne permet pas de caractériser l'existence d'un préjudice ;

- l'absence de reproche quant à sa manière de servir n'impliquait pas que la commune de Reims soit obligée de renouveler son contrat ;

- c'est à tort que la requérante impute à la commune de Reims les troubles qu'elle allègue subir dans ses conditions d'existence ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2014, présenté pour MmeF... ;

Vu l'ordonnance du 7 octobre 2014 fixant la clôture de l'instruction au 24 octobre 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

Vu le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2014 :

- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour Mme F...et de Me A...pour la commune de Reims ;

1. Considérant que Mme F...a été recrutée, à compter du 1er septembre 2007, en qualité d'assistante non titulaire d'enseignement artistique à temps partiel au conservatoire de Reims ; que son engagement a été renouvelé en dernier lieu le 19 août 2010, avec effet au 1er septembre 2010, pour une durée d'un an, sauf à ce que soit recruté un agent réunissant les conditions statutaires requises ; que Mme F...relève appel du jugement du 11 mars 2014 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a limité à 3 000 euros la somme versée par la commune de Reims en réparation des préjudices qu'elle a subis du fait du non-renouvellement de son contrat ;

Sur le comportement fautif de la commune de Reims :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 3 du décret n° 88-145 du 15 février 1988 pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents non titulaires de la fonction publique territoriale : " L'agent non titulaire est recruté, soit par contrat, soit par décision administrative. L'acte d'engagement est écrit. Il précise l'article et, éventuellement, l'alinéa de l'article de la loi du 26 janvier 1984 précité en vertu duquel il est établi. Il fixe la date à laquelle le recrutement prend effet et, le cas échéant, prend fin et définit le poste occupé et ses conditions d'emploi. Il indique les droits et obligations de l'agent " ;

3. Considérant que le titulaire d'un contrat à durée déterminée ne saurait se prévaloir d'aucun droit au renouvellement de son contrat ; que l'autorité compétente peut toujours décider, pour des motifs tirés de l'intérêt du service, de ne pas renouveler le contrat d'un agent public recruté pour une durée déterminée et, par là-même, de mettre fin aux fonctions de cet agent ; qu'il appartient au juge, en cas d'absence de reconduction de l'agent dans ses fonctions, de vérifier que cette décision est bien fondée dans l'intérêt du service ;

4. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle au non-renouvellement du contrat d'un agent en situation de grossesse, dès lors qu'une telle décision n'est pas prise en considération de cet état ; qu'alors que la requérante était placée, à compter du 6 juin 2011, en congé de maternité, il ne résulte pas de l'instruction, contrairement à ce qu'elle soutient, que l'administration se serait fondée sur ce motif, et plus particulièrement sur l'impossibilité dans laquelle elle aurait été d'assurer ses fonctions avant la fin du mois de septembre 2011, pour prendre la décision de ne pas renouveler son contrat ; que, toutefois, si la commune de Reims soutient que c'est en raison d'une redéfinition à moyen terme de son projet pédagogique et de la nécessité de recruter une personne présentant des compétences plus adaptées que Mme F...n'a pas été reconduite dans ses fonctions, la réalité et la consistance de ce nouveau projet pédagogique ainsi que l'inadéquation des compétences de la requérante à celui-ci ne sont pas établies ; qu'au demeurant, la commune de Reims a recruté sur le poste de la requérante la personne qui avait assuré son remplacement lors des congés de maladie ayant précédé son congé de maternité ; qu'ainsi, la commune de Reims n'établissant pas que la décision de non-renouvellement du contrat de Mme F...serait justifiée par des considérations tirées de l'intérêt du service a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;

5. Considérant, en second lieu, que les contrats passés par les collectivités et établissements publics territoriaux en vue de recruter des agents non titulaires doivent, sauf disposition législative spéciale contraire, être conclus pour une durée déterminée et ne peuvent être renouvelés que par reconduction expresse ; qu'aux termes de l'article 38 du décret du 15 février 1988 visé ci-dessus : " Lorsqu'un agent non titulaire a été engagé pour une durée déterminée susceptible d'être reconduite, l'administration lui notifie son intention de renouveler ou non l'engagement au plus tard : (...) 2° Au début du mois précédant le terme de l'engagement pour l'agent recruté pour une durée égale ou supérieure à six mois et inférieure à deux ans (...) " ;

6. Considérant, d'une part, que si la commune de Reims soutient que la requérante n'a été nommée que pour faire face à la vacance d'un emploi, dans l'attente de la nomination d'un agent réunissant les conditions statutaires requises, cette circonstance n'est pas de nature à remettre en cause l'applicabilité des dispositions précitées, dès lors que l'intéressée a bien été engagée pour une durée déterminée et était susceptible d'être reconduite ;

7. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article 38 du décret du 15 février 1988 que la décision notifiant l'intention de ne pas renouveler un contrat régi par ces dispositions doit intervenir au moins un mois avant son terme lorsque l'agent a été recruté, comme en l'espèce, pour une durée d'un an ; qu'il est constant que l'intention de non-renouvellement du contrat de Mme F...n'a pas été notifiée ; qu'il résulte de l'instruction que ce n'est qu'en se rendant sur son lieu de travail, quelques jours avant la rentrée scolaire, alors qu'elle était encore en congé de maternité, que Mme F... a appris que son contrat ne serait pas renouvelé, alors qu'elle avait été destinataire, dans le courant du mois de juillet 2011, d'un emploi du temps prévisionnel sur lequel elle figurait, document qui ne constituait certes, ainsi que le soutient la commune de Reims, qu'un document de travail, mais qui pouvait néanmoins lui donner à penser que son engagement serait reconduit ; que la méconnaissance de l'obligation d'informer en temps utile la requérante de l'absence de renouvellement de son contrat constitue une seconde faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Reims ;

Sur l'absence de faute de la victime :

8. Considérant que la circonstance selon laquelle la requérante n'aurait pas postulé sur l'offre d'emploi correspondant au poste qu'elle occupait auparavant, dont le délai expirait le 26 septembre 2011, ne saurait, eu égard aux conditions dans lesquelles est intervenue la décision de non-renouvellement de son engagement, caractériser une faute de la victime de nature à exonérer la commune de Reims de sa responsabilité ;

Sur l'évaluation des préjudices :

9. Considérant qu'eu égard aux motifs précédemment exposés, il sera fait une juste appréciation des troubles dans les conditions d'existence, du préjudice matériel et du préjudice moral de Mme F...en les fixant à la somme totale de 4 000 euros ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme F...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné la commune de Reims à lui allouer une indemnité limitée à 3 000 euros ; qu'il convient de porter cette somme à 4 000 euros ; que les conclusions présentées par la commune de Reims par la voie de l'appel incident doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'il y a lieu, par application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Reims la somme de 1 500 euros à verser à MmeF... ; que les conclusions de la commune de Reims présentées sur le même fondement, ainsi que sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code, doivent en revanche être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : L'indemnité de 3 000 euros que la commune de Reims a été condamnée à verser à Mme F...est portée à 4 000 (quatre mille) euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La commune de Reims versera à Mme F...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Reims présentées par la voie de l'appel incident, ainsi que celle présentées sur le fondement des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...F...épouse D...et à la commune de Reims.

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N° 14NC00827


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00827
Date de la décision : 04/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Refus de renouvellement.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Fondement de la responsabilité - Responsabilité pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BENSOUSSAN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-04;14nc00827 ?
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