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04/12/2014 | FRANCE | N°14NC00351

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 04 décembre 2014, 14NC00351


Vu I, sous le numéro 14NC00346, la requête, enregistrée le 28 février 2014, présentée pour M. A...D..., demeurant à..., par MeC... ;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301904-1301913 du 15 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 15 mai 2013 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il peut être éloigné ;

2°) d'annuler cet arrêté ;
>3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et de lui délivrer u...

Vu I, sous le numéro 14NC00346, la requête, enregistrée le 28 février 2014, présentée pour M. A...D..., demeurant à..., par MeC... ;

M. D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301904-1301913 du 15 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 15 mai 2013 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il peut être éloigné ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant l'instruction du dossier, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens et de mettre à sa charge une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me C...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Il soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris par une personne incompétente pour le signer ;

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision du 19 décembre 2012 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre provisoirement au séjour en vue d'accomplir les démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soulevé à l'encontre de l'arrêté contesté du 15 mai 2013, est recevable ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour lui refuser la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en vue de solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ;

- les premiers juges ont écarté ce dernier moyen sans procéder à son examen ni motiver leur décision ;

- le dispositif d'examen par procédure prioritaire, qui entraîne notamment l'absence d'effet suspensif du recours formé devant la Cour nationale du droit d'asile, méconnaît les stipulations des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus d'autorisation provisoire de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où le préfet, qui n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle, s'est à tort estimé lié par la décision de refus d'autorisation provisoire de séjour et par la décision par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande d'asile ;

- le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait une application erronée des articles L. 742-3 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le séjour avant que la Cour nationale du droit d'asile ne se prononce ;

- les premiers juges ont insuffisamment examiné ce moyen ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne, inscrit à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, que constitue le droit à une bonne administration et qui oblige le préfet à l'entendre préalablement à l'édiction de la mesure litigieuse ;

- le préfet, qui n'a pas examiné sa situation personnelle, s'est cru en situation de compétence liée pour prendre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- les premiers juges n'ont pas suffisamment examiné ce moyen ;

- l'obligation de quitter le territoire français est contraire aux stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a été prise à l'issue d'un examen de sa demande d'asile selon la procédure prioritaire qui le prive d'un accès effectif au juge de l'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des deux précédentes décisions ;

- la motivation de cette décision est insuffisante et stéréotypée ;

- il ne résulte pas de cette décision qu'un examen particulier de sa situation personnelle ait été effectué ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des trois précédentes décisions ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet, puis les premiers juges, n'ont pas examiné sa situation personnelle au regard de ces mêmes articles ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2014, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête;

Il soutient que :

- l'absence de caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de la procédure prioritaire ne méconnaît pas les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il se réfère, pour les autres conclusions et moyens, à ses écritures présentées en première instance ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle du 28 janvier 2014, admettant M. D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu II, sous le numéro 14NC00351, la requête, enregistrée le 28 février 2014, présentée pour Mme B...D..., demeurant à..., par MeC... ;

Mme D...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301904-1301913 du 15 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 15 mai 2013 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle peut être éloignée ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant l'instruction du dossier, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'Etat aux dépens et de mettre à sa charge une somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me C...en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Elle soutient que :

- l'arrêté contesté a été pris par une personne incompétente pour le signer ;

- le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision du 19 décembre 2012 par laquelle le préfet de la Moselle a refusé de l'admettre provisoirement au séjour en vue d'accomplir les démarches auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, soulevé à l'encontre de l'arrêté contesté du 15 mai 2013, est recevable ;

- le préfet s'est cru à tort en situation de compétence liée pour lui refuser la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour en vue de solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié ;

- les premiers juges ont écarté ce dernier moyen sans procéder à son examen, ni motiver leur décision ;

- le dispositif d'examen par procédure prioritaire, qui entraîne notamment l'absence d'effet suspensif du recours formé devant la Cour nationale du droit d'asile, méconnaît les stipulations des articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision de refus d'autorisation provisoire de séjour est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision de refus de séjour est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où le préfet, qui n'a pas procédé à l'examen de sa situation personnelle, s'est à tort estimé lié par la décision de refus d'autorisation provisoire de séjour et par la décision par laquelle l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté sa demande ;

- le préfet de Meurthe-et-Moselle a fait une application erronée des articles L. 742-3 et L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le séjour avant que la Cour nationale du droit d'asile ne se prononce ;

- les premiers juges ont insuffisamment examiné ce moyen ;

- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît le principe général du droit de l'Union européenne, inscrit à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne, que constitue le droit à une bonne administration et qui oblige le préfet à l'entendre préalablement à l'édiction de la mesure litigieuse ;

- le préfet, qui n'a pas examiné sa situation personnelle, s'est cru en situation de compétence liée pour prendre la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

- les premiers juges n'ont pas suffisamment examiné ce moyen ;

- l'obligation de quitter le territoire français est contraire aux stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle a été prise à l'issue d'un examen de sa demande d'asile selon la procédure prioritaire qui la prive d'un accès effectif au juge de l'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation ;

- la décision lui accordant un délai de départ volontaire doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des deux précédentes décisions ;

- la motivation de cette décision est insuffisante et stéréotypée ;

- il ne résulte pas de cette décision qu'un examen particulier de sa situation personnelle ait été effectué ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité des trois précédentes décisions ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet, puis les premiers juges, n'ont pas examiné sa situation personnelle au regard de ces mêmes articles ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 juin 2014, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- l'absence de caractère suspensif du recours devant la Cour nationale du droit d'asile dans le cadre de la procédure prioritaire ne méconnaît pas les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il se réfère, pour les autres conclusions et moyens, à ses écritures présentées en première instance ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle du 28 janvier 2014, admettant Mme D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 novembre 2014, le rapport de M. Fuchs, premier conseiller ;

1. Considérant que M. et MmeD..., ressortissants de nationalité arménienne, sont, selon leurs dires, entrés irrégulièrement sur le territoire français le 17 décembre 2012 et ont sollicité la reconnaissance du statut de réfugié ; que le préfet de la Moselle a refusé de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour le 19 décembre 2012 et a transmis leurs demandes d'asile selon la procédure prioritaire, lesquelles ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 15 avril 2013 ; que le préfet de Meurthe-et-Moselle a pris, le 15 mai 2013, deux arrêtés portant refus de séjour, les obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel ils peuvent être éloignés ; que, par deux requêtes, qu'il y a lieu de joindre pour statuer par un seul arrêt, M. et Mme D...relèvent appel du jugement du 15 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Nancy a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par les requérants ; qu'en particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, n'a pas omis de répondre aux moyens tirés de l'erreur quant à l'appréciation de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la méconnaissance par le préfet de l'étendue de sa compétence pour prendre la décision les obligeant à quitter le territoire français, ni d'examiner la situation des requérants au regard des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par ailleurs, les premiers juges ayant écarté le moyen tiré de l'exception d'illégalité de l'autorisation provisoire de séjour en raison du caractère définitif de ces décisions individuelles non contestées dans le délai de recours contentieux, ils n'étaient pas tenus de répondre aux moyens se rapportant à ces décisions ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité ;

Sur la légalité des décisions contestées :

En ce qui concerne les moyens communs à toutes les décisions contestées :

3. Considérant, en premier lieu, que M. et Mme D...reprennent en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen qu'ils avaient invoqué en première instance tiré de ce que les arrêtés contestés auraient été pris par une autorité incompétente ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

4. Considérant, en second lieu, que les décisions par lesquelles le préfet refuse, en fin de procédure, le séjour à l'étranger dont la demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et l'oblige à quitter le territoire français ne sont pas prises pour l'application de la décision par laquelle le préfet statue, en début de procédure, sur l'admission provisoire au séjour ; que la décision prise sur l'admission au séjour ne constitue pas davantage la base légale du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, et à le supposer recevable, le moyen invoquant, par voie d'exception, l'illégalité du refus d'admission provisoire au séjour opposé le 19 décembre 2012 à M. et MmeD..., pris en toutes ses branches, ne peut être utilement invoqué à l'appui d'un recours dirigé contre les arrêtés du 15 mai 2013 par lesquels le préfet de Meurthe-et-Moselle, après la notification du rejet par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides des demandes d'asile traitées dans le cadre de la procédure prioritaire, leur a refusé le séjour, les a obligés à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

En ce qui concerne les décisions de refus de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui a procédé à l'examen de la situation personnelle des requérants, se serait estimé lié par les refus d'autorisation provisoire de séjour opposés par le préfet de la Moselle et les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides pour refuser les titres de séjour que sollicitaient M. et MmeD... ;

6. Considérant, en second lieu, que selon le 2° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée, déclenchant le traitement de sa demande par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides selon la procédure prioritaire, si " l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile a la nationalité d'un pays (...) d'un pays considéré comme un pays d'origine sûr " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile " ; que l'article L. 742-6 du même code, dans sa version applicable au litige, dispose : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office " ;

7. Considérant que l'intervention d'une décision de refus d'admission au séjour au titre de l'asile, prononcée au terme d'un examen au cas par cas de chaque demande d'asile, est de nature à conduire à la mise en oeuvre de la procédure prioritaire ; que M. et Mme D...n'ont pas été admis au séjour au titre de l'asile, eu égard au fait que l'Arménie figure sur la liste des pays considérés comme sûrs au sens des dispositions précitées de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, ils ne peuvent invoquer le bénéfice des dispositions de l'article L. 742-3 du même code ; qu'ils bénéficiaient toutefois, aux termes des dispositions de l'article L. 742-6 du même code, du droit de se maintenir sur le territoire uniquement jusqu'à ce que leur soit notifiée la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'ainsi, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées en édictant les décisions de refus de séjour contestées à la suite du rejet de leurs demandes par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et avant que la Cour nationale du droit d'asile ne se prononce ;

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

8. Considérant, en premier lieu, que l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions officielles " ; que ces stipulations garantissent à toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la convention ont été violés, le droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale ;

9. Considérant que l'étranger qui fait l'objet de la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose du droit de se maintenir sur le territoire uniquement jusqu'à ce que lui soit notifiée la décision de rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; que s'il dispose de la possibilité de contester cette décision devant la Cour nationale du droit d'asile, les stipulations précitées de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'impliquent pas qu'il puisse se maintenir sur le territoire français jusqu'à l'issue de son recours devant cette juridiction ; que, d'une part, cette voie de recours est accessible, les requérants n'établissant pas en l'espèce avoir été privés de la possibilité d'introduire un tel recours ; que, d'autre part, un recours suspensif devant la juridiction administrative est ouvert contre la mesure d'éloignement ; qu'ainsi, M. et Mme D...qui, ainsi qu'il a été dit au paragraphe 7 du présent arrêt, ont été l'objet de la procédure prioritaire prévue à l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne sont pas fondés à soutenir que les obligations de quitter le territoire français qui leur ont été opposées le 15 mai 2013 méconnaîtraient les stipulations précitées ;

10. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / 2. Ce droit comporte notamment: / le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) " ; qu'aux termes de l'article 51 de ladite charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union (...) " ; que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

11. Considérant que M. et MmeD..., qui se bornent à soutenir que le préfet devait recueillir préalablement leurs observations, ne font pas état d'autres éléments que ceux qu'ils ont pu faire valoir lors du dépôt de leurs demandes d'asile et durant la procédure d'instruction, de nature à conduire l'administration à prendre une mesure différente de celle qui a été prise ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance du principe général de l'Union européenne de bonne administration et des dispositions de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne doit être écarté ;

12. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait estimé en situation de compétence liée pour assortir les refus de titre de séjour d'obligations de quitter le territoire français ;

13. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas de l'ensemble des motifs précédents que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation personnelle des intéressés ; qu'en outre, l'obligation de quitter le territoire français étant distincte de la décision fixant le pays à destination duquel les requérants peuvent être éloignés, les arguments tirés des risques qu'ils allèguent encourir en Arménie ne peuvent être utilement invoqués au soutien du moyen selon lequel l'obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'enfin, la décision de refus de séjour n'étant entachée d'aucune illégalité, le moyen invoquant, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne les décisions accordant un délai de départ volontaire :

14. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en l'absence de toute illégalité entachant les décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le délai de départ volontaire doivent être annulées, par voie de conséquence de l'illégalité de ces autres décisions, ne peut qu'être écarté ;

15. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. [...] Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours " ; que, d'une part, lorsqu'elle accorde le délai de trente jours prévu par ces dispositions, la décision accordant un délai de départ volontaire n'a pas à faire l'objet d'une motivation spécifique, à moins que l'étranger ait expressément demandé le bénéfice d'une telle prolongation ou justifie d'éléments suffisamment précis sur sa situation personnelle susceptibles de rendre nécessaire, au sens desdites dispositions, une telle prolongation ; qu'en l'espèce, les requérants n'allèguent pas avoir demandé le bénéfice d'une telle prolongation et ne font état d'aucun élément autre que ceux présentés dans le cadre de leur demande d'asile qui seraient suffisamment précis pour rendre nécessaire une telle prolongation ; que la seule circonstance qu'un recours non suspensif contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides rejetant leurs demandes d'asile serait pendant devant la Cour nationale du droit d'asile ne suffit pas à établir que le préfet aurait dû leur accorder un délai de départ volontaire supérieur ; que, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de Meurthe-et-Moselle se serait cru lié par le délai de trente jours prévu comme limite supérieure du délai devant être laissé pour un départ volontaire et n'aurait pas examiné, au vu des pièces dont il disposait, la possibilité de prolonger le délai de départ volontaire octroyé aux requérants avant de le fixer à trente jours ; qu'ainsi, le préfet, qui a procédé à l'examen de la situation personnelle des requérants, n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au délai de départ volontaire, ni commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne les décisions fixant le pays de destination :

16. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de ce qui vient d'être dit qu'en l'absence de toute illégalité entachant les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et accordant un délai de départ volontaire, le moyen tiré de ce que les décisions fixant le pays de destination doivent être annulées, par voie de conséquence de l'illégalité de ces décisions, ne peut qu'être écarté ;

17. Considérant, en deuxième lieu, que les décisions contestées visent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et mentionnent que les requérants n'ont pas établi être exposés à des peines ou traitements contraires à ladite convention ; qu'ainsi, elles comportent les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de motivation manque en fait et doit être écarté pour ce motif ;

19. Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas examiné la situation personnelle des requérants ;

20. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que M. et MmeD..., dont les demandes d'admission au statut de réfugié ont été rejetées par deux décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 15 avril 2013, rendues selon la procédure prioritaire, soutiennent qu'ils ne peuvent retourner dans leur pays d'origine en raison des craintes de traitements inhumains et dégradants consécutives, en particulier, à leur participation à une manifestation politique en 2008 ; que, toutefois, les documents qu'ils produisent, en particulier ceux concernant M.D..., qui émaneraient du ministère de la justice arménien, font seulement état de ce que l'intéressé aurait bénéficié d'une réduction de peine et qu'il serait convoqué pour une audition par les services de police en qualité d'accusé, sans que l'incrimination pénale en cause ne soit précisée ; qu'ils n'apportent pas plus de précisions sur les menaces dont ils auraient fait l'objet à l'issue de la libération de M. D...et qui les auraient contraintes à quitter l'Arménie ; qu'ainsi, il n'établissent pas qu'ils se trouveraient personnellement exposés à un risque réel, direct et sérieux pour leur vie ou leur liberté en cas de retour dans leur pays d'origine ou dans tout autre où ils seraient légalement admissibles ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

21. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté, le tribunal administratif de Nancy a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 15 mai 2013 pris à leur encontre par le préfet de Meurthe-et-Moselle ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction, celles présentées au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ainsi que celles tendant à ce que l'Etat soit condamné aux dépens, ne peuvent qu'être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes présentées par M. et Mme D...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à Mme B...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 14NC00346, 14NC00351


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00351
Date de la décision : 04/12/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : JEANNOT ; JEANNOT ; JEANNOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-12-04;14nc00351 ?
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