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30/10/2014 | FRANCE | N°13NC02117

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 30 octobre 2014, 13NC02117


Vu I), la requête, enregistrée le 9 décembre 2013 sous le n° 13NC02117, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me A... ;

M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200286 du 28 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 octobre 2011 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le séjour en France ;

2°) d'enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'E

tat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administr...

Vu I), la requête, enregistrée le 9 décembre 2013 sous le n° 13NC02117, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me A... ;

M. B... demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200286 du 28 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 7 octobre 2011 par laquelle le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé le séjour en France ;

2°) d'enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le requérant soutient que :

- les premiers juges devaient censurer l'arrêté en date du 7 octobre 2011, comme insuffisamment motivé au regard de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'il ne procède pas à l'énoncé des faits propres à sa situation ;

- l'ancienneté des faits pour lesquels il avait été condamné pénalement, tandis qu'il a reconstitué une vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales après avoir purgé sa peine, établit qu'il ne constitue plus une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet lui a opposé à tort ;

- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ;

- il justifie avoir rétabli des liens familiaux avec son épouse et son fils ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2014, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 juillet 2014, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 11 octobre 2013 admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu II), la requête, enregistrée le 10 décembre 2013 sous le n° 13NC02127, présentée pour M. C... B..., demeurant..., par Me A... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200286 du 28 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 7 octobre 2011 portant son expulsion de France ;

2°) d'enjoindre au même préfet de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sous réserve de renonciation de Me A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle par application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Le requérant soutient que :

- les premiers juges devaient censurer l'arrêté en date du 7 octobre 2011, comme insuffisamment motivé au regard de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en ce qu'il ne procède pas à l'énoncé des faits propres à sa situation ;

- l'ancienneté des faits pour lesquels il avait été condamné pénalement, tandis qu'il a reconstitué une vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales après avoir purgé sa peine, établit qu'il ne constitue plus une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet lui a opposé à tort ;

- le refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale ;

- il justifie avoir rétabli des liens familiaux avec son épouse et son fils ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 avril 2014, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 juillet 2014, présenté pour M.B..., qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 11 octobre 2013 admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2014 :

- le rapport de M. Josserand-Jaillet, président,

- et les conclusions de Mme Guidi, rapporteur public ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant péruvien, est entré en septembre 1979 en Guyane et s'est maintenu depuis sur le territoire français ; qu'après avoir été autorisé à séjourner provisoirement en France trois mois en 1982 et trois mois en 1987, il a obtenu en 2001 un titre de séjour régulièrement renouvelé jusqu'en 2003 ; que, incarcéré le 14 avril 2003, il a été condamné le 6 octobre 2005 par la cour d'assises de la Guyane à une peine de douze ans de réclusion criminelle pour viol ; que, le 7 octobre 2011, le préfet de Meurthe-et-Moselle a, par une première décision, rejeté sa demande de titre de séjour, et, par un arrêté distinct, a prononcé son expulsion du territoire national ; que, par deux jugements du 11 juin 2013, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions ; que M. B...demande l'annulation de ces jugements ;

2. Considérant que les requêtes susvisées, enregistrées sous les n° 13NC02117 et 13NC02127, présentées par M. B...ont fait l'objet d'une instruction commune et présentent à juger les mêmes questions, relatives à la situation d'un même étranger au regard du droit au séjour ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de motivation :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...). " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

4. Considérant, d'une part, qu'il ressort de la lecture de la décision en date du 7 octobre 2011 que, contrairement à ce que soutient M.B..., celle-ci énonce les considérations de droit et de fait propres à sa situation personnelle sur lesquelles le préfet a entendu fonder son refus d'admission au séjour ; que ces considérations, qui font notamment état des faits retenus par le juge pénal pour la condamnation du requérant et précisent les dispositions législatives qui lui sont opposées, sont suffisamment développées au regard des dispositions précitées pour mettre utilement en mesure M. B...de discuter les motifs de ce refus et le juge d'exercer son contrôle en pleine connaissance de cause ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait insuffisamment motivée manque en fait ;

En ce qui concerne l'arrêté d'expulsion :

5. Considérant, d'autre part, que l'arrêté d'expulsion en date du 7 octobre 2011 énonce avec précision l'ensemble des considérations de fait propres à la situation personnelle de M.B..., notamment s'agissant des agissements qui ont conduit à sa condamnation, mais également s'agissant des éléments caractérisant sa situation familiale à la date de la décision, et mentionne les considérations de droit sur lesquelles le préfet a entendu se fonder pour prononcer l'expulsion de l'intéressé ; que l'ensemble de ces considérations sont suffisamment développées au regard des dispositions précitées pour mettre utilement en mesure M. B...de discuter les motifs de son expulsion et le juge d'exercer son contrôle en pleine connaissance de cause ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait insuffisamment motivé manque en fait ;

Sur le moyen tiré de l'absence de menace pour l'ordre public :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire peut être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. " ; qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public... " ; que les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et qu'elles ne dispensent en aucun cas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire et le comportement de l'intéressé, si la présence de ce dernier sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave et actuelle pour l'ordre public ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a été condamné à une peine d'emprisonnement d'un an pour trafic de stupéfiants en 1986, à trois ans d'emprisonnement en 1990 pour transport non autorisé de stupéfiants, délit de fuite et conduite d'un véhicule en état d'ivresse et le 6 octobre 2005 par la cour d'assises de la Guyane à douze années de réclusion criminelle pour viol et agression sexuelle commis par un ascendant, sur la personne d'un mineur de moins de 15 ans ; que, eu égard à la nature, au caractère répété et à la gravité des infractions et délits commis par M.B..., libéré le 25 août 2011 quelques semaines avant l'intervention des décisions attaquées, le préfet de Meurthe-et-Moselle a pu estimer, sans commettre d'erreur d'appréciation, que le comportement de l' intéressé, nonobstant la réconciliation familiale qui serait, selon ce dernier, survenue depuis cette date, constituait une menace grave et actuelle pour l'ordre public et a pu, pour ce motif, d'une part lui refuser le séjour en lui opposant les dispositions de l'article L. 313-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'autre part, prendre une mesure d'expulsion du territoire français à son encontre sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur le moyen tiré de l'atteinte à la vie privée et familiale :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que ces stipulations ne sauraient, en tout état de cause, s'interpréter comme comportant pour un Etat l'obligation générale de respecter le choix, par un demandeur de titre de séjour, d'y établir sa résidence privée et de permettre son installation ou le regroupement de sa famille sur son territoire ;

9. Considérant que, si M. B...soutient sans l'établir être entré en France en 1979, ne plus avoir d'attache familiale dans son pays d'origine et s'être réconcilié avec sa famille qu'il soutiendrait financièrement après avoir purgé sa peine, il ne justifie pas avoir rétabli avec ses proches une vie familiale au sens des stipulations précitées ; que, dans ces conditions, le refus de séjour et l'arrêté d'expulsion du préfet de la Meurthe-et-Moselle, eu égard à la nature et à la gravité des faits pour lesquels M. B...a été condamné, n'ont pas porté à sa vie privée et familiale une atteinte excédant ce qui était nécessaire à la défense de l'ordre public ; qu'ainsi, ces décisions n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nancy a rejeté ses requêtes contre la décision portant refus de séjour et l'arrêté portant expulsion du 7 octobre 2011 ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

11. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision attaquée, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les requêtes de M. B...sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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N° 13NC02117-13NC02127


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC02117
Date de la décision : 30/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-02-03 Étrangers. Expulsion. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTINEZ
Rapporteur ?: M. Daniel JOSSERAND-JAILLET
Rapporteur public ?: Mme GUIDI
Avocat(s) : LEVI-CYFERMAN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-10-30;13nc02117 ?
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