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30/09/2014 | FRANCE | N°14NC00105

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 30 septembre 2014, 14NC00105


Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Rauch, avocat ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002276 du 21 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de la caisse régionale de Crédit agricole Alsace-Vosges, annulé la décision du 6 novembre 2009 par laquelle le directeur adjoint du travail du Bas-Rhin ne l'a pas autorisée à licencier M.A..., ainsi que la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialog

ue social née le 24 avril 2010 ;

2°) de rejeter la demande présentée par ...

Vu la requête, enregistrée le 21 janvier 2014, présentée pour M. B... A..., demeurant..., par Me Rauch, avocat ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002276 du 21 novembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de la caisse régionale de Crédit agricole Alsace-Vosges, annulé la décision du 6 novembre 2009 par laquelle le directeur adjoint du travail du Bas-Rhin ne l'a pas autorisée à licencier M.A..., ainsi que la décision implicite du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social née le 24 avril 2010 ;

2°) de rejeter la demande présentée par la caisse régionale de Crédit agricole Alsace-Vosges devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de condamner la caisse régionale de Crédit agricole Alsace-Vosges à lui verser la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier en tant qu'il a omis de répondre à la substitution de motifs demandée par le ministre du travail ainsi que sur la gravité des faits qui lui sont reprochés ;

- la demande de licenciement adressée à l'inspecteur du travail ne mentionnait pas le motif de ce licenciement, et était donc irrecevable, en application de l'article R. 2421-10 du code du travail ;

- le licenciement demandé était lié au mandat qu'il détenait ;

- les faits qui lui sont reprochés ne sont pas exacts et ne justifiaient pas un licenciement ; il n'a jamais méconnu les procédures internes de la banque ni dissimulé ses actions ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu, enregistré le 9 avril 2014 le mémoire en défense présenté pour la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges, par Me Simonnet, avocat ; elle conclut au rejet de la requête et à ce que M. A...soit condamné à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande d'autorisation de licenciement était parfaitement motivée et recevable ;

- le directeur adjoint du travail n'a apporté aucun élément de nature à justifier le lien avec le mandat qu'il a retenu comme faisant obstacle à l'autorisation de licenciement ;

- les faits reprochés à M. A... sont graves, établis, et de nature à justifier son licenciement ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu enregistré le 1er septembre 2014, le mémoire en défense présenté par le ministre du travail et de l'emploi, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu, enregistré le 1er septembre 2014 le mémoire en réplique présenté pour M. A...qui tend aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Rousselle, président,

- les conclusions de M. Laubriat, rapporteur public,

- et les observations de Me Rauch, avocat du requérant et de Me Simonnet, avocat de la Caisse régionale du crédit agricole Alsace-Vosges ;

1. Considérant que M.A..., employé de la Caisse régionale du crédit agricole Alsace-Vosges depuis le 1er décembre 1983 et désigné, le 23 avril 2009, comme membre titulaire du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, a fait l'objet d'une procédure de licenciement, engagée par lettre du 2 octobre 2009 ; que, par décision du 6 novembre 2009, le directeur-adjoint du travail du Bas-Rhin a refusé de délivrer une telle autorisation en se fondant notamment sur l'existence d'un lien avec le mandat détenu par l'intéressé ; que le recours hiérarchique formé par le Crédit agricole devant le ministre chargé du travail le 18 décembre 2009 a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé ces décisions, au seul motif que l'autorité administrative n'a pas mis l'employeur à même de connaître les faits ou les indices sur lesquels elle s'est appuyée pour estimer que la demande de licenciement de M. A... était en rapport avec les fonctions qu'il exerçait en qualité de membre du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'entre le 8 juillet et le 5 août 2009, une cliente de l'agence du crédit agricole d'Altkirch s'est présentée à l'agence, à huit reprises, pour donner des ordres de virement, sans rapport avec le chiffre d'affaire de son entreprise, au profit de groupes de communication et de personnes physiques domiciliés en Chine ; que cinq de ces opérations ont été réalisées avec l'accord exprès de M.A..., consulté à cet effet ; que l'ensemble de ces transferts de fonds ayant eu pour effet de rendre le compte de l'intéressée débiteur de 132 984 euros à compter du 5 août 2009, M.A..., pour remédier à cette situation fortement débitrice, s'est rendu le 8 août 2009 au domicile de cette cliente afin de lui faire signer des demandes de prêts à court terme pour un montant total de 74 000 euros ; que, le 10 août 2009, jour de fermeture de l'agence d'Altkirch, M. A...a instruit un nouveau dossier de crédit à moyen terme d'un montant de 60 000 euros pour lequel il s'est déplacé, le même jour, au siège du Crédit agricole à Strasbourg afin que le service compétent lui édite le contrat de prêt, qu'il signerait lui-même ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que pour fonder la demande d'autorisation de licenciement de M. A...en date du 2 octobre 2009, la caisse régionale de Crédit Agricole Alsace-Vosges a indiqué que ce licenciement était justifié par des fautes qu'aurait commises M.A..., à savoir le non-respect des délégations consenties ainsi que des manoeuvres en vue de dissimuler à sa hiérarchie un découvert qu'il a accordé à un client et un manquement à l'obligation de conseil ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du tableau des délégations produit en première instance, que M. A...disposait, comme tous les conseillers commerciaux, d'une délégation pour les dossiers dont l'encours est inférieur à 200 000 euros par client ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 3, le compte de la cliente n'a été débiteur au maximum que de la somme de 132 984 euros ; qu'il s'ensuit que la Caisse régionale de Crédit Agricole Alsace-Vosges n'établit pas que M. A...aurait excédé sa délégation dans ce dossier ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient la Caisse régionale de Crédit Agricole Alsace-Vosges, M. A... n'a pas tenté de dissimuler la situation à sa hiérarchie ; qu'il ressort notamment des pièces du dossier que le responsable de l'agence d'Altkirch a été rendu destinataire des alertes hebdomadaires mises en place par l'établissement s'agissant des situations débitrices des clients ; qu'à cet égard, une note interne à la Caisse régionale de Crédit Agricole Alsace-Vosges, datée du 15 septembre 2009, confirme que la situation débitrice de la cliente en cause est apparue à quatre reprises les 19 et 26 juillet ainsi que les 2 et 9 août 2009 sur les alertes hebdomadaires, sans que ces informations ne suscitent une réaction de la hiérarchie de M. A... ; que cette carence dans la mise en oeuvre du contrôle interne ne résulte pas d'une manoeuvre imputable à M.A... ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si la Caisse régionale de Crédit Agricole Alsace-Vosges soutient que M. A...n'a pas alerté sa cliente sur les risques présentés par les opérations en cause, il ressort des pièces du dossier que cette dernière en avait été informée par l'assistante de clientèle, M. A...n'étant pas lui-même présent dans l'agence lorsque la cliente est venue donner l'ordre d'opérer les cinq virements litigieux ;

8. Considérant, enfin, que si M. A...a effectivement proposé à la cliente de souscrire des emprunts afin de couvrir son découvert en vue de limiter ses frais bancaires, une telle démarche ne saurait être regardée comme ayant eu pour objet de dissimuler des fautes commises l'intéressé ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le manque de vigilance de l'intéressé à l'occasion de cette affaire ne saurait être regardé, alors qu'il a connu une progression régulière au sein de la Caisse régionale de Crédit Agricole Alsace-Vosges et qu'il n'a jamais fait l'objet de la moindre sanction disciplinaire en vingt-six ans de carrière, comme présentant le caractère d'une faute d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du directeur-adjoint du travail du Bas-Rhin en date du 6 novembre 2009, refusant d'autoriser son licenciement, ainsi que la décision implicite du ministre chargé du travail rejetant son recours hiérarchique contre cette décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire droit aux conclusions de M. A...à ce titre et de condamner la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges à lui verser la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 21 novembre 2013 est annulé.

Article 2 : La demande de la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges devant le Tribunal administratif de Strasbourg et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : La Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges versera à M. A...la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., à la Caisse régionale de crédit agricole Alsace-Vosges et au ministre du travail et de l'emploi.

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N° 14NC00105


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00105
Date de la décision : 30/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés.


Composition du Tribunal
Président : M. COUVERT-CASTERA
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. LAUBRIAT
Avocat(s) : RAUCH MAJERLE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-09-30;14nc00105 ?
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