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25/09/2014 | FRANCE | N°14NC00219

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 25 septembre 2014, 14NC00219


Vu la requête, enregistrée le 7 février 2014, complété par un mémoire enregistré le 14 août 2014, présentés pour M. A...F..., demeurant..., par MeE... ;

M. F...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201349 du 17 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites du syndicat intercommunal de piscine du canton du Thillot lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, à la mise en oeuvre de cette protection et à la condamnation du syndicat intercommunal à réparer

les préjudices résultant du harcèlement moral qu'il aurait subi ;

2°) d'annuler l...

Vu la requête, enregistrée le 7 février 2014, complété par un mémoire enregistré le 14 août 2014, présentés pour M. A...F..., demeurant..., par MeE... ;

M. F...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201349 du 17 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites du syndicat intercommunal de piscine du canton du Thillot lui refusant le bénéfice de la protection fonctionnelle, à la mise en oeuvre de cette protection et à la condamnation du syndicat intercommunal à réparer les préjudices résultant du harcèlement moral qu'il aurait subi ;

2°) d'annuler les décisions implicites de rejet de sa demande de protection fonctionnelle ;

3°) de condamner la communauté de communes des ballons des Hautes-Vosges à lui verser une indemnité de 100 000 euros en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral allégué ;

4°) d'enjoindre à la communauté de communes des ballons des Hautes-Vosges de prendre toutes les mesures nécessaires propres à faire cesser le harcèlement dont il est victime, notamment par la mise en oeuvre de sanctions disciplinaires à l'encontre des auteurs de ces faits ;

5°) de mettre à la charge de la communauté de communes des ballons des Hautes-Vosges la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

6°) de condamner la communauté de communes des ballons des Hautes-Vosges aux entiers dépens ;

Il soutient que :

- il n'était pas placé sous l'autorité hiérarchique de MM.D... etC..., ce dernier n'ayant au demeurant pas été nommé directeur de la piscine en 2006 ;

- il a toujours effectué les tâches qui lui étaient confiées par les éducateurs ;

- il n'est pas établi qu'il se serait livré à des provocations et violences verbales à l'encontre de ses collègues ;

- il n'a jamais été sanctionné disciplinairement ;

- il ne connaissait pas les personnes ayant témoigné en sa faveur, tandis que le témoignage de la caissière de la piscine produit en défense est sujet à caution dans la mesure où elle travaille sous l'autorité des personnes qu'il a mises en cause ;

- il a produit en première instance des documents écrits insultants à son égard que le tribunal a passés sous silence ;

- ses collègues ont mis en place un stratagème pour qu'il soit accusé de vol ;

- à la date du 14 juillet 2012, jour d'une altercation alléguée avec ses collègues, il n'était pas placé sous la subordination de son employeur mais en arrêt maladie ;

- il apporte la preuve du fait qu'il a été victime de moqueries, insultes, menaces et tentatives de violence, humiliations nombreuses, surveillance abusive et dénigrement de son travail, ces faits étant notamment liés à son statut de travailleur handicapé ;

- il a dénoncé à de nombreuses reprises le harcèlement dont il était l'objet ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 avril 2014, présenté pour la communauté de communes des ballons des Hautes-Vosges, venant aux droits du syndicat intercommunal de piscine du canton du Thillot, par MeB..., qui conclut au rejet de la requête ;

La communauté de communes des ballons des Hautes-Vosges fait valoir que :

-le président du syndicat mixte n'est pas resté indifférent aux problèmes relationnels existants et qu'il a notamment organisé des réunions afin d'essayer de résoudre les problèmes constatés ;

- M. F...n'accepte pas que ses collègues disposent à son égard d'un pouvoir hiérarchique et n'admet aucune instruction ou contrôle des personnes responsables de l'hygiène et de la sécurité dans l'établissement ;

- le comportement de M. F...est bien souvent à l'origine des problèmes relevés ;

- les témoignages produits par M. F...sont fragiles et d'autres vont en sens contraire ;

- M. F...n'a pas le statut de travailleur handicapé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2014 :

- le rapport de M. Fuchs, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la communauté de communes des ballons des Hautes-Vosges ;

1. Considérant que M.F..., qui exerçait de 1999 à 2013, les fonctions d'agent d'entretien de la piscine du Thillot, participait notamment à l'entretien de cette piscine et des locaux, ainsi qu'aux opérations techniques relatives à la qualité de l'eau ; qu'il a sollicité du président du syndicat intercommunal de piscine du canton du Thillot, par courrier du 8 décembre 2011, l'octroi de la protection fonctionnelle prévue par l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, contre les agissements de harcèlement moral dont il affirmait être victime ; qu'après avoir été implicitement rejetée, cette protection lui a été refusée par une décision expresse du 12 novembre 2012 ; que l'intéressé a, par courrier du 29 février 2012, demandé l'annulation du rejet de sa demande et a sollicité l'indemnisation des préjudices subis ; que M. F... relève appel du jugement du 17 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande d'annulation des décisions refusant de lui accorder la protection fonctionnelle, a refusé de lui octroyer cette protection et de condamner le syndicat intercommunal à réparer les préjudices allégués ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le Tribunal administratif de Nancy, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties ni de faire état de toutes les pièces produites, a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par le requérant, et, en particulier, à celui tiré de l'existence d'un harcèlement moral ; que, par suite, M. F...n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait entaché d'une omission à statuer ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : /1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; / 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; / 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. / Est passible d'une sanction disciplinaire tout agent ayant procédé ou ayant enjoint de procéder aux agissements définis ci-dessus. (...) " ; qu'aux termes de l'article 11 de cette loi : " Les fonctionnaires bénéficient, à l'occasion de leurs fonctions et conformément aux règles fixées par le code pénal et les lois spéciales, d'une protection organisée par la collectivité publique qui les emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire au fonctionnaire. (...) / La collectivité publique est tenue de protéger les fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions, et de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté. / La collectivité publique est tenue d'accorder sa protection au fonctionnaire ou à l'ancien fonctionnaire dans le cas où il fait l'objet de poursuites pénales à l'occasion de faits qui n'ont pas le caractère d'une faute personnelle " ; qu'il résulte de ces dispositions que des agissements répétés de harcèlement moral sont de ceux qui peuvent permettre, à l'agent public qui en est l'objet, d'obtenir la protection fonctionnelle prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont les fonctionnaires et les agents publics non titulaires pourraient être victimes à l'occasion de leurs fonctions ;

4. Considérant qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime de discriminations ou d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d' une telle discrimination ou d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les discriminations alléguées ou les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ; que pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;

5. Considérant, en l'espèce, que M. F...soutient avoir subi de la part de deux éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives, exerçant les fonctions de maîtres-nageurs dans la piscine où il travaillait, des moqueries relatives à son ancien statut de travailleur handicapé, ainsi que de sévères remontrances doublées de menaces physiques ; que pour faire présumer l'existence de ce harcèlement moral, il produit notamment des témoignages d'usagers ou de riverains de la piscine, ainsi que des écrits émanant de ces deux éducateurs ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que la véracité de certains témoignages produits par le requérant est sujette à caution du fait de l'existence de liens étroits entre certains témoins et l'intéressé ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier, et notamment des nombreux courriers et notes manuscrites versées, comme du procès verbal de la réunion du 25 mai 2010, que le comportement de M. F...peut être regardé comme étant également à l'origine de la dégradation générale de l'ambiance de travail et des altercations rapportées, en particulier en raison de sa difficulté à accepter l'autorité exercée par les éducateurs territoriaux des activités physiques et sportives, des manquements professionnels qui lui sont régulièrement reprochés, ainsi que de la rudesse et de l'absence de retenue dont il a parfois fait preuve dans les rapports humains ; que cette attitude est corroborée par le fait que l'intéressé, alors qu'il était en congé maladie, ne conteste pas avoir publiquement insulté et menacé physiquement, sur son lieu de travail, l'un des éducateurs le 14 juillet 2012 ; que, par ailleurs, si M. F... soutient que les éducateurs territoriaux remettaient indûment en cause la qualité de son travail, il n'établit pas que les instructions et consignes contestées outrepassaient ce qui est exigé dans le cadre de l'organisation normale du service ; qu'enfin, si l'attitude des éducateurs territoriaux, dont il est établi qu'ils ont mis en oeuvre un procédé destiné à piéger M. F...afin d'essayer d'obtenir la preuve que celui-ci se rendait coupable d'indiscrétion et de vol, caractérise une défaillance grave dans l'organisation normale du service, ce seul évènement, compte tenu du climat professionnel extrêmement conflictuel dans lequel il s'est déroulé, ne peut à lui seul être regardé comme révélant une situation de harcèlement moral ; que, par suite, M. F...n'est pas fondé à soutenir que ces divers éléments caractérisent des faits de harcèlement moral au sens des dispositions précitées ; que le président du syndicat intercommunal de piscine du canton du Thillot a donc pu légalement refuser d'accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle à M.F... ; que, pour les mêmes motifs, la responsabilité de la communauté de communes des ballons des Hautes-Vosges ne peut être engagée à raison des faits invoqués ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède M. F...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du président du syndicat intercommunal de la piscine du canton du Thillot refusant de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle et à la condamnation du syndicat à intercommunal à réparer le préjudice que le requérant estime avoir subi ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant que le présent arrêt n'appelle aucune mesure d'exécution ; que les conclusions à fin d'injonction présentées par M. F...doivent, par suite et sans qu'il soit besoin de statuer sur leur recevabilité, être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la communauté de communes des ballons des Hautes-Vosges qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. F...la somme que celui-ci réclame au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. F...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. F...et à la communauté de communes des ballons des Hautes-Vosges.

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N° 14NC00219


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14NC00219
Date de la décision : 25/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Statuts - droits - obligations et garanties - Garanties et avantages divers - Protection contre les attaques.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'annulation.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier FUCHS
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : LUISIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-09-25;14nc00219 ?
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