La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/06/2014 | FRANCE | N°13NC00332

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 26 juin 2014, 13NC00332


Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 19 février 2013, présenté pour le ministre de l'économie et des finances ;

Le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001719 en date du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à restituer à M. et Mme A... B...une somme complémentaire de 72 663 euros au titre du plafonnement à 50% de leurs revenus des impôts directs auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 ;

2°) de prononcer la restitution par M. et Mme B...de la s

omme de 72 663 euros ;

Il soutient :

- que le 1er alinéa du 8 de l'article 1649-0 A...

Vu le recours, enregistré au greffe de la Cour le 19 février 2013, présenté pour le ministre de l'économie et des finances ;

Le ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001719 en date du 18 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a condamné l'Etat à restituer à M. et Mme A... B...une somme complémentaire de 72 663 euros au titre du plafonnement à 50% de leurs revenus des impôts directs auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2007 ;

2°) de prononcer la restitution par M. et Mme B...de la somme de 72 663 euros ;

Il soutient :

- que le 1er alinéa du 8 de l'article 1649-0 A fixe un délai particulier de demande de restitution, qui déroge aux délais généraux de réclamation prévus par les articles L. 190 et R.* 196-1 du livre des procédures fiscales, sans que les contribuables puissent invoquer l'alinéa 2 du 8 de l'article 1649-0 A qui ne renvoie aux règles applicables en matière de réclamation que pour les réclamations présentées à la suite d'une proposition de rectification ;

- que subsidiairement, la décision du Conseil d'Etat du 13 janvier 2010 ne constitue pas un événement de nature à rouvrir le délai de réclamation au sens de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales, dès lors que les dispositions qu'elle a censurées ne fondaient pas le droit à restitution d'impôt et n'étaient pas, en conséquence, créatrices de droit au profit des contribuables sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 avril 2013, présenté pour M. et Mme A... B..., demeurant..., par Me Noizat avocat au barreau de Reims ;

M. et Mme B...concluent :

- au rejet du recours ;

- à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent :

- que l'alinéa 2 du 8 de l'article 1649-0 A ne concerne pas les seules réclamations déposées à la suite de contrôles de l'administration, mais toutes les réclamations présentées postérieurement à la demande initiale de restitution d'impôts ;

- que la décision du Conseil d'Etat du 13 janvier 2010, qui révèle l'illégalité de l'instruction administrative qu'ils ont appliquée, a pour effet de modifier le calcul du droit à restitution et constitue un événement nouveau au sens de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales ;

Vu la lettre du 24 avril 2014 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 5 juin 2014 et que l'instruction pourrait être close à partir du 9 mai 2014 sans information préalable ;

Vu l'avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 16 mai 2014 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2014 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- et les conclusions de M. Goujon-Fischer, rapporteur public ;

1. Considérant qu'après avoir obtenu, sur le fondement des dispositions des articles 1er et 1649-0 A du code général des impôts, un droit à restitution d'une somme de 46 016 euros au titre du plafonnement à 50 % de leurs revenus des impôts directs auxquels ils avaient été assujettis au titre de l'année 2007, M. et Mme B... ont présenté, le 23 février 2010, une demande complémentaire tendant à la restitution à ce titre d'une somme supplémentaire de 72 663 euros ; que l'administration a rejeté cette demande au motif qu'elle avait été présentée tardivement ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du code général des impôts : " Les impôts directs payés par un contribuable ne peuvent être supérieurs à 50 % de ses revenus. / Les conditions d'application de ce droit sont définies à l'article 1649-0 A " ; qu'aux termes de l'article 1649-0 A du même code : " 1. Le droit à restitution de la fraction des impositions qui excède le seuil mentionné à l'article 1er est acquis par le contribuable au 1er janvier de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4. / (...) / 8. Les demandes de restitution doivent être déposées avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle de la réalisation des revenus mentionnés au 4. (...). / (...) Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôt sur le revenu. / (...) " ;

3. Considérant qu'il est constant que la demande complémentaire du 23 février 2010 a été déposée après l'expiration du délai prévu par les dispositions précitées du 8 de l'article 1649-0 A du code général des impôts ;

4. Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir (...) le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire. / (...) / Sont instruites et jugées selon les règles du présent chapitre toutes actions tendant à (...) la réduction d'une imposition ( ...) fondées sur la non-conformité de la règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieure. / Lorsque cette non-conformité a été révélée par une décision juridictionnelle (...), l'action en restitution des sommes versées (...) ne peut porter que sur la période postérieure au 1er janvier de la troisième année précédant celle où la décision (...) révélant la non-conformité est intervenu[e]. / Pour l'application du quatrième alinéa, sont considérés comme des décisions juridictionnelles (...) les décisions du Conseil d'Etat (...) " ; qu'aux termes de l'article R.* 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) / c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation. / (...) " ;

5. Considérant que, contrairement à ce que soutient l'administration, les dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales sont applicables à la demande de restitution en litige dès lors qu'aux termes de l'article 1649-0-A : " Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles de procédure applicables en matière d'impôt sur le revenu " ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, lors de leur demande initiale de restitution présentée au titre de l'année 2007, M. et Mme B...ont fait application des alinéas 2 à 8 du paragraphe 34 de l'instruction 13 A-1-08 du 26 août 2008 et ont déterminé le plafonnement de leur imposition en incluant dans leurs revenus des produits de fonds en euros de contrats d'assurance-vie " multi-supports " inscrits en compte cette même année ; que, toutefois, par décision n° 321416 du 13 janvier 2010, le Conseil d'Etat a annulé les alinéas 2 à 8 du paragraphe 34, au motif qu'en prévoyant l'inclusion des contrats "multi-supports" en euros dans le calcul des revenus, ils avaient ajouté une condition à la loi ; que M. et Mme B...soutiennent que cette décision a révélé la non-conformité à la loi fiscale de l'instruction dont il a été fait application et qu'elle est, par suite, de nature à constituer le point de départ du délai de recevabilité des réclamations motivée par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R. *196-1 du livre des procédures fiscales ; qu'en conséquence, leur seconde réclamation présentée le 23 février 2010, avant le 31 décembre de la deuxième année suivant la décision du Conseil d'Etat, était dès lors recevable ;

7. Considérant, toutefois, que s'agissant des décisions et avis rendus au contentieux par le Conseil d'Etat, la Cour de cassation, le Tribunal des conflits et la Cour de justice de l'Union européenne, seuls ceux qui révèlent directement l'incompatibilité avec une règle de droit supérieure de la règle de droit dont il a été fait application pour fonder l'imposition en litige sont de nature à constituer le point de départ du délai dans lequel sont recevables les réclamations motivées par la réalisation d'un événement au sens du c) de l'article R.* 196-1 du livre des procédures fiscales ainsi que de la période sur laquelle l'action en restitution peut s'exercer en application de l'article L. 190 du même livre ; qu'une décision ou un avis qui se borne à retenir une interprétation des dispositions du droit de l'Union ou du droit national dont il a été fait application pour fonder l'imposition contestée différente de celle jusqu'alors formellement admise par l'administration dans ses instructions ne peut constituer le point de départ de ce délai et de cette période, dès lors que l'imposition ne saurait être fondée sur l'interprétation de la loi fiscale que l'administration exprime dans ses instructions ;

8. Considérant qu'en retenant ainsi, une interprétation de la loi fiscale différente de celle exprimée par une instruction fiscale qui n'est pas une règle de droit et ne peut fonder une imposition, la décision susmentionnée du Conseil d'Etat ne révèle pas la non-conformité d'une règle de droit dont il a été fait application à une règle de droit supérieur ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, cette décision, alors même qu'elle révèle une lecture de l'article 1649-0 A différente de celle exprimée par l'administration dans l'instruction du 26 août 2008, n'a donc pas constitué un événement de nature à rouvrir à leur profit un délai de réclamation sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 190 et R.* 196-1 du livre des procédures fiscales ; que M. et Mme B...n'étaient, dès lors, pas recevables à présenter, comme ils l'ont fait le 23 février 2010, une demande de restitution complémentaire portant sur leurs impôts directs de l'année 2007 ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne s'est fondé sur ce que la seconde réclamation de M. et Mme B...n'était pas tardive pour faire droit à leur demande tendant à ce que l'Etat leur restitue la somme complémentaire de 72 663 euros au titre de l'impôt sur le revenu de l'année 2007 ;

9. Considérant qu'aucun autre moyen n'étant invoqué à l'appui des conclusions en restitution des impositions en litige, il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a accordé à M. et Mme B...la restitution des sommes en litige ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. et Mme B...la somme que ceux-ci demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 18 décembre 2012 du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. et Mme B...devant le tribunal administratif, ensemble leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...B...et au ministre chargé du budget.

''

''

''

''

2

13NC00332


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00332
Date de la décision : 26/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt.

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Délai.


Composition du Tribunal
Président : Mme la Pdte. SICHLER
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : STE NOMODOS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-06-26;13nc00332 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award