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23/06/2014 | FRANCE | N°13NC02108

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 23 juin 2014, 13NC02108


Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2013, présentée par le préfet du Bas-Rhin ; le préfet du Bas-Rhin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304991 du 12 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, prononcé le non lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A...tendant à l'annulation de sa décision du 6 novembre 2013 portant prolongation du délai de remise, d'autre part, annulé sa décision du même jours portant placement de M. A...dans un local non pénitentiaire dur

ant un délai de cinq jours ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...

Vu la requête, enregistrée le 6 décembre 2013, présentée par le préfet du Bas-Rhin ; le préfet du Bas-Rhin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304991 du 12 novembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, prononcé le non lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A...tendant à l'annulation de sa décision du 6 novembre 2013 portant prolongation du délai de remise, d'autre part, annulé sa décision du même jours portant placement de M. A...dans un local non pénitentiaire durant un délai de cinq jours ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

Le préfet du Bas-Rhin soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le premier juge, en informant les autorités polonaises de la fuite de M.A..., il a implicitement décidé la prolongation à dix-huit mois du délai de remise de l'intéressé ; tout au long de ses démarches, l'intéressé a été avisé en langue russe de la procédure dont il faisait l'objet ; M. A...n'ayant pas pris contact avec les autorités de police pour préparer son départ, il pouvait sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation le considérer en fuite et prendre à son encontre une mesure de prolongation du délai de remise ;

- une décision implicite de prolongation du délai de remise ayant bien été prise, c'est à tort que le premier juge a considéré que l'arrêté portant placement en rétention de M. A... était dépourvu de base légale ; M. Riguet, secrétaire général de la préfecture, était compétent pour signer l'arrêté plaçant M. A...en rétention ; cet arrêté, qui vise les articles L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui indique les éléments propres à la situation individuelle de l'intéressé, est suffisamment motivé ; les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ne peuvent être invoquées à l'encontre d'une décision de placement en rétention prise sur le fondement de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2014, présenté pour M. C...A..., demeurant..., par Me Andreini, avocat ; M. A...demande à la Cour :

- de sursoir à statuer et de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle suivante : " Dans le silence du règlement, l'article 9-2 et 9-3 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission implique-t-il un formalisme juridique particulier à l'égard du demandeur d'asile pour lequel un État membre aurait entendu porter à douze ou dix-huit mois le délai de remise aux autorités de l'État membre initialement compétent pour connaître de sa demande ' En particulier, la décision de prolongation du délai de réadmission constitue-t-elle un acte juridique distinct de la décision initiale de remise à un autre État membre, qui fait grief au demandeur d'asile, et qui doit, par conséquent, être notifiée au demandeur d'asile dans une langue dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend, en lui indiquant les voies et délais de recours qu'il peut exercer à l'encontre de cette nouvelle décision ' "

En tout état de cause ;

- de rejeter la requête ;

- de condamner l'État à verser à la SCP Roth-Pignon, Leparoux et Associés la somme de 1 800 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A...soutient que :

- le préfet ne l'a pas invité à présenter ses observations avant de décider la prolongation du délai de remise en méconnaissance du droit à être entendu garanti par l'article 41-2 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la prolongation du délai de remise d'un demandeur d'asile vers un autre État membre constitue une décision distincte de la décision initiale, ayant un fondement juridique spécifique, à savoir la fuite du demandeur d'asile ou son emprisonnement ; le demandeur d'asile doit donc être informé de ce que sa réadmission pourra être effectuée dans un délai de 18 mois et non de six mois ; la décision portant prolongation du délai de remise, qui constitue une décision faisant grief, devait nécessairement lui être notifiée, afin de lui permettre d'exercer un recours ;

- contrairement à ce qu'allègue le préfet du Bas-Rhin, il n'était pas en fuite ;

- en ne lui accordant pas un hébergement pendant la procédure de remise aux autorités polonaises, le préfet du Bas-Rhin a porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile ;

Vu l'ordonnance en date du 9 avril 2014 fixant la clôture de l'instruction le 29 avril 2014 à 16 heures ;

Vu la décision du 22 avril 2014 par laquelle le président du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;

Vu la directive n° 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants des pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2014, le rapport de M. Laubriat, premier conseiller ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article 20 du règlement susvisé du 18 février 2003 : " 1. La reprise en charge d'un demandeur d'asile conformément à l'article 4, paragraphe 5, et à l'article 16, paragraphe 1, points c), d) et e), s'effectue selon les modalités suivantes : a) la requête aux fins de reprise en charge doit comporter des indications permettant à l'État membre requis de vérifier qu'il est responsable; b) l'État membre requis pour la reprise en charge est tenu de procéder aux vérifications nécessaires et de répondre à la demande qui lui est faite aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de sa saisine. Lorsque la demande est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines ; c) si l'État membre requis ne fait pas connaître sa décision dans le délai d'un mois ou dans le délai de deux semaines mentionnés au point b), il est considéré qu'il accepte la reprise en charge du demandeur d'asile ; d) l'État membre qui accepte la reprise en charge est tenu de réadmettre le demandeur d'asile sur son territoire. Le transfert s'effectue conformément au droit national de l'État membre requérant, après concertation entre les États membres concernés, dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande aux fins de reprise en charge par un autre État membre ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d'effet suspensif ; e) l'État membre requérant notifie au demandeur d'asile la décision relative à sa reprise en charge par l'État membre responsable. Cette décision est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert et comporte, si nécessaire, les informations relatives au lieu et à la date auxquels le demandeur doit se présenter s'il se rend par ses propres moyens dans l'État membre responsable. Cette décision est susceptible d'un recours ou d'une révision. Ce recours ou cette révision n'a pas d'effet suspensif sur l'exécution du transfert, sauf lorsque les tribunaux ou les instances compétentes le décident, au cas par cas, si la législation nationale le permet. / Si nécessaire, le demandeur d'asile est muni par l'État membre requérant d'un laissez-passer conforme au modèle adopté selon la procédure visée à l'article 27, paragraphe 2. / L'État membre responsable informe l'État membre requérant, le cas échéant, de l'arrivée à bon port du demandeur d'asile ou du fait qu'il ne s'est pas présenté dans les délais impartis. 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l'État membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert ou à l'examen de la demande en raison d'un emprisonnement du demandeur d'asile ou à dix-huit mois au maximum si le demandeur d'asile prend la fuite. [...] " ;

2. Considérant que les empreintes de M.A..., ressortissant russe, ayant déjà été relevées le 8 janvier 2013 par les autorités polonaises, le préfet du Bas-Rhin a, par télécopie du 21 mars 2013, saisi ces autorités d'une demande de reprise en charge ; que par courrier du 26 mars 2013, lesdites autorités ont accepté la reprise en charge de M. A... ; que par arrêté du 8 avril 2013, le préfet du Bas-Rhin a refusé l'admission au séjour de M. A...et a décidé sa réadmission vers la Pologne ; que M. A...a fait l'objet d'un contrôle d'identité le 6 novembre 2013 à l'issue duquel il a été placé en rétention dans un local non pénitentiaire pour une durée n'excédant pas cinq jours ; que par une requête enregistrée au greffe du tribunal administratif de Strasbourg le 8 novembre 2013, M. A...a demandé l'annulation des décisions prolongeant le délai de remise et ordonnant son placement en rétention ; que par un jugement du 12 novembre 2013, dont le préfet du Bas-Rhin demande l'annulation, le magistrat désigné a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision portant prolongation du délai de remise et a annulé la décision portant placement en rétention ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du règlement susvisé du 2 septembre 2003 : " [...] 2. Il incombe à l'État membre qui, pour un des motifs visés à l'article 19, paragraphe 4, et à l'article 20, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 343/2003, ne peut procéder au transfert dans le délai normal de six mois prévu à l'article 19, paragraphe 3, et à l'article 20, paragraphe 1, point d), dudit règlement, d'informer l'État responsable avant l'expiration de ce délai. À défaut, la responsabilité du traitement de la demande d'asile et les autres obligations découlant du règlement (CE) n° 343/2003 incombent à cet État membre conformément aux dispositions de l'article 19, paragraphe 4, et de l'article 20, paragraphe 2, dudit règlement. " ;

4. Considérant que les dispositions combinées des articles 20-2 du règlement n° 343/ 2003 et 9-2 du règlement n° 1560/2003 ont pour objet de déterminer l'État membre responsable de la demande d'asile après l'expiration du délai de six mois suivant l'acceptation par l'État membre requis de la reprise en charge ; que si l'État membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur d'asile a informé l'État membre responsable avant l'expiration du délai de six mois qu'il n'a pu être procédé au transfert du fait de la fuite du demandeur d'asile, l'État membre requis reste alors responsable de l'instruction de la demande d'asile pendant un délai de dix huit mois courant à compter de l'acceptation de la reprise en charge ; que cet effet est de droit à compter de la simple information par l'État membre sur le territoire duquel séjourne le demandeur d'asile de l'État requis de ce qu'il n'a pu procéder au transfert du fait de la fuite du demandeur d'asile, et cela sans que l'État requis n'ait à manifester son accord ; que ces dispositions ont également implicitement mais nécessairement pour effet de porter le délai accordé à l'État membre sur lequel séjourne le demandeur d'asile pour procéder à son transfert à dix-huit mois ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 23 septembre 2013, soit deux jours avant l'expiration du délai de remise de six mois prévu par l'article 20 du règlement n° 343/2003, le préfet du Bas-Rhin a informé les autorités polonaises de la fuite de M.A... ; que cette simple information emportant implicitement mais nécessairement prolongation du délai imparti au préfet du Bas-Rhin pour remettre M. A... aux autorités polonaises, c'est à tort que le premier juge a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision de prolongation du délai de réadmission au motif qu'aucune décision de prolongation du délai de réadmission ne serait née ;

6. Considérant qu'il y a lieu d'annuler le jugement du 12 novembre 2013 du tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a prononcé un non lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision de prolongation du délai de remise, de statuer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions et par l'effet dévolutif de l'appel sur les autres conclusions ;

Sur la décision portant prolongation du délai de remise :

7. Considérant, en premier lieu, qu'une décision implicite n'est pas illégale du seul fait qu'elle n'est pas motivée ;

8. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'auteur de la décision portant prolongation du délai de remise, laquelle décision ne se confond pas avec le courrier informant les autorités polonaises de la fuite de M. A..., est incompétent ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'attestation signée par M. A...le 13 février 2013, qu'il a pris connaissance avec l'aide d'un interprète des informations rédigées en russe, langue qu'il est supposé comprendre, relatives aux délais prévus par le règlement n° 343/2003, notamment du fait que le délai de transfert peut être porté à dix huit mois maximum en cas de fuite ; que le moyen tiré de la méconnaissance de son droit garanti par l'article 3-4 du règlement n° 343/2003 à être informé dans une langue qu'il comprend de la prolongation du délai de réadmission manque en fait ;

10. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux, proclamée par le Conseil européen le 7 décembre 2000 à Nice, et adoptée le 12 décembre 2007 à Strasbourg : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, organes et organismes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre; [...] " ; qu'aux termes de l'article 51 de la même charte : " Champ d'application. 1. Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions et organes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux États membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union [...] " ;

11. Considérant que lorsqu'il informe un État membre de l'Union européenne de la prolongation du délai de remise d'un demandeur d'asile en fuite, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ;

12. Considérant que par un courrier du 11 juillet 2013, le préfet du Bas-Rhin avait informé M. A...de ce qu'en cas de soustraction intentionnelle et systématique de ce dernier à la mesure de réadmission en Pologne dont il faisait l'objet, il solliciterait auprès des autorités polonaises une prolongation du délai de transfert ; qu'en dépit de cet avertissement, M. A...n'a pas manifesté le désir d'être entendu ; que, dans ces conditions, M. A... n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'ainsi qu'il a déjà été dit, les dispositions combinées des articles 20-2 du règlement n° 343/2003 et 9-2 du règlement n° 1560/2003 habilitent l'autorité administrative à informer l'État membre responsable de l'instruction de la demande d'asile de la fuite du demandeur d'asile, ce qui emporte implicitement mais nécessairement prolongation de plein droit du délai de transfert à dix huit mois ; que le moyen tiré du défaut de base légale ne peut dès lors qu'être écarté ;

14. Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que par courrier en date du 8 avril 2013, le préfet du Bas-Rhin a invité M. A...à se présenter dans un délai de 8 jours aux services de la direction départementale de la police de l'air et des frontières (DDPAF) afin d'organiser son départ vers la Pologne ; que faute de toute réaction de M.A..., le préfet lui a expédié un nouveau courrier le 11 juillet 2013 lui rappelant qu'en ne se présentant pas aux services de la DDPAF, il s'exposait aux sanctions prévues par l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le préfet invitait également M. A...à lui faire connaître son lieu d'hébergement dans un délai de huit jours à compter de la notification du courrier ; qu'enfin le préfet lui signifiait qu'à défaut pour lui de se manifester dans le même délai, il serait considéré comme étant en fuite au sens de l'article 20-2 du règlement n° 343/2003 ; que M. A... n'a retiré aucun de ces courriers à sa domiciliation postale à la CODA ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, considérer que M. A...était en fuite et prolonger en conséquence le délai de transfert ;

15. Considérant, en dernier lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que le préfet du Bas-Rhin aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile en n'ayant pas assuré à M. A...un hébergement pendant la durée de la procédure de réadmission en Pologne est sans incidence sur la légalité de la décision implicite portant prolongation du délai de réadmission ;

16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de la décision portant prolongation du délai de remise doivent être rejetées ;

Sur la décision de placement en rétention :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ; [...] " ;

18. Considérant que pour annuler la décision prononçant le placement en rétention de M.A..., le premier juge, après avoir considéré qu'il n'était pas établi qu'une décision de prolongation du délai de réadmission aurait été édictée, en a déduit que le délai initial de réadmission était échue et donc que M. A...ne rentrait plus dans les prévisions du 1° de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

19. Considérant qu'ainsi qu'il a déjà été dit, le courrier du 23 septembre 2013 par lequel le préfet du Bas-Rhin a informé les autorités polonaises de la fuite de M. A...emporte décision implicite de prolongation du délai de réadmission ; que, par suite, c'est à tort que le premier juge a annulé la décision prononçant le placement en rétention de M. A... au motif qu'elle était dépourvue de base légale ;

20. Considérant, toutefois, que l'article 8 de la loi susvisée du 17 juillet 1978 prévoit que " Sauf disposition prévoyant une décision implicite de rejet ou un accord tacite, toute décision individuelle prise au nom de l'État, d'une collectivité territoriale, d'un établissement public ou d'un organisme, fût-il de droit privé, chargé de la gestion d'un service public, n'est opposable à la personne qui en fait l'objet que si cette décision lui a été préalablement notifiée. " ;

21. Considérant que la décision implicite de prolongation du délai de réadmission, qui n'est pas une réponse à une demande de M.A..., ne rentre pas dans les exceptions limitativement prévues par les dispositions précitées de l'article 8 de la loi du 17 juillet 1978 au principe édicté par cet article selon lequel les décisions individuelles ne sont opposables qu'après avoir été notifiées à leur destinataire ; que faute de notification à M.A..., la décision portant prolongation du délai de réadmission, qui aurait dû être explicite, n'est donc pas entrée en vigueur ; que dans ces conditions, le préfet ne pouvait prendre une décision ordonnant le placement de M. A...en rétention en se fondant sur la décision de prolongation du délai de réadmission ; que le préfet n'est donc pas fondé à se plaindre de ce que le tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 6 novembre 2013 portant placement de M. A...en rétention ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'État la somme demandée par M. A...au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 12 novembre 2013 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé en tant qu'il a prononcé le non lieu à statuer sur les conclusions de la demande de M. A...tendant à l'annulation de la décision portant prolongation du délai de remise.

Article 2 : Les conclusions de la demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à l'annulation de la décision portant prolongation du délai de remise sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Les conclusions présentées par M. A...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...A....

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet du Bas-Rhin et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Strasbourg.

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13NC02108


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC02108
Date de la décision : 23/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-06-23;13nc02108 ?
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