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23/06/2014 | FRANCE | N°13NC01371

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 23 juin 2014, 13NC01371


Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2013, présentée pour la société Inéos Manufacturing France SAS, dont le siège est rue Ernest Solvay, à Sarralbe (57430), représentée par son représentant légal en exercice, par Me Schwach, avocat ; la société Inéos Manufacturing France SAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905637 du 29 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 28 septembre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, d'une part, avai

t annulé la décision du 7 avril 2009 par laquelle l'inspecteur du travail l...

Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2013, présentée pour la société Inéos Manufacturing France SAS, dont le siège est rue Ernest Solvay, à Sarralbe (57430), représentée par son représentant légal en exercice, par Me Schwach, avocat ; la société Inéos Manufacturing France SAS demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905637 du 29 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 28 septembre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, d'une part, avait annulé la décision du 7 avril 2009 par laquelle l'inspecteur du travail lui avait refusé l'autorisation de procéder au licenciement de M. E...A..., d'autre part, lui avait accordé cette autorisation ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. E...A...devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

3°) de mettre à la charge de M. E...A...une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Inéos Manufacturing France SAS soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'elle n'avait pas satisfait à son obligation de reclassement ; les demandes de reclassement de M. A...sur le site de Sarralbe ont été prises en considération mais son profil ne correspondait pas aux postes ; il a refusé les quatre offres de reclassement qui lui ont été proposées sur le site de Lavera ; les recherches de reclassement au niveau du groupe se sont révélées infructueuses ;

- M. B...C...était compétent pour signer la décision du 28 septembre 2009 ;

- la décision du 28 septembre 2009 est suffisamment motivée dès lors qu'elle fait référence aux éléments constitutifs d'un licenciement économique et à l'absence de tout lien entre la mesure envisagée et le mandat de M.A... ;

- la réalité de ses difficultés économiques est établie au regard de la détérioration de ses résultats entre 2007 et 2009 ainsi que ceux des entreprises du groupe ayant la même activité ;

- la mesure de licenciement envisagée à l'encontre de M. A...n'a aucun lien avec son mandat ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu, en date du 17 septembre 2013, la communication de la requête au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

Vu l'ordonnance en date du 5 décembre 2013 fixant la clôture de l'instruction le 20 janvier 2014 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2014, présenté pour M. E...A..., demeurant au..., par Me Pate, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Inéos Manufacturing France de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A...soutient que :

- la décision du ministre du travail est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- la rupture par Total du contrat d'approvisionnement du site de Sarralbe et l'état d'endettement du groupe ne suffisent pas à établir la réalité des difficultés économiques de la société Inéos manufacturing France ni la menace sur sa compétitivité ;

- son employeur a limité le périmètre de la recherche de reclassement aux deux seuls établissements de Sarralbe et Lavera qui composent l'entreprise française sans l'étendre aux autres entreprises du groupe dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation permettent la permutation du personnel ;

Vu les ordonnances en date du 23 avril 2014 rouvrant l'instruction et fixant une nouvelle date de clôture de l'instruction le 12 mai 2014 à 16 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le décret n° 2005-850 du 27 juillet 2005 relatif aux délégations de signature des membres du Gouvernement ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 2014 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me Botte, avocat, pour la société Inéos Manufacturing France, et de Me Pate, avocat, pour M.A... ;

1. Considérant que M. E...A...a été embauché le 4 janvier 1993 par la société Solvay devenue Inéos Manufacturing France SAS ; qu'il exerçait en dernier lieu les fonctions de chef de projet services techniques sur le site de Sarralbe ; qu'il était également délégué du personnel titulaire ; que la société Inéos manufacturing France demande l'annulation du jugement du 29 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 28 septembre 2009 par laquelle le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville, d'une part, avait annulé la décision du 7 avril 2009 par laquelle l'inspecteur du travail lui avait refusé l'autorisation de procéder au licenciement de M. E... A...pour motif économique, d'autre part, lui avait accordé cette autorisation ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-5 du code du travail : " Le licenciement d'un délégué du personnel, titulaire ou suppléant, ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. " ;

3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail le licenciement des représentants du personnel, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, doit être autorisé par l'inspecteur du travail ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale ; que, dans le cas où la demande est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte, notamment, de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que M. A...s'est porté candidat sur trois postes de l'établissement de Sarralbe ; que contrairement à ses affirmations, la direction de la société Inéos Manufacturing France SAS a examiné sa candidature sur les postes de " responsable performance logistique " et de " superviseur échafaudage calorifuge " mais lui a préféré deux autres candidats dont les postes avaient également été supprimés et dont les profils correspondait mieux aux postes offerts au reclassement ; que le troisième poste sollicité par M. A...n'était pas vacant, sa titulaire n'étant pas éligible aux mesures d'âge ; que, d'autre part, la société Inéos Manufacturing France SAS a proposé à M. A... quatre offres de reclassement sur son site de Lavera : un poste de " coordinateur projets ING " le 23 mai 2008, un poste de " responsable Customer service et stocks " le 17 juin 2008, un poste de " gestionnaire des contrats raffinage " le 22 août 2008 et un poste de " team leader achats de service " le 24 novembre 2008 ; que l'ensemble de ces offres étaient précises avec un descriptif détaillé du contenu des postes proposés ; que M. A...a refusé le premier poste proposé en faisant valoir qu'il aurait préféré un poste en logistique ; qu'il n'a pas fait connaître de réponse sur les autres propositions alors que le second poste était un poste en logistique et que le quatrième, de niveau cadre, lui offrait des perspectives d'évolution de carrière ; qu'enfin, s'il est constant au vu des pièces du dossier que c'est seulement à partir du 5 mai 2009 que la direction de la société Inéos Manufacturing France s'est efforcée de rechercher pour M. A...des postes de reclassement dans le groupe, soit après la décision de l'inspecteur du travail, cette circonstance est toutefois sans incidence dès lors qu'il n'est pas contesté qu'avant la saisine de l'inspecteur du travail, il avait été proposé à M. A...quatre offres de reclassement dans l'entreprise sur des emplois de niveau équivalent voire supérieur ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur la circonstance que la société Inéos Manufacturing France SAS aurait manqué à son obligation de reclassement pour annuler la décision du ministre en charge du travail du 28 septembre 2009 autorisant le licenciement de M.A... ;

5. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués par M. A...au soutien de sa demande devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er du décret susvisé du 27 juillet 2005 : " A compter du jour suivant la publication au Journal officiel de la République française de l'acte les nommant dans leurs fonctions ou à compter du jour où cet acte prend effet, si ce jour est postérieur, peuvent signer, au nom du ministre ou du secrétaire d'État et par délégation, l'ensemble des actes, à l'exception des décrets, relatifs aux affaires des services placés sous leur autorité : 1° Les secrétaires généraux des ministères, les directeurs d'administration centrale, les chefs des services à compétence nationale mentionnés au premier alinéa de l'article 2 du décret du 9 mai 1997 susvisé et les chefs des services que le décret d'organisation du ministère rattache directement au ministre ou au secrétaire d'État ; (...) " ; que M.D..., directeur général du travail, disposait, en vertu de ces dispositions, d'une délégation de signature du ministre du travail ; que par un arrêté du 8 décembre 2006, régulièrement publié le 13 décembre suivant, M. D...a notamment délégué sa signature à M. B...C..., chef du département du soutien et de l'appui au contrôle, qui a signé la décision du 28 septembre 2009 ; que le moyen tiré de l'incompétence de M. C...manque donc en fait ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la décision du 28 septembre 2009, après avoir visé les articles L. 2411-1 et L. 2411-5 du code du travail, indique les éléments de fait qui ont conduit le ministre en charge du travail à estimer que la réalité du motif économique était établie, que la société devait être regardée comme ayant satisfait à son obligation de reclassement et que le licenciement n'avait pas de lien avec le mandat ; que la décision comporte ainsi les considérations de droit et de fait qui la fondent et est, par suite, suffisamment motivée ;

8. Considérant, en troisième lieu, que la société Inéos Manufacturing France SAS fait valoir, d'une part, que l'endettement du groupe dont elle fait partie étant de l'ordre de 12 milliards de dollars en 2007, il se devait, pour pouvoir renégocier sa dette, de réduire ses coûts fixes ; que, d'autre part, ses capacités de production en produits polyoléfines étant excédentaires, à la fois du fait de la chute de la demande mondiale et du démarrage de nouvelles capacités en Asie et au Moyen Orient, le taux d'utilisation de ses unités implantées en Europe était appelé à baisser pour atteindre -d'après les prévisions- un point bas de 85 % en 2009 ; que dans ces conditions, le groupe a décidé en 2007 un plan de restructuration pour préparer cette période de bas cycle, impliquant pour le site de Sarralbe de Inéos Manufacturing France SAS une réduction de moitié de sa capacité de production avec l'abandon de la fabrication de polypropylène ; que la société soutient à hauteur d'appel qu'en dépit de la mise en oeuvre de ce plan, ses activités en Europe dans les produits polyoléfines ont enregistré une perte de 25 millions d'euros à fin 2008 et le site de Sarralbe une perte de 1,4 million d'euros alors que les bénéfices se montaient respectivement à 188,9 et 37,6 millions d'euros en 2007 ; qu'au vu des résultats 2008, qui ne sont pas contestés, la réalité des difficultés économiques du secteur polyoléfines du groupe Inéos doit être regardée comme établie ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le licenciement de M. A...aurait un lien avec son mandat ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Inéos Manufacturing France SAS est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du ministre en charge du travail du 28 septembre 2009 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Inéos Manufacturing France SAS, qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à M. A...la somme qu'il réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. A...la somme demandée au même titre par la société Inéos Manufacturing France SAS ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 29 avril 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Les conclusions tant de la société Inoés Manufacturing France SAS que de M. A...tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Inéos Manufacturing France SAS, au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social et à M. E... A....

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N° 13NC01371


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01371
Date de la décision : 23/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : SCP WURMSER - SCHWACH - FREZARD - WIDMER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-06-23;13nc01371 ?
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