La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/06/2014 | FRANCE | N°13NC01784

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 02 juin 2014, 13NC01784


Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2013, complétée par deux mémoires enregistrés les 25 septembre 2013 et 6 février 2014, présentée pour la société Pakers Mussy, dont le siège est BP 1 à Mussy-sur-Seine (10250), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Honnet, avocat ;

La société Pakers Mussy demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1100827 du 18 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du

29 juin 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en tant qu'elle a décl...

Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2013, complétée par deux mémoires enregistrés les 25 septembre 2013 et 6 février 2014, présentée pour la société Pakers Mussy, dont le siège est BP 1 à Mussy-sur-Seine (10250), représentée par son président directeur général en exercice, par Me Honnet, avocat ;

La société Pakers Mussy demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 du jugement n° 1100827 du 18 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de la décision du 29 juin 2011 du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en tant qu'elle a déclaré M. B...A...inapte à tout poste de travail dans l'entreprise ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision dans cette mesure ;

3°) de constater l'inexistence de l'avis d'invalidité émis le 1er février 2011 par le médecin du travail ;

4°) de déclarer l'avis d'inaptitude émis le 1er février 2011 par le médecin du travail inopposable à la SAS Pakers Mussy et de l'annuler pour vice de forme ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Pakers Mussy soutient que :

- l'avis du 1er février 2011, qui n'a pas été émis par un médecin employé par l'association de médecine du travail à laquelle l'entreprise est adhérente, est dépourvu de valeur juridique ;

- la visite de pré-reprise du 24 janvier 2011 a eu lieu à son insu, ni M.A..., ni le médecin du travail ne l'en ayant informée ;

- le médecin du travail ne pouvait déclarer M. A...inapte à tout poste de travail dans l'entreprise sans le soumettre au préalable à une deuxième visite, sauf à indiquer dans son avis " danger immédiat pour la santé " ;

- la consultation par l'inspecteur du travail du médecin inspecteur du travail ne saurait régulariser les vices entachant l'avis du médecin du travail ;

- l'annulation par le ministre du travail de la décision de l'inspecteur du travail a nécessairement eu pour conséquence d'annuler l'avis du médecin du travail ;

- le ministre ne pouvait que confirmer ou infirmer la décision de l'inspecteur du travail sans décider par lui-même de l'aptitude ou de l'inaptitude de M.A... :

- l'avis du 1er février 2011 est entaché d'une erreur d'appréciation, M. A...ne manifestant aucun trouble ;

- la décision du ministre du travail, qui a été prise sans enquête contradictoire dans l'entreprise et sans communication préalable des éléments sur lesquels elle repose, notamment le rapport du médecin inspecteur du travail, méconnaît le principe du contradictoire ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu, enregistré le 14 octobre 2013, la communication de la requête au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 décembre 2013, présenté pour M. B... A..., demeurant au..., par Me C..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Pakers Mussy de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. A...soutient que :

- le médecin du travail qui a émis le 1er février 2011 l'avis le déclarant inapte à tout poste de travail dans l'entreprise, est celui qui suit tous les salariés de l'entreprise depuis son embauche en 1967 ; l'association gérant le service de santé au travail auquel avait adhéré son employeur étant en difficulté, ce médecin a été mis à disposition d'un autre service de santé au travail, seul compétent du fait de la localisation de l'entreprise ;

- le ministre était fondé à substituer sa propre décision à celle de l'inspecteur du travail ;

Vu l'ordonnance en date du 8 janvier 2014 fixant la clôture de l'instruction le 7 février 2014 à 16 heures ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 mars 2014, présenté pour M.A... ;

Vu la lettre en date du 17 avril 2014 informant les parties que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 mai 2014 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 1226-2 du code du travail : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités.[...] " ; qu'aux termes de l'article R. 4624-31 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail qu'après avoir réalisé : 1° Une étude de ce poste ; / 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; / 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. " ; que l'article L. 4624-1 dispose : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Ce dernier prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. " ;

2. Considérant que le docteur Renault, médecin du travail, a émis le 1er février 2011 un avis déclarant M.A..., directeur de site et directeur de production, inapte à tout poste de travail chez son employeur, l'entreprise Pakers Mussy ; qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 4624-1 du code du travail, l'entreprise a introduit un recours auprès de l'inspecteur du travail ; que par une décision du 14 avril 2011, l'inspecteur du travail de la quatrième section du département de l'Aube a rejeté le recours de la société Pakers Mussy ; que le ministre du travail, de l'emploi et de la santé, saisi d'un recours hiérarchique, a, par une décision du 29 juin 2011, annulé, par un article 1er, la décision de l'inspecteur du travail et par un article 2, déclaré M. A...inapte à tout poste de travail dans l'entreprise ; que par un jugement du 18 juillet 2013, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a prononcé par un article 1er un non lieu à statuer sur les conclusions de la demande de la société Pakers Mussy tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 14 avril 2011 et a rejeté le surplus des conclusions de l'employeur tendant à l'annulation de la décision du ministre ; que la société Pakers Mussy doit être regardée comme demandant l'annulation, outre de l'avis émis par le médecin du travail le 1er février 2011, de l'article 2 de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'article 2 de la décision du ministre du 29 juin 2011 ;

Sur la recevabilité :

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 4624-1 du code du travail qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur les propositions formulées par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, il appartient à l'inspecteur du travail, puis au ministre en charge du travail saisi d'un recours hiérarchique à l'encontre de la décision de l'inspecteur, de se prononcer définitivement sur cette aptitude ; que la décision de l'inspecteur du travail, puis du ministre, a ainsi pour effet de se substituer à l'avis émis par le médecin du travail ; que, par suite, les conclusions de la société Pakers Mussy tendant à l'annulation de l'avis émis le 1er février 2011 par le médecin du travail sont irrecevables ;

Sur la légalité de la décision du ministre du travail :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande de première instance :

4. Considérant, en premier lieu, qu'ainsi qu'il vient d'être dit, il appartient à l'inspecteur du travail ou, comme en l'espèce au ministre du travail, lorsqu'ils sont saisis d'un recours sur un avis émis par le médecin du travail concernant l'aptitude d'un salarié à occuper son poste de travail, de se prononcer définitivement sur cette aptitude ; que, par suite, l'entreprise Pakers Mussy n'est pas fondée à soutenir que le ministre ne pouvait que confirmer ou infirmer la décision de l'inspecteur du travail sans décider par lui-même de l'aptitude ou de l'inaptitude de M.A... ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que la décision de l'inspecteur du travail ou, comme en l'espèce, du ministre du travail se substituant à l'avis émis par le médecin du travail, la circonstance que l'avis émis le 1er février 2011 l'aurait été par un médecin du travail incompétent et dans des conditions irrégulières est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision du ministre du travail déclarant M. A...inapte à tout poste de travail dans son entreprise ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des dispositions précitées de l'article L. 4624-1 du code du travail que l'inspecteur du travail ou, saisi d'un recours hiérarchique, le ministre, prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail ; qu'il ressort des pièces que le médecin inspecteur régional du travail a estimé le 14 avril 2011 que M. A...était médicalement et définitivement inapte à tout poste de travail dans l'entreprise ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'impose à l'autorité administrative de procéder à une enquête contradictoire dans l'entreprise ; que de même, aucune disposition ne lui fait l'obligation de transmettre le rapport du médecin inspecteur du travail aux parties ; que, par suite, la société Pakers Mussy n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée du ministre du travail aurait été prise en méconnaissance du principe du contradictoire ;

7. Considérant, en dernier lieu, que le médecin inspecteur régional du travail a estimé dans son rapport du 14 avril 2011 que " des éléments médicaux recueillis et constatés lors de l'enquête, il ressort que la dégradation de l'état de santé de M. A...depuis 2010 est réelle, qu'elle nécessite un suivi médical régulier et intense et que le dossier médical est suffisamment étayé pour confirmer qu'il ne peut être envisagé une reprise d'activité dans l'entreprise " ; que cette appréciation est confirmée par le certificat établi le 6 juillet 2011 par le docteur Prieur, psychiatre, ainsi que par le rapport rédigé le 27 juillet 2011 par le docteur Robert dans le cadre d'une expertise diligentée par la Caisse régionale d'assurance maladie ; que la gravité de l'état de santé de M. A...a justifié des arrêts de travail continus depuis 2010 ; que, par suite, la société Pakers Mussy n'est pas fondée à soutenir que la décision du ministre en charge du travail du 29 juin 2011 serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Pakers Mussy n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Pakers Mussy la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Pakers Mussy une somme de 1 500 euros à verser à M. A...au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Pakers Mussy est rejetée.

Article 2 : La société Pakers Mussy versera à M. A...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pakers Mussy, à M. B...A...et au ministre du travail, de l'emploi et du dialogue social.

''

''

''

''

5

N° 13NC01784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01784
Date de la décision : 02/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07 Travail et emploi. Licenciements.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : HONNET - FLOTTES DE POUZOLS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-06-02;13nc01784 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award