La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/05/2014 | FRANCE | N°13NC01716

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 mai 2014, 13NC01716


Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2013, présentée pour la société DJ Matériaux, dont le siège est ZAC du Giessen, rue du Sommerberg à Scherwiller (67750), par Me B... ;

La société DJ Matériaux demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105205 du 16 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Scherwiller à lui verser la somme de 134 902,65 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait du refus de son maire de signer l'acte de vente

d'un lot dans le parc d'activités artisanales ;

2°) de condamner la commune d...

Vu la requête, enregistrée le 19 septembre 2013, présentée pour la société DJ Matériaux, dont le siège est ZAC du Giessen, rue du Sommerberg à Scherwiller (67750), par Me B... ;

La société DJ Matériaux demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1105205 du 16 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Scherwiller à lui verser la somme de 134 902,65 euros en réparation du préjudice financier qu'elle estime avoir subi du fait du refus de son maire de signer l'acte de vente d'un lot dans le parc d'activités artisanales ;

2°) de condamner la commune de Scherwiller à lui verser la somme de 134 902,65 euros en réparation des préjudices financiers subis ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Scherwiller le versement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la commune de Scherwiller connaissait parfaitement la nature de son activité, qui avait d'ailleurs été rappelée lors de la séance du conseil municipal du 26 mai 2009 et est mentionnée sur la délibération portant attribution des parcelles ;

- c'est à juste titre que le tribunal administratif a retenu que la commune avait commis une faute ;

- les préjudices dont elle demande réparation consistent dans les frais de constitution d'une SCI, dans un loyer commercial versé à perte, dans le surcoût du prix d'acquisition de parcelles équivalentes dans un parc d'activités voisin ;

Vu, enregistré le 11 mars 2014, le mémoire en défense présenté pour la commune de Scherwiller, par Me Meyer, qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société DJ Matériaux la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que la juridiction administrative est incompétente pour connaître de ce litige qui a trait à la vente d'une parcelle du domaine privé ; que la société requérante ne justifie pas d'un intérêt pour agir ; que la commune, qui n'a eu connaissance de l'activité de la société requérante qu'après la délibération attribuant un lot à cette dernière, n'a commis aucune faute en refusant de donner suite à sa décision ; que les préjudices invoqués sont injustifiés ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 13 avril 2014, présenté pour la société DJ Matériaux, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 avril 2014 :

- le rapport de M. Pommier, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Meyer, avocat de la commune de Scherwiller ;

1. Considérant que la société DJ Matériaux a souhaité s'installer dans le parc d'activités artisanales implanté dans la commune de Scherwiller et dont la deuxième tranche était en cours de commercialisation ; que, par délibération du 26 mai 2009, le conseil municipal lui a attribué une parcelle de 34,67 ares au prix de 1 525 euros HT l'are ; que, cependant, le maire a refusé le 13 avril 2010 de signer l'acte de vente au motif que l'activité de la société n'était pas au nombre de celles admises dans ce parc d'activités ; que la société DJ Matériaux a alors recherché la responsabilité de la commune de Scherwiller pour n'avoir pas respecté son engagement de lui vendre ce lot ; qu'elle relève appel du jugement du 16 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur l'exception d'incompétence et la fin de non recevoir opposées par la commune de Scherwiller :

2. Considérant, en premier lieu, que l'action par laquelle une personne privée recherche la responsabilité quasi-délictuelle d'une commune en raison de son refus d'aliéner un bien relevant de son domaine privé, refus qui constitue un acte de disposition et non de gestion dudit domaine, relève de la compétence de la juridiction administrative ;

3. Considérant, en second lieu, que si une délibération du 23 février 2010 a par la suite attribué le lot dont il s'agit à la SCI DSJC, dont le gérant est également M.A..., se substituant à la société DJ Matériaux, cette dernière, qui avait vocation à louer à cette SCI lesdits locaux, a intérêt lui donnant qualité pour rechercher la responsabilité de la commune de Scherwiller ;

Sur le principe de la responsabilité :

4. Considérant que lorsqu'il a fait part à la commune de Scherwiller, par courrier du 24 mai 2007, de son intention de se porter candidat, au nom de la société DJ Matériaux, à l'acquisition d'un lot au sein du parc d'activités artisanales, M. A...avait clairement indiqué la nature de son activité ; que le maire a d'ailleurs précisé, lors de la séance du conseil municipal du 28 mai 2009 au cours de laquelle un lot lui a été attribué, que la société DJ Matériaux exerçait une activité de vente de matériaux d'isolation ; que la commune de Scherwiller n'est donc pas fondée à soutenir que ce n'est qu'après cette délibération qu'elle a appris quelle était l'activité de la société ; qu'elle a d'ailleurs confirmé l'attribution du lot à la SCI DSJC en vue de sa location à la société DJ Matériaux, par une délibération du 23 février 2010 ; que la commune, qui n'ignorait pas que l'activité de la société était sans lien avec les activités viticoles, a donc commis une faute en décidant de lui attribuer un lot en méconnaissance du règlement du lotissement qui n'admettait que les constructions d'activités et de commerces liées aux activités viticoles et en lui laissant espérer la réalisation de la vente ;

Sur le préjudice :

5. Considérant que, comme dit ci-dessus, si la demande d'attribution d'un lot dans le parc d'activités artisanales a été présentée par M.A..., gérant de la société DJ Matériaux, et si le conseil municipal de Scherwiller dans sa délibération du 28 mai 2009 lui a attribué la parcelle n° 742/557, une nouvelle attribution de cette même parcelle a été faite par la délibération du 23 février 2010 à la SCI DSJC, dont M. A...était également gérant, à la demande de ce dernier, pour y accueillir l'activité exercée par la société DJ Matériaux, avant que le maire ne renonce à la vente par décision du 13 avril 2010 ;

6. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que les frais de constitution de la SCI DSJC ont été facturés à cette société et non à la société DJ Matériaux, qui ne saurait donc en tout état de cause en demander le remboursement ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que la société requérante n'établit ni même n'allègue qu'entre la délibération du conseil municipal en date du 28 mai 2009 lui attribuant un lot dans le parc d'activités artisanales et la décision du maire en date du 13 avril 2010 de ne pas signer l'acte de vente, elle aurait été en mesure de faire l'acquisition de terrains pour y implanter son activité à un prix équivalent et qu'elle y aurait renoncé en raison de l'espérance légitime qu'elle pouvait avoir de la concrétisation de la vente ; que si la société requérante soutient que du fait du refus de signer l'acte de vente elle subira un préjudice financier, le prix de vente d'un lot dans un autre parc d'activités étant plus élevé, ce surcoût, qui demeure d'ailleurs éventuel dès lors qu'elle reste locataire des terrains qu'elle occupe, n'est pas susceptible de constituer un préjudice en lien direct avec la faute commise par la commune de Scherwiller, faute qui ne résulte pas de la décision du maire qui s'est borné à tirer les conséquences du règlement du lotissement mais des délibérations antérieures du conseil municipal prises en méconnaissance dudit règlement ;

8. Considérant, en troisième lieu, que si la société requérante estime également subir un préjudice financier du fait des loyers qu'elle verse en pure perte au lieu des remboursements des échéances d'un prêt qui viendraient en amortissement du capital, préjudice qu'elle chiffre à 12 075 euros pour la période de mars 2010 à octobre 2011, d'une part, il résulte de l'instruction que le bail commercial qu'elle avait signé avec effet au 1er mars 2009 comportait une clause ne prévoyant pas de possibilité de résiliation avant l'expiration d'une première période de trois ans, d'autre part, l'acquisition du terrain et, par conséquent, la souscription d'un emprunt à cette fin auraient été le fait de la SCI DSJC et non le sien propre ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société DJ Matériaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Scherwiller, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que demande la société DJ Matériaux au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société DJ Matériaux le versement à la commune de Scherwiller de la somme de 1 000 euros au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société DJ Matériaux est rejetée.

Article 2 : La société DJ Matériaux versera la somme de 1 000 € (mille euros) à la commune de Scherwiller en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société DJ Matériaux et à la commune de Scherwiller.

''

''

''

''

2

N° 13NC01716


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01716
Date de la décision : 22/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité engageant la responsabilité de la puissance publique.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Préjudice - Caractère direct du préjudice - Absence.

Responsabilité de la puissance publique - Réparation - Modalités de la réparation - Solidarité.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : MEYER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-05-22;13nc01716 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award