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20/03/2014 | FRANCE | N°13NC00964

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 20 mars 2014, 13NC00964


Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2013, présentée pour M. E... D..., demeurant..., par Me A...'B... ;

M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102204 du 2 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Pont-Sainte-Marie à lui verser la somme globale de 50 000 euros, en réparation des préjudices subis à raison du harcèlement moral et de la discrimination syndicale dont il affirme être l'objet depuis 2005 ;

2°) de condamner la commune de Pont-Sainte-Mar

ie à lui verser les sommes de 5 000 euros, 10 000 euros et 35 000 euros en réparat...

Vu la requête, enregistrée le 22 mai 2013, présentée pour M. E... D..., demeurant..., par Me A...'B... ;

M. D... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102204 du 2 mai 2013 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Pont-Sainte-Marie à lui verser la somme globale de 50 000 euros, en réparation des préjudices subis à raison du harcèlement moral et de la discrimination syndicale dont il affirme être l'objet depuis 2005 ;

2°) de condamner la commune de Pont-Sainte-Marie à lui verser les sommes de 5 000 euros, 10 000 euros et 35 000 euros en réparation, respectivement, de son préjudice moral, de son préjudice professionnel et de son préjudice de santé ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Pont-Sainte-Marie une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- il est victime de harcèlement moral dès lors que le maire veut le contraindre à quitter la commune, qu'il a essuyé des injures de la part du maire, qu'il est confronté à des difficultés professionnelles répétées, que sa note chiffrée a baissé en 2005, qu'on lui reproche une faute commise en 2001, que son état de santé s'est dégradé, que son poste de travail n'a pas été adapté, qu'un contrôle de ses absences a été instauré par le maire, qu'il n'a pas fait un usage illicite de son téléphone professionnel, qu'il n'a jamais eu de comportement agressif et qu'il fait l'objet d'une procédure disciplinaire ;

- il fait l'objet d'une discrimination syndicale ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 août 2013, présenté pour la commune de Pont-Sainte-Marie, représentée par son maire, par MeC..., qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du requérant à lui verser 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune de Pont-Sainte-Marie fait valoir que :

- le requérant n'établit pas la réalité des agissements de harcèlement moral qu'il allègue ;

- il n'établit pas non plus que ces agissements auraient dégradé ses conditions de travail ;

- le comportement professionnel du requérant est répréhensible et justifie les poursuites disciplinaires engagées à son encontre ;

- le requérant n'a fait l'objet d'aucune discrimination pour des raisons tenant à son engagement syndical ;

- les préjudices allégués ne sont pas établis ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la lettre du 4 décembre 2013 par laquelle les parties ont été informées, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, il était envisagé d'appeler l'affaire à une audience au cours du premier trimestre 2014 et que l'instruction pourrait être close à compter du 15 janvier 2014 sans information préalable ;

Vu l'ordonnance en date du 21 janvier 2014 prononçant la clôture de l'instruction à cette même date ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires;

Vu la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 modifiée, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 février 2014 :

- le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller,

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

- et les observations de M.D... ;

1. Considérant que M.D..., adjoint technique principal de 1ère classe, exerce ses fonctions au sein des services techniques de la commune de Pont-Sainte-Marie ; que l'intéressé, estimant subir un harcèlement moral de la part de son employeur et faire l'objet d'une discrimination en raison de son activité syndicale, a saisi le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne d'une demande tendant à la condamnation de la commune de Pont-Sainte-Marie à l'indemniser de ses préjudices ; qu'il fait appel du jugement du 2 mai 2013 par lequel les premiers juges ont rejeté cette demande ;

Sur le harcèlement moral :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; 2° Le fait qu'il ait exercé un recours auprès d'un supérieur hiérarchique ou engagé une action en justice visant à faire cesser ces agissements ; 3° Ou bien le fait qu'il ait témoigné de tels agissements ou qu'il les ait relatés. (...) " ;

3. Considérant, d'une part, qu'il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement ; qu'il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

4. Considérant, d'autre part, que, pour apprécier si des agissements, dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral, revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral ;

5. Considérant, en premier lieu, que M. D...soutient que le maire de Pont-Sainte-Marie l'a injurié au cours d'une réunion des services techniques le 14 octobre 2010 ; que, toutefois, l'attestation, peu circonstanciée, produite à l'appui de ses allégations, établie par un collègue qui affirme avoir été présent à cette réunion, est contredite par une attestation du chef de service qui y assistait également, et par un courrier du 25 octobre 2010 dans lequel le maire dément expressément avoir insulté l'intéressé ; que, dans ces conditions, les faits allégués ne sauraient être regardés comme établis ;

6. Considérant, en deuxième lieu, que si M. D...fait valoir que sa note chiffrée a baissé de 15 à 14,5 en 2005 et n'a été rétablie à 15 qu'en 2010, il ne résulte pas de l'instruction que cette circonstance serait étrangère à la manière de servir de l'intéressé, eu égard aux appréciations littérales dont les notations sont assorties ; qu'en outre, la directrice générale des services ayant pris ses fonctions en octobre 2008, elle pouvait, dans la fiche de notation de l'année 2009, s'abstenir de donner son avis sur une éventuelle promotion de M. D...comme contrôleur de travaux ;

7. Considérant, en troisième lieu, que si le requérant soutient que son poste de travail n'a pas été adapté à son état de santé, il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du maire du 25 août 2010, que l'employeur a tenu compte des prescriptions du médecin du travail exemptant M. D... du port de charges lourdes et de travaux répétitifs ; qu'en tout état de cause, ce dernier, qui occupe un emploi polyvalent, n'allègue pas qu'il se serait trouvé dans l'obligation d'effectuer des tâches inadaptées à son état de santé ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ne ressort pas des nombreux documents médicaux produits par le requérant que la dégradation de son état de santé serait imputable à des agissements constitutifs de harcèlement moral, quand bien même l'un de ces documents fait référence à des " problèmes professionnels " ;

9. Considérant, en cinquième lieu, que M. D...soutient qu'une procédure disciplinaire a été engagée à son encontre, le 24 janvier 2011, après qu'il ait refusé de subir des agissements de harcèlement moral ; que, toutefois, il résulte de l'instruction, et notamment des nombreuses attestations produites par la commune en défense, que cette procédure a pour origine les propos injurieux que l'intéressé a tenus à l'égard de ses collègues le 6 janvier 2011 et, plus généralement, un comportement agressif à l'égard de ces derniers et de sa hiérarchie ; que les attestations produites par l'intéressé, établies par deux personnes extérieures à la commune, ne sont pas de nature à contredire les faits pris en compte par l'autorité hiérarchique pour justifier ces poursuites disciplinaires, l'intéressé ne contestant pas sérieusement la réalité de ces faits dans ses courriers échangés avec la commune ;

10. Considérant, en sixième lieu, que M. D...reproche encore à la commune un ensemble de " difficultés professionnelles ", révélatrices, selon lui, d'un harcèlement moral ; que toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les accusations proférées à son encontre par l'un de ses collègues présenteraient un lien avec les agissements que l'intéressé impute à sa hiérarchie ; qu'il ne résulte pas non plus de l'instruction que le maire aurait excédé les limites de son pouvoir hiérarchique en adressant au requérant, à plusieurs reprises, des reproches sur sa manière de servir, en ordonnant quatre contre-visites médicales en 2011, alors que l'intéressé était en congé de maladie depuis le 6 janvier de la même année, en lui demandant de restituer son téléphone portable professionnel, eu égard à cette situation de congé, et en refusant à M. D...le report de ses jours de congés en 2010 ;

11. Considérant, en dernier lieu, que si M. D...produit à l'instance une attestation de l'ancienne directrice générale des services, selon laquelle le maire aurait exprimé sa volonté de le contraindre à quitter la commune, cette dernière conteste expressément cette allégation, et il n'est pas établi que le maire aurait cherché à obtenir ce départ ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des agissements reprochés au maire de Pont-Sainte-Marie n'est constitutif de harcèlement moral et, par suite, n'est de nature à engager la responsabilité pour faute de la commune ;

Sur la discrimination pour raison syndicale :

13. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : " (...) Aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leurs opinions (...) syndicales (...) " ; qu'aux termes de l'article 8 de la même loi : " Le droit syndical est garanti aux fonctionnaires. Les intéressés peuvent librement créer des organisations syndicales, y adhérer et y exercer des mandats (...) " ;

14. Considérant que M. D...n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il ferait l'objet de discriminations en raison de son engagement syndical depuis 2005 ; que s'il produit une attestation d'un ancien adjoint, prêtant au maire l'intention de mettre le requérant à la disposition du centre de gestion pour faire obstacle à la création d'une section syndicale, il ne résulte pas de l'instruction que l'intéressé aurait fait l'objet de mesures destinées à obtenir son départ ; que, dans ces conditions, M. D...n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de la commune de Pont-Sainte-Marie pour discrimination à raison de son engagement syndical ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de M. D...une somme de 1 000 euros à verser à la commune de Pont-Sainte-Marie sur le fondement des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : M. D...versera une somme de 1 000 (mille) euros à la commune de Pont-Sainte-Marie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D...et à la commune de Pont-Sainte-Marie.

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N° 13NC00964


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00964
Date de la décision : 20/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité régie par des textes spéciaux.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : DELL'ASINO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-03-20;13nc00964 ?
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