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18/02/2014 | FRANCE | N°13NC01097

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 18 février 2014, 13NC01097


Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par MeB... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301273 du 21 mars 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2013 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire, a fixé le pays de renvoi et l'a placé en rétention ;

2°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de

l'Union européenne dans l'affaire Mukarugeba contre France ;

3°) d'annuler pour excès...

Vu la requête, enregistrée le 18 juin 2013, présentée pour M. C... A..., demeurant..., par MeB... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301273 du 21 mars 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 mars 2013 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a fait obligation de quitter le territoire, a fixé le pays de renvoi et l'a placé en rétention ;

2°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision de la Cour de justice de l'Union européenne dans l'affaire Mukarugeba contre France ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté contesté ;

4°) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la date de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le temps de ce réexamen ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le requérant soutient que :

- le jugement du tribunal administratif de Strasbourg est entaché d'une contradiction de motifs et d'une erreur de droit ;

- l'obligation de quitter le territoire est entachée d'erreur de droit, dès lors qu'il aurait du faire l'objet d'une mesure de remise aux autorités italiennes ; l'obligation de quitter le territoire a été prise en violation du principe général du droit de l'Union européenne tel que formulé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne relatif au principe du contradictoire ; il doit être sursis à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne saisie d'une question préjudicielle sur l'application du principe du contradictoire du droit de l'Union européenne par le tribunal administratif de Melun ; son droit d'être entendu préalablement à l'obligation de quitter le territoire a été méconnu ;

- la décision fixant le pays de renvoi est fondée sur une obligation de quitter le territoire illégale ;

Vu l'arrêté et le jugement attaqués ;

Vu la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle en date du 28 mai 2013 admettant M. A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2013, présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut au non lieu à statuer ;

Le préfet soutient que M. A...a été reconduit en Tunisie le 25 avril 2013 ;

Vu la lettre du 6 janvier 2014 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 6 février 2014 et que l'instruction pourrait être close à partir du 16 janvier 2014 sans information préalable ;

Vu l'avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 21 janvier 2014 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que l'obligation de quitter le territoire prise à l'encontre de M. A...par le préfet du Haut-Rhin le 17 mars 2013 a été exécutée le 25 avril 2013 n'a pas pour effet de faire perdre leur objet aux conclusions tendant à l'annulation de cette mesure d'éloignement ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient le préfet, il y a lieu de statuer sur la requête de M. A...tendant à l'annulation du jugement en date du 21 mars 2013 rejetant ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire sans délai et la décision fixant le pays de renvoi prises à son encontre ;

2. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...). " ; qu'aux termes de l'article L. 511-2 : " Le 1° du I et le a du 3° du II de l'article L. 511-1 sont applicables à l'étranger qui n'est pas ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne : 1° S'il ne remplit pas les conditions d'entrée prévues à l'article 5 du règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) ; 2° Si, en provenance directe du territoire d'un Etat partie à la convention précitée signée à Schengen le 19 juin 1990, il ne peut justifier être entré sur le territoire métropolitain en se conformant aux stipulations de ses articles 19, paragraphe 1 ou 2, 20, paragraphe 1, et 21, paragraphe 1 ou 2, de cette même convention. " ; qu'aux termes de l'article L. 531-1 du même code : " Par dérogation aux articles L. 213-2 et L. 213-3, L. 511-1 à L. 511-3, L. 512-1, L. 512-3, L. 512-4, L. 513-1 et L. 531-3, l'étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne qui a pénétré ou séjourné en France sans se conformer aux dispositions des articles L. 211-1, L. 211-2, L. 311-1 et L. 311-2 peut être remis aux autorités compétentes de l'Etat membre qui l'a admis à entrer ou à séjourner sur son territoire, ou dont il provient directement, en application des dispositions des conventions internationales conclues à cet effet avec les Etats membres de l'Union européenne. " ; qu'aux termes de l'article L. 531-2 du même code : " Les dispositions de l'article L. 531-1 sont applicables, sous la réserve mentionnée à l'avant-dernier alinéa de l'article L. 741-4, à l'étranger qui demande l'asile, lorsqu'en application des dispositions des conventions internationales conclues avec les Etats membres de l'Union européenne l'examen de cette demande relève de la responsabilité de l'un de ces Etats. Les mêmes dispositions sont également applicables à l'étranger qui, en provenance du territoire d'un Etat partie à la convention signée à Schengen le 19 juin 1990, est entré ou a séjourné sur le territoire métropolitain sans se conformer aux dispositions des articles 19, paragraphe 1 ou 2,20, paragraphe 1, ou 21, paragraphe 1 ou 2, de cette convention ou sans souscrire, au moment de l'entrée sur ce territoire, la déclaration obligatoire prévue par l'article 22 de la même convention, alors qu'il était astreint à cette formalité. Il en est de même de l'étranger détenteur d'un titre de résident de longue durée-CE en cours de validité accordé par un autre Etat membre qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement du territoire français. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent alinéa. Il en est également de même de l'étranger détenteur d'une carte de séjour temporaire portant la mention " carte bleue européenne " en cours de validité accordée par un autre Etat membre de l'Union européenne lorsque lui est refusée la délivrance de la carte de séjour temporaire prévue au 6° de l'article L. 313-10 ou bien lorsque la carte de séjour temporaire portant la mention " carte bleue européenne " dont il bénéficie expire ou lui est retirée durant l'examen de sa demande, ainsi que des membres de sa famille. Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent alinéa. " ;

3. Considérant qu'il ressort de ces dispositions que le champ d'application des mesures obligeant un étranger à quitter le territoire français et celui des mesures de remise d'un étranger à un autre Etat ne sont pas exclusifs l'un de l'autre et que le législateur n'a pas donné à l'une de ces procédures un caractère prioritaire par rapport à l'autre ; qu'il s'ensuit que, lorsque l'autorité administrative envisage une mesure d'éloignement à l'encontre d'un étranger dont la situation entre dans le champ d'application de l'article L. 531-1 ou des deuxième à quatrième alinéas de l'article L. 531-2, elle peut légalement soit le remettre aux autorités compétentes de l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, sur le fondement des articles L. 531-1 et suivants, soit l'obliger à quitter le territoire français sur le fondement de l'article L. 511-1 ; que ces dispositions ne font pas non plus obstacle à ce que l'administration engage l'une de ces procédures alors qu'elle avait préalablement engagé l'autre ; que, toutefois, si l'étranger demande à être éloigné vers l'Etat membre de l'Union Européenne ou partie à la convention d'application de l'accord de Schengen d'où il provient, ou s'il est résident de longue durée dans un Etat membre ou titulaire d'une " carte bleue européenne " délivrée par un tel Etat, il appartient au préfet d'examiner s'il y a lieu de reconduire en priorité l'étranger vers cet Etat ou de le réadmettre dans cet Etat ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...n'a engagé aucune démarche de régularisation en Italie, où il n'a pas de droit au séjour et où il n'a présenté aucune demande d'asile ; que, dans ces conditions, l'intéressé, au demeurant remis aux autorités françaises par les autorités allemandes, n'est pas fondé à soutenir que le préfet du Haut-Rhin, qui a préalablement consulté les autorités italiennes sur sa situation dans ce pays, aurait commis une erreur de droit en prenant à son encontre une obligation de quitter le territoire au lieu d'une décision de remise prévue par les dispositions précitées des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'il fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents, qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

6. Considérant que durant son placement en rétention et préalablement à la mesure d'éloignement prise à son encontre le 17 mars 2013, M. A...a fait l'objet de plusieurs auditions par les services de police ; que M. A...se borne à soutenir que son droit d'être entendu a été méconnu, sans autre précision, sans faire valoir qu'il disposait d'informations pertinentes tenant à sa situation personnelle qu'il aurait été empêché de porter à la connaissance de l'administration et qui, si elles avaient pu être communiquées avant la décision, auraient été de nature à influer sur son contenu ; que, par suite, le moyen tiré par M. A...de la méconnaissance de son droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union européenne doit être écarté ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'exception d'illégalité entachant l'obligation de quitter le territoire et dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi doit être écarté ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a, par le jugement attaqué du 23 avril 2013, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Haut-Rhin en date du 11 janvier 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de M. A... n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, une autorisation provisoire de séjour, ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l 'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

11. Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. A...une somme en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet du Haut-Rhin.

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13NC01097


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01097
Date de la décision : 18/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : SCP ROTH-PIGNON LEPAROUX ROSENSTIEHL ET ANDREINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-02-18;13nc01097 ?
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