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18/02/2014 | FRANCE | N°13NC00895

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 18 février 2014, 13NC00895


Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me C... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300272 du 23 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2013 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe

-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale, ou...

Vu la requête, enregistrée le 15 mai 2013, présentée pour M. A... B..., demeurant..., par Me C... ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300272 du 23 avril 2013 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 janvier 2013 par lequel le préfet de Meurthe-et-Moselle lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire et a fixé le pays de renvoi ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté contesté ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour portant la mention vie privée et familiale, ou à défaut de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le requérant soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé et est entaché de vices de procédure ;

- l'obligation de quitter le territoire a été prise en violation du principe du contradictoire reconnu par le droit de l'Union européenne ;

- l'erreur commise quant à sa nationalité entache le refus de titre de séjour d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, dès lors que le préfet n'a pas pu vérifier si son état de santé pouvait être pris en charge dans son pays d'origine ;

Vu l'arrêté et le jugement attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 12 novembre 2013, présenté par le préfet de Meurthe-et-Moselle, qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet soutient que :

- il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour ;

- le principe du contradictoire reconnu par le droit de l'Union européenne n'a pas été méconnu ;

Vu la lettre du 6 janvier 2014 par laquelle les parties ont été informées qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience du 6 février 2014 et que l'instruction pourrait être close à partir du 16 janvier 2014 sans information préalable ;

Vu l'avis d'audience portant clôture de l'instruction immédiate pris le 21 janvier 2014 en application de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2014 :

- le rapport de Mme Guidi, premier conseiller ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Considérant, en premier lieu, que la décision de refus de séjour opposée à M. B... comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision contestée doit, par suite, être écarté ;

2. Considérant, en deuxième lieu, que si l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile impose au préfet de consulter la commission du titre de séjour lorsqu'il envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour à un étranger relevant de l'une des catégories mentionnées à l'article L. 313-11 du même code, il ne ressort pas des pièces du dossier que la situation de M. B... relève de l'une de ces catégories ; que le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour qui lui a été opposée serait irrégulière faute d'avoir été précédée de la consultation de la commission du titre de séjour doit par conséquent être écarté ;

3. Considérant, en troisième lieu, que lorsqu'il est fait obligation à un étranger de quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit interne de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, qui incluent le droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne à être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que selon la jurisprudence de la Cour de justice de 1'Union européenne, ce droit se définit comme le droit de toute personne à faire connaître, de manière utile et effective, ses observations écrites ou orales au cours d'une procédure administrative, avant l'adoption de toute décision susceptible de lui faire grief ; que ce droit n'implique pas systématiquement l'obligation, pour l'administration, d'organiser, de sa propre initiative, un entretien avec l'intéressé, ni même d'inviter ce dernier à produire ses observations, mais suppose seulement que, informé de ce qu'une décision lui faisant grief est susceptible d'être prise à son encontre, il soit en mesure de présenter spontanément des observations écrites ou de solliciter un entretien pour faire valoir ses observations orales ;

4. Considérant que, lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, du fait même de l'accomplissement de cette démarche, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à cette occasion, il est appelé à préciser les motifs qui, selon lui, sont susceptibles de justifier que lui soit accordé un droit au séjour en France et qui feraient donc obstacle à ce qu'il soit tenu de quitter le territoire français, ainsi qu'à fournir tous les éléments venant à l'appui de sa demande ; qu'il doit en principe se présenter personnellement aux services de la préfecture et qu'il lui est donc possible d'apporter toutes les précisions qu'il juge utiles à l'agent chargé d'enregistrer sa demande, voire de s'informer des conséquences d'un éventuel refus opposé à sa demande ; qu'ainsi, la seule circonstance que le préfet qui refuse la délivrance ou le renouvellement du titre sollicité par l'étranger en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français n'a pas, préalablement à l'édiction de cette mesure d'éloignement, et de sa propre initiative, expressément informé l'intéressé qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français, en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à faire regarder l'étranger comme ayant été privé de son droit à être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

5. Considérant que M. B...fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet qu'il était susceptible de faire l'objet d'une mesure d'éloignement, ni mis en mesure de présenter ses observations sur l'éventualité d'une telle décision avant qu'il ne lui soit fait obligation, le 11 janvier 2013, de quitter le territoire français ; que toutefois cette mesure fait suite au rejet, par une décision du même jour, de sa demande de titre de séjour ; qu'il résulte de ce qui a été dit précédemment que dans un tel cas aucune obligation d'information préalable ne pesait sur le préfet ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B...ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux, ni qu'il ait été empêché de présenter ses observations avant que ne soit prise la décision litigieuse ; que, dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir qu'il a été privé du droit d'être entendu qu'il tient du principe général du droit de l'Union ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le présent code régit l'entrée et le séjour des étrangers en France métropolitaine (...) Ses dispositions s'appliquent sous réserve des conventions internationales " ;

7. Considérant que si l'arrêté attaqué vise la convention signée à Brazzaville le 31 juillet 1993 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Congo relative à la circulation et au séjour des personnes alors que M. B...est ressortissant de la République Démocratique du Congo, cette erreur de plume dans la rédaction des visas de la décision attaquée est cependant sans incidence sur sa légalité dès lors qu'il ressort de ses termes mêmes que le préfet a pris en considération la nationalité réelle de l'intéressé pour fonder sa décision ; que, par suite, M. B...n'est pas fondé à soutenir que l'arrêté du 11 janvier 2013 est entaché d'erreur de droit ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. Par dérogation, à Paris, ce médecin est désigné par le préfet de police. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé. Quand la commission médicale régionale a été saisie dans les conditions prévues à l'article R. 313-26, l'avis mentionne cette saisine. / Le préfet peut, après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, prendre en considération une circonstance humanitaire exceptionnelle pour délivrer la carte de séjour temporaire même s'il existe un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. / L'étranger mentionné au 11° de l'article L. 313-11 qui ne remplirait pas la condition de résidence habituelle peut recevoir une autorisation provisoire de séjour renouvelable pendant la durée du traitement. " ; que l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé, pris pour l'application de ces dispositions, impose au médecin de l'agence régionale de santé d'émettre un avis précisant si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale, si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale et quelle est la durée prévisible du traitement ; qu'il appartient ainsi au médecin de l'agence régionale de santé, tout en respectant le secret médical, de donner au préfet les éléments relatifs à la gravité de la pathologie présentée par l'étranger intéressé et à la nature des traitements qu'il doit suivre, nécessaires pour éclairer sa décision ;

9. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin mentionné à l'article R. 313-22 précité, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que, lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ;

10. Considérant que le médecin de l'Agence régionale de santé de Lorraine a estimé, par avis en date du 28 août 2012, que l'état de santé de M. B...nécessitait une prise en charge médicale, dont le défaut ne devrait toutefois pas entraîner de conséquences d'une exceptionnelle gravité ; qu'ainsi, en tout état de cause, à supposer même que M. B...ne soit pas en mesure de financer les traitements requis par son état de santé et que le préfet ait commis une erreur en examinant l'offre de soins en République du Congo et non en République démocratique du Congo, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation entachant la décision de refus de titre de séjour et de la méconnaissance des dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne peut qu'être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Nancy a, par le jugement attaqué du 23 avril 2013, rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Meurthe-et-Moselle en date du 11 janvier 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation de M.B..., n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, ses conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de Meurthe-et-Moselle de lui délivrer un titre de séjour ou, subsidiairement, une autorisation provisoire de séjour, ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l 'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

14. Considérant que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de M. B...une somme en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de Meurthe-et-Moselle.

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13NC00895


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00895
Date de la décision : 18/02/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Laurie GUIDI
Rapporteur public ?: M. GOUJON-FISCHER
Avocat(s) : MAGBONDO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-02-18;13nc00895 ?
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