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09/01/2014 | FRANCE | N°12NC01908

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 09 janvier 2014, 12NC01908


Vu I°), sous le numéro 12NC01908, la requête, enregistrée le 26 novembre 2012, présentée pour le département du Territoire de Belfort, représenté par son président, dont le siège est situé Hôtel du département, place de la Révolution, à Belfort (90020), par Me A...;

Le département du Territoire de Belfort demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300490 du 25 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser à la compagnie AGF la somme de 2 162 842 euros et à la société Alstom Magnets and Super Conductors la s

omme de 380 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'inondation des l...

Vu I°), sous le numéro 12NC01908, la requête, enregistrée le 26 novembre 2012, présentée pour le département du Territoire de Belfort, représenté par son président, dont le siège est situé Hôtel du département, place de la Révolution, à Belfort (90020), par Me A...;

Le département du Territoire de Belfort demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300490 du 25 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser à la compagnie AGF la somme de 2 162 842 euros et à la société Alstom Magnets and Super Conductors la somme de 380 000 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'inondation des locaux de la société Zvereff ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la compagnie AGF et par la société Alstom Magnets and Super Conductors ;

3°) de mettre à la charge de la compagnie AGF et de la société Alstom Magnets and Super Conductors la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- la responsabilité du département du Territoire de Belfort ne saurait être retenue alors qu'à la date de la survenance du dommage, la réception des travaux n'avait pas eu lieu et qu'il n'avait pas la garde des ouvrages publics ;

- la société Alstom Magnets and Super Conductors ne saurait se voir reconnaître la qualité de tiers à l'ouvrage public, dès lors qu'elle était seulement liée, par un contrat de sous-traitance, à la société Zvereff dont les installations ont été inondées suite à la rupture de trois bassins d'écrêtement ;

- le lien de causalité entre la rupture de ces bassins et la perte d'exploitation de la société Alstom Magnets and Super Conductors n'est qu'indirect ;

- cette société a pris un risque en confiant une activité de sous-traitance à une société unique qui avait déjà eu à subir des inondations ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 février 2013, présenté pour la société Allianz Global Corporate and Specialty (AGCS), venant au droits de la compagnie AGF IART, et pour la société Alstom Power Systems (APS), venant aux droits de la société Alstom Magnets and Super Conductors, par MeB..., qui concluent :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au département du Territoire de Belfort d'exécuter l'arrêt à intervenir dans les meilleurs délais, sous astreinte ;

- à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge du département du Territoire de Belfort au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Les sociétés soutiennent que :

- la qualité de tiers à l'ouvrage public ne peut être contestée ;

- la société APS a dû cesser la fabrication de fils supraconducteurs du fait de l'inondation des locaux de la société Zvereff qui était son unique fournisseur ;

- le préjudice qu'elle subit est ainsi en lien direct avec la rupture des bassins d'écrêtement, ouvrage public appartenant au département, dont la responsabilité est dès lors engagée ;

- les pertes d'exploitation en lien avec le sinistre sont justifiées ;

- elle n'a commis aucune faute en ayant recours à un fournisseur unique ;

- l'absence de réception des travaux est sans incidence sur la responsabilité du département ;

- elle a subi un préjudice anormal et spécial du fait de l'arrêt total de sa production après l'inondation de la société Zvereff ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 15 octobre 2013, présenté pour le département du Territoire de Belfort qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que la rupture des relations contractuelles entre les deux sociétés a été causée par le fait que la société Zvereff n'a jamais été titulaire de l'autorisation préfectorale nécessaire pour réaliser les travaux de décapage ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2013, présenté pour la société Allianz Global Corporate and Specialty (AGCS), venant aux droits de la compagnie AGF IART, et pour la société Alstom Power Systems (APS), venant aux droits de la société Alstom Magnets and Super Conductors, par MeB..., qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures, par les mêmes moyens ;

Elles soutiennent, en outre, que :

- le département n'établit pas que la fin des relations contractuelles serait liée à l'absence d'autorisation de la société Zvereff pour réaliser les opérations de décapage en cause ;

- il ne lui appartenait pas de vérifier que sa sous-traitante exerçait son activité conformément à la règlementation en vigueur ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2013, présenté pour le département du Territoire de Belfort qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;

Vu, II°) sous le n° 12NC01918, la requête enregistrée 27 novembre 2012, présentée pour le département du Territoire de Belfort, représenté par son président, dont le siège est situé Hôtel du département, place de la Révolution, à Belfort (90020), par MeA... ;

Le département du Territoire de Belfort demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 0300490 du 25 septembre 2012 ;

2°) de mettre à la charge des défendeurs une somme de 2 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'exécution du jugement contesté risque d'entraîner des conséquences financières graves pour le département du Territoire de Belfort ;

- sa responsabilité ne saurait être retenue, dès lors qu'à la date de survenance du dommage, il n'avait pas la garde des ouvrages, faute d'avoir réceptionné les travaux de réalisation de ces derniers ;

- la société APS ne saurait être qualifiée de tiers à l'ouvrage public, dès lors qu'elle n'est pas une victime directe et immédiate de dommages causés par ce dernier ;

- elle ne justifie pas d'un préjudice qui serait la conséquence directe de la rupture des trois bassins d'écrêtement ;

- la société APS n'aurait pas dû confier une activité de sous-traitance à une société unique qui avait déjà eu à subir des inondations ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 février 2013, présenté pour la société AGCS et pour la société APS, par MeB..., qui concluent au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé et à ce qu'il soit enjoint au département du Territoire de Belfort d'exécuter l'arrêt à intervenir dans les meilleurs délais, sous astreinte ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 15 octobre 2013, présenté pour le département du Territoire de Belfort qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

Il soutient, en outre, que la rupture des relations contractuelles entre les deux sociétés a été causée par le fait que la société Zvereff n'a jamais été titulaire de l'autorisation préfectorale nécessaire pour réaliser les travaux de décapage ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2013, présenté pour la société Allianz Global Corporate and Specialty (AGCS), venant aux droits de la compagnie AGF, et pour la société Alstom Power Systems (APS), venant aux droits de la société Alstom Magnets and Super Conductors, par MeB..., qui concluent aux mêmes fins que leurs précédentes écritures par les mêmes moyens ;

Elles soutiennent, en outre, que :

- le département n'établit pas que la fin des relations contractuelles serait liée à l'absence d'autorisation pour réaliser les opérations de décapage en cause ;

- il ne lui appartenait pas de vérifier que sa sous-traitante exerçait son activité conformément à la règlementation ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 novembre 2013, présenté pour le département du Territoire de Belfort qui conclut aux mêmes fins et par les mêmes moyens ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 décembre 2013 :

- le rapport de Mme Bonifacj, président ;

- les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

- et les observations de Me A...pour le département du Territoire de Belfort et de Me C... pour les sociétés Allianz Global Corporate and Specialty et Alstom Power Systems ;

1. Considérant que les requêtes susvisées n°12NC01908 et 12NC01918 tendent à l'annulation et au sursis à exécution d'un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la requête n°12NC01908 :

2. Considérant qu'il est constant que, le 30 décembre 2001, à la suite de fortes précipitations, les digues des trois bassins d'écrêtement dénommés D1, D2 et D3, en cours de construction sur la rivière la Rosemontoise, affluent de la Savoureuse, situés sur le territoire de la commune de Grosmagny, ont cédé, entraînant des inondations sur les communes d'Eloie et de Valdoie ; que, par le jugement attaqué en date du 25 septembre 2012, le Tribunal administratif de Besançon a condamné le département du Territoire de Belfort, maître d'ouvrage, à verser à la société Alstom Magnets and Super Conductors la somme de 380 000 euros et à la compagnie AGF, subrogée dans les droits de son assurée, la somme de 2 162 842 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'inondation des locaux du sous-traitant, la société Zvereff ;

3. Considérant, en premier lieu, que le département du Territoire de Belfort, maître d'ouvrage, est responsable vis-à-vis des tiers, même en l'absence de faute, des dommages causés à ceux-ci par l'exécution des travaux publics incriminés ; que la circonstance que la réception de ces travaux n'avait pas été prononcée à la date de ces dommages, et a fait l'objet, le 9 janvier 2002, d'une décision expresse de refus émanant du département, n'est pas de nature à faire obstacle à l'engagement de sa responsabilité ou de l'atténuer à l'égard des tiers dès lors que cet acte n'a des effets juridiques que dans les rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et l'entrepreneur, et est seulement susceptible de lui permettre d'appeler en garantie les différentes sociétés intervenues lors de la réalisation des travaux ; que, par suite, la demande d'indemnisation présentée par la société Alstom Magnets and Super Conductors et la compagnie AGF, subrogée dans les droits de son assurée, contre le département du Territoire de Belfort, ne peut être regardée comme étant infondée et mal dirigée ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction que la rupture des bassins d'écrêtement a entraîné l'inondation des locaux de la société Zvereff, sous-traitant unique de la société Alstom Magnets and Super Conductors pour le décapage des composants entrant dans la fabrication des fils supraconducteurs ; qu'en raison de l'arrêt d'activité de son sous-traitant, la société Alstom Magnets and Super Conductors s'est trouvée dans l'impossibilité de fournir ses clients durant sept mois ; que la circonstance que la société Zvereff n'aurait pas été titulaire de toutes les autorisations administratives nécessaires pour réaliser les opérations de décapage qui lui était confiées est, en l'espèce, sans lien avec la cessation de son activité et n'est, par ailleurs, pas opposable à la société Alstom Magnets and Super Conductors ; qu'ainsi, la perte d'exploitation subie à ce titre par la société Alstom Magnets and Super Conductors, qui a la qualité de tiers à l'ouvrage public, doit être regardée comme étant directement imputable à la rupture de l'ouvrage public en cause ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si le département du Territoire de Belfort fait valoir que cette société n'aurait pas dû confier une activité de sous-traitance à une société unique qui avait déjà eu à subir des inondations, cette circonstance ne peut être regardée comme de nature à exonérer le département de sa responsabilité ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le département du Territoire de Belfort n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement contesté du 25 septembre 2012, le Tribunal administratif de Besançon a reconnu sa responsabilité et l'a condamné à verser à la société Alstom Magnets and Super Conductors et à la compagnie AGF, subrogée dans les droits de son assurée, les sommes non contestées respectivement de 380 000 euros et 2 162 842 euros ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-9 du code de justice administrative : " Lorsqu'une décision juridictionnelle passée en force de chose jugée a condamné une collectivité locale ou un établissement public au paiement d'une somme d'argent dont le montant est fixé par la décision elle-même, cette somme doit être mandatée ou ordonnancée dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision de justice. A défaut de mandatement ou d'ordonnancement dans ce délai, le représentant de l'Etat dans le département ou l'autorité de tutelle procède au mandatement d'office (...) " ; que, dès lors que la disposition législative précitée permet aux sociétés Allianz Global Corporate and Specialty et Alstom Power Systems, en cas d'inexécution du présent arrêt dans le délai prescrit, d'obtenir le mandatement d'office de la somme que le département du Territoire de Belfort est condamné à leur verser par ce même arrêt, il n'y a pas lieu de faire droit à leurs conclusions aux fins d'injonction ;

Sur la requête n° 12NC01918 à fin de sursis à exécution :

8. Considérant que le présent arrêt statue sur l'appel formé par le département du Territoire de Belfort ; que, par suite, ses conclusions aux fins de sursis à exécution sont devenues sans objet ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des sociétés Allianz Global Corporate and Specialty et Alstom Power Systems, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que demande le département du Territoire de Belfort au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du département du Territoire de Belfort une somme de 1 500 euros à verser à la société Allianz Global Corporate and Specialty et à la société Alstom Power Systems au titre des frais exposés par chacune de ces sociétés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 12NC01918 du département du Territoire de Belfort.

Article 2 : La requête n° 12NC01908 présentée par le département du Territoire de Belfort est rejetée.

Article 3 : Les conclusions aux fins d'injonction présentées par les sociétés Allianz Global Corporate and Specialty (AGCS) et Alstom Power Systems (APS) sont rejetées.

Article 4 : Le département du Territoire de Belfort versera aux sociétés Allianz Global Corporate and Specialty et Alstom Power Systems la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros à chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au département du Territoire de Belfort et aux sociétés Allianz Global Corporate and Specialty et Alstom Power Systems.

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N° 12NC01908, 12NC01918


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01908
Date de la décision : 09/01/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Travaux publics - Notion de travail public et d'ouvrage public - Ouvrage public - Ouvrage présentant ce caractère.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Régime de la responsabilité - Qualité de tiers.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Lien de causalité.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Causes d'exonération - Faute de la victime - Absence de faute.

Travaux publics - Règles communes à l'ensemble des dommages de travaux publics - Personnes responsables.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics.

Travaux publics - Différentes catégories de dommages - Dommages causés par l'existence ou le fonctionnement d'ouvrages publics - Conception et aménagement de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Julienne BONIFACJ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : BRUNO KERN AVOCATS SELAS ; BRUNO KERN AVOCATS SELAS ; BRUNO KERN AVOCATS SELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-01-09;12nc01908 ?
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