La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/12/2013 | FRANCE | N°13NC00172

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 05 décembre 2013, 13NC00172


Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2013, présentée pour M. A... C..., domicilié..., par Me B... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102494 du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2011 par lequel le préfet de Moselle lui refusé le séjour et l'a invité à se rendre en Belgique dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 novembre 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de

réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre ...

Vu la requête, enregistrée le 28 janvier 2013, présentée pour M. A... C..., domicilié..., par Me B... ;

M. C... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1102494 du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2011 par lequel le préfet de Moselle lui refusé le séjour et l'a invité à se rendre en Belgique dans le délai d'un mois ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 24 novembre 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Meurthe-et-Moselle de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique ;

M. C... soutient que :

- les articles L. 531-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne prévoyant pas un recours suspensif, sont contraires aux articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet ne pouvait, sans méconnaitre le droit d'asile, consulter la base EURODAC pour accéder à ses empreintes digitales ;

- le préfet ne l'a pas informé sur la procédure suivie, sur ses délais, en particulier au regard du " e " du " 1 " de l'article 20 du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 dans une langue qu'il comprend ;

- la décision contestée n'a pas été traduite et il n'a pas eu accès au service d'un interprète ;

- le préfet ne l'a pas invité à présenter ses observations ;

- le préfet, en l'absence de fuite du demandeur, ne pouvait porter à 18 mois le délai prévu à l'article 20 du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 1er juillet 2013, présenté pour M. C...par Me Jeannot, avocat, qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et ajoute que :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- il n'y est, en particulier, pas précisé pourquoi la Belgique a été retenue comme pays devant traiter sa demande ;

- le préfet devait également viser les articles 4.5 et 16, 1°, c, d ou e du règlement Dublin II ;

- la décision ne précise pas non plus à quelle date M. C...aurait déposé une demande d'asile en Belgique ;

- le préfet se devait de préciser les raisons ayant abouti à la mise en oeuvre de la procédure de reprise en charge ;

- le préfet s'est abstenu de faire usage des pouvoirs qu'il tient de l'article 15 du règlement CE n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 lui permettant d'examiner sa demande pour des raisons humanitaires ;

- à défaut de cet examen, le préfet a entaché sa décision d'une erreur de droit ;

- le préfet n'a pas fait usage de son pouvoir de régularisation exceptionnelle ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il risque d'être reconduit en Arménie sans que sa demande d'asile ait été examinée, s'il est remis à disposition des autorités belges ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 28 mai 2013, admettant M. C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 novembre 2013 :

- le rapport de M. Nizet, premier conseiller ;

- et les observations de Me Jeannot pour M.C... ;

1. Considérant qu'il est constant que M.C..., de nationalité arménienne, est entré irrégulièrement en France le 9 octobre 2011 et y a sollicité l'asile ; que l'examen de ses empreintes digitales ayant révélé qu'il avait présenté une première demande d'asile en Belgique, le 14 décembre 2009, le préfet de Moselle a adressé aux autorités belges une demande de reprise en charge, laquelle a été acceptée le 18 novembre 2011 ; que M. C...fait appel du jugement du 18 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Moselle du 24 novembre 2011 refusant son admission au séjour ;

2. Considérant, en premier lieu, que les données qui figurent dans l'unité centrale du système européen " Eurodac ", telles qu'elles sont fournies par chaque Etat-membre, ne sont pas accessibles aux autres Etats, en application du 1 de l'article 15 du règlement du 11 décembre 2000 relatif à la création de ce système à l'exception des comparaisons, autorisées par l'article 4 du même règlement, de données dactyloscopiques recueillies, selon ses règles propres, par chaque Etat, avec celles envoyées par les autres Etats-membres ; que la comparaison ainsi réalisée, et prévue par l'article 10 du règlement communautaire du 18 février 2003, dont elle permet la mise en oeuvre, n'est de nature à révéler aucune information relative au demandeur d'asile, mais permet exclusivement de déterminer si la personne dont les autorités françaises ont recueilli les empreintes digitales a déjà présenté une demande d'asile dans un autre Etat-membre ; que l'accès aux données du système n'est pas autorisé aux préfets, mais exclusivement à une instance spécialisée de la direction centrale de la police aux frontières, désignée comme autorité compétente par les autorités françaises en application du 2 de l'article 15 du règlement du 11 décembre 2000, interlocutrice unique du dispositif auprès de laquelle les préfectures peuvent avoir l'indication que les empreintes digitales qu'elles ont recueillies l'ont été également dans un autre Etat-membre ; que, par suite, cette procédure qui, compte tenu de l'applicabilité directe des règlements communautaires en droit interne, n'avait pas à être complétée par un texte pris en application de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, ne méconnaît aucune règle de confidentialité nécessaire à l'exercice du droit d'asile ; que le préfet a pu, dès lors, sans porter atteinte à cette règle, recourir aux services de l'instance spécialisée de l'administration centrale afin qu'il soit procédé aux consultations de l'unité centrale du système " Eurodac " et faire usage des données que la consultation du système a fait connaître ; que le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu le droit d'asile en consultant la base " Eurodac " pour accéder aux empreintes du requérant doit par suite être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'en application de l'article 16 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 applicable à M.C..., l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile en vertu dudit règlement est tenu de reprendre en charge, dans les conditions de l'article 20, le demandeur d'asile dont la demande est en cours d'examen et qui se trouve sans autorisation sur le territoire d'un autre Etat membre ; que, selon l'article 20 du même règlement, la reprise en charge d'un demandeur d'asile se trouvant dans cette situation " 1. (...) s'effectue selon les modalités suivantes : (...) d) l'Etat membre qui accepte la reprise en charge est tenu de réadmettre le demandeur d'asile sur son territoire. Le transfert s 'effectue conformément au droit national de l'Etat membre requérant (...) dès qu'il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l'acceptation de la demande aux fins de reprise en charge par un autre Etat membre ou de la décision sur le recours ou la révision en cas d'effet suspensif ; e) l'Etat membre requérant notifie au demandeur d'asile la décision relative à sa reprise en charge par l'Etat membre responsable. Cette décision est motivée. Elle est assortie des indications de délai relatives à la mise en oeuvre du transfert (...) 2. Si le transfert n'est pas exécuté dans le délai de six mois, la responsabilité incombe à l'Etat membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite. Ce délai peut être porté à un an au maximum s'il n'a pas pu être procédé au transfert ou à l'examen de la demande en raison d'un emprisonnement du demandeur d'asile ou à dix-huit mois au maximum si le demandeur d'asile prend la fuite (...) " ; qu'aux termes de l'article 3 du même règlement : " (...) 4. Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets ( ...) " ; qu'aux termes de l'article 4 dudit règlement : " 1. Le processus de détermination de l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est engagé dès qu'une demande d'asile est introduite pour la première fois auprès d'un Etat membre. 2. Une demande d'asile est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur d'asile ... est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...) " ; que le préfet de Moselle a, par un courrier rédigé en arménien, du 26 octobre 2011, informé le requérant de l'engagement à son encontre de la procédure de réadmission vers la Belgique et des modalités d'application du règlement du 18 février 2003 susvisé ; que l'information qui a été ainsi donnée, dans une langue comprise par l'intéressé, était suffisante pour satisfaire aux exigences du paragraphe 4 de l'article 3 dudit règlement ; qu'il résulte également des dispositions précitées de l'article 20 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 que si une décision relative à la reprise en charge par l'Etat responsable doit comporter l'indication du délai dans lequel cette reprise en charge sera mise en oeuvre, lesdites dispositions n'imposent pas en revanche à l'Etat membre de mentionner la date et le lieu du transfert ; que les autorités belges ont, par la décision du 24 novembre 2011, accepté la reprise en charge de M. C...pendant une durée de validité de six mois ; qu'ainsi, la décision contestée satisfait à l'exigence d'information posée par les dispositions précitées de l'article 20 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ; que, par suite, M. C...n'est pas fondé à soutenir que le préfet ne l'aurait pas informé, dans une langue qu'il comprend, de la procédure suivie, et de ses délais, en particulier au regard des prescriptions " e " du " 1 " de l'article 20 du règlement (CE) n° 343/2003 ;

4. Considérant, en troisième lieu, que M. C...ne saurait utilement invoquer à l'encontre de l'arrêté attaqué portant refus de séjour les dispositions de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles la décision de remise à un Etat responsable de l'examen d'une demande d'asile " peut être exécutée d'office par l'administration après que l'étranger a été mis en mesure de présenter des observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ", qui n'imposent pas de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations avant l'adoption de la décision de remise mais uniquement avant son exécution d'office ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'en application des dispositions du e) de l'article 20 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 et des dispositions combinées des articles L. 531-1 et L. 531-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les décisions prononçant la remise d'un demandeur d'asile doivent être motivées ; qu'en l'espèce, la décision contestée du 24 novembre 2011 vise les dispositions des articles 3-2 et 19 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 du Conseil, ainsi que l'article L.741-4 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et indique que les vérifications administratives opérées ont fait apparaître que M. C...a déposé une demande d'admission au séjour en France au titre de l'asile alors qu'il avait déjà sollicité l'asile en Belgique, qu'une demande de reprise en charge de l'intéressé a été adressée aux autorités belges et acceptée le 18 novembre 2011 ; que, par suite, cette décision, qui a permis au requérant de connaître laquelle des procédures prévues par le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 lui a été appliquée, est suffisamment motivée en droit comme en fait, alors même qu'elle ne précise pas à quelle date M. C...aurait déposé une demande d'asile en Belgique ;

6. Considérant, en cinquième lieu, qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 531-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la mesure de réadmission prise à l'égard d'un demandeur d'asile en application du règlement du Conseil du 18 février 2003, qui a pour objet de faire prendre en charge l'intéressé par un autre Etat membre, ne peut être exécutée qu'après que l'intéressé a été en mesure de présenter ses observations et d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix ; que cette mesure, qui peut être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir, peut en outre faire l'objet d'une demande de suspension ordonnée par le juge des référés statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou de toute mesure ordonnée sur le fondement de l'article L 521-2 du même code ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que les articles L. 531-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ne prévoyant pas un recours suspensif, seraient contraires aux articles 3 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

7. Considérant, en sixième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que c'est par la décision du 26 janvier 2013, postérieure à celle en litige, que le préfet a porté le délai de reprise en charge du requérant par les autorités belges, de 6 à 18 mois ; que si M. C...soutient qu'en l'absence de fuite de sa part, cette décision serait contraire à l'article 20 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003, cette circonstance est cependant sans incidence sur la légalité de la décision en cause portant refus de séjour ;

8. Considérant, en septième lieu, que si le préfet n'indique pas les raisons pour lesquelles il n'a pas estimé opportun de faire bénéficier l'intéressé de la clause humanitaire prévue par les dispositions de l'article 15 du règlement(CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, ceci ne permet pas d'établir qu'il n'aurait pas procédé à un examen exhaustif de la situation personnelle et familiale de M.C..., lequel ne fait état d'aucune circonstance particulière ; que, par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit ou de fait en s'abstenant de faire usage des pouvoirs qu'il tient de ces stipulations doit être écarté ;

9. Considérant, enfin, que si M. C...soutient que la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il risque d'être reconduit en Arménie sans que sa demande d'asile ait été examinée, ce moyen doit être écarté dès lors que la décision attaquée n'est pas de nature à faire obstacle à l'examen de sa demande d'asile par les autorités belges ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles fondées sur les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 susvisée, doivent être rejetées ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Une copie sera adressée au préfet de la Moselle et au préfet de Meurthe-et-Moselle.

''

''

''

''

2

N° 13NC00172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00172
Date de la décision : 05/12/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Olivier NIZET
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : SELARL GUITTON et GROSSET BLANDIN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-12-05;13nc00172 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award