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28/11/2013 | FRANCE | N°12NC01485

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 28 novembre 2013, 12NC01485


Vu la requête, enregistrée le 28 août 2012, présentée pour la communauté de communes du Centre Haut Rhin, dont le siège est 6 place de l'église à Ensisheim (68190), par Me C... ;

La communauté de communes du Centre Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805639 du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de la société de production de Wintzenheim, annulé la décision du 20 octobre 2008 par laquelle son président a décidé de préempter les biens immobiliers sis section 48 n° 103/10, 183, 191/6, 193/11

, 195/185, 198/184 et 200/182 sur le territoire de la commune d'Ensisheim ;

2°) d...

Vu la requête, enregistrée le 28 août 2012, présentée pour la communauté de communes du Centre Haut Rhin, dont le siège est 6 place de l'église à Ensisheim (68190), par Me C... ;

La communauté de communes du Centre Haut-Rhin demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0805639 du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, à la demande de la société de production de Wintzenheim, annulé la décision du 20 octobre 2008 par laquelle son président a décidé de préempter les biens immobiliers sis section 48 n° 103/10, 183, 191/6, 193/11, 195/185, 198/184 et 200/182 sur le territoire de la commune d'Ensisheim ;

2°) de rejeter la demande de première instance présentée par la société de production de Wintzenheim ;

3°) de mettre à la charge de la société de production de Wintzenheim le versement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors, d'une part, qu'il a omis de viser les deux notes en délibéré qu'elle a produites et, d'autre part, que les premiers juges auraient dû, au vu des pièces jointes à ces notes, rouvrir l'instruction ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé qu'elle n'a pas justifié du respect des mesures de publicité prévues par l'article R. 211-1 du code de l'urbanisme, alors qu'au contraire les pièces produites en attestent ; en effet, la délibération du 10 mai 1989 a fait l'objet d'une double publication et d'un affichage en mairie ;

- elle a valablement exercé son droit de préemption qui était motivé par le projet de réalisation d'un hôtel d'entreprises ; elle justifiait d'un réel projet au jour de l'exercice de son droit de préemption ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 5 décembre 2012, présenté pour la société de production de Wintzenheim par MeB..., qui conclut au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le tribunal administratif a bien visé les deux notes en délibéré produites et que si une erreur matérielle a été produite dans l'attribution de l'un de ces notes, elle est sans conséquence sur la régularité du jugement ; que les articles de presse produits ne démontrent pas le respect des dispositions de l'article R 211-1 du code de l'urbanisme ; que l'arrêté du 20 octobre 2008 est entaché d'une insuffisance de motivation ; qu'à la date de la décision contestée la communauté de communes ne justifiait pas d'un projet réel et précis ;

Vu le mémoire en réplique, enregistré le 9 janvier 2013, présenté pour la communauté de communes du Centre Haut-Rhin qui conclut aux mêmes fins que la requête par les mêmes moyens et porte à 4 000 euros ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 novembre 2013 :

- le rapport de M. Pommier, président,

- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,

- et les observations de Me Walter, avocat de la communauté de communes Centre du Haut-Rhin, ainsi que celles de Me Baumann, avocat de la société de production de Wintzenheim ;

1. Considérant que, par une délibération du 7 octobre 2008, le conseil municipal d'Ensisheim, commune membre de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin, a délégué à cet établissement public de coopération intercommunale le droit de préemption urbain qu'il avait institué sur l'ensemble des zones urbaines et des zones d'urbanisation future de son territoire par une délibération du 10 mai 1989 ; que, par une décision du 20 octobre 2008, le président de la communauté de communes, qui y avait été autorisé par une délibération du conseil de communauté du 14 octobre précédent, a décidé de préempter les biens immobiliers sis section 48, n° 103/10, 183, 191/6, 193/11, 195/185, 198/184 et 200/182 appartenant à la société " MAM-E " ; que la société de production de Wintzenheim, acquéreur évincé, a formé un recours contentieux contre cette décision ; que la communauté de communes du Centre Haut-Rhin relève appel du jugement du 29 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision du 20 octobre 2008 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 211-2 du code de l'urbanisme : " La délibération par laquelle le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale compétent décide, en application de l'article L. 211-1, d'instituer ou de supprimer le droit de préemption urbain ou d'en modifier le champ d'application est affichée en mairie pendant un mois. Mention en est insérée dans deux journaux diffusés dans le département. Les effets juridiques attachés à la délibération mentionnée au premier alinéa ont pour point de départ l'exécution de l'ensemble des formalités de publicité mentionnées audit alinéa. Pour l'application du présent alinéa, la date à prendre en considération pour l'affichage en mairie est celle du premier jour où il est effectué " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la délibération du conseil municipal d'Ensisheim en date du 10 mai 1989 instituant le droit de préemption sur les zones urbaines et les zones d'urbanisation future délimitées par son plan d'occupation des sols, et sur le fondement de laquelle la décision litigieuse du 20 octobre 2008 a été prise, a fait l'objet d'un affichage en mairie le 10 mai 1989 ainsi qu'il résulte d'une mention manuscrite portée sur le procès-verbal de la séance et que l'agent municipal alors chargé de la dactylographie des procès-verbaux des délibérations du conseil municipal et de leur affichage a attesté être de sa main ; que mention de cette délibération a été publiée dans l'édition du 30 juin 1989 du journal " Les Dernières nouvelles d'Alsace " et dans l'édition du 1er juillet 1989 du Journal " L'Alsace ", ainsi qu'il résulte des pièces produites devant le juge d'appel ; que, par suite, la communauté de communes du Centre Haut-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a retenu que, faute pour cette dernière d'établir que cette délibération avait fait l'objet des mesures de publicité prévues par l'article R. 211-2 précité du code de l'urbanisme, la décision de préemption attaquée devait être regardée comme privée de base légale ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société de production de Wintzenheim devant le tribunal administratif de Strasbourg ;

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 213-21 du code de l'urbanisme : " Le titulaire du droit de préemption doit recueillir l'avis du service des domaines sur le prix de l'immeuble dont il envisage de faire l'acquisition dès lors que le prix ou l'estimation figurant dans la déclaration d'intention d'aliéner ou que le prix que le titulaire envisage de proposer excède le montant fixé par l'arrêté du ministre des finances prévu à l'article 3 du décret du 5 juin 1940 modifié (...) " ;

6. Considérant que, par lettre du 11 juin 2008, la communauté de communes du Centre Haut-Rhin qui envisageait de faire l'acquisition des terrains en litige par voie d'adjudication a consulté le service des domaines, lequel a émis le 9 juillet suivant son avis quant à la valeur vénale desdits terrains qu'il a estimée à 705 000 euros ; qu'ainsi, à la date à laquelle le conseil de communauté a décidé d'exercer son droit de préemption sur ces terrains, il disposait d'un avis récent du service des domaines et n'avait pas à solliciter un nouvel avis ; que le moyen tiré de ce que la décision attaquée est intervenue sans que l'avis du service des domaines ait été demandé doit donc être écarté comme manquant en fait ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 211-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque la commune fait partie d'un établissement public de coopération intercommunale y ayant vocation, elle peut, en accord avec cet établissement, lui déléguer tout ou partie des compétences qui lui sont attribuées par le présent chapitre. Toutefois, lorsqu'un établissement public de coopération intercommunale est compétent, de par la loi ou ses statuts, pour l'élaboration des documents d'urbanisme et la réalisation de zones d'aménagement concerté, cet établissement est compétent de plein droit en matière de droit de préemption urbain " ;

8. Considérant qu'il ressort de ses statuts approuvés par un arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 3 avril 2008 qu'au nombre des compétences qu'exerce en matière de développement économique la communauté de communes du Centre Haut-Rhin figurent l'aménagement et la gestion de la zone d'activité de la Passerelle ; qu'ainsi le maire d'Ensisheim, auquel le conseil municipal avait, par délibération du 31 mars 2008, donné délégation pour l'exercice des droits de préemption, a pu légalement transférer à la communauté de communes, par décision du 7 octobre 2008, le droit de préemption sur les terrains en litige, sis au sein du parc d'activité de la Passerelle, afin de permettre à cet établissement public de coopération intercommunale de " mettre en oeuvre l'accueil d'activités économiques et la réalisation d'un hôtel d'entreprises " ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les statuts de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin ne lui auraient pas expressément attribué compétence en matière de droit de préemption urbain doit être écarté ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L 210-1 du code de l'urbanisme dans sa rédaction alors en vigueur : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets (...) d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ;

10. Considérant, d'une part, que la décision du 20 octobre 2008 par laquelle le président de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin a décidé d'exercer le droit de préemption sur les terrains en cause vise les articles L. 210-1 à L. 213-18, R. 211-1 à R. 211-8 et R. 213-1 à R. 213-26 du code de l'urbanisme et indique que l'acquisition envisagée est destinée à favoriser l'accueil de nouvelles activités économiques par la réalisation d'un hôtel d'entreprises ; qu'ainsi cette décision est suffisamment motivée tant en fait qu'en droit ;

11. Considérant, d'autre part, qu'il résulte des pièces du dossier que la réalisation d'un hôtel d'entreprises sur le territoire de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin, dans le cadre d'un appel à projets lancé par le département du Haut-Rhin, a été évoquée lors de la séance du conseil de communauté du 8 février 2007 ; qu'une réunion de travail entre des représentants de la communauté de communes et d'autres partenaires institutionnels s'est tenue le 15 mars 2007 au sujet de l'acquisition de terrains appartenant à la société " MAM-E " placée en liquidation judiciaire, sis dans le parc d'activités de la Passerelle à Ensisheim, en vue d'y implanter des entreprises artisanales ; que le conseil de communauté a, par délibération du 22 mars 2007, décidé de faire l'acquisition d'une partie de ces terrains et qu'un acte notarié a été signé le 17 décembre 2007 ; que, par délibération du 12 juin 2008, le conseil de communauté a décidé de se porter acquéreur des autres terrains encore propriété de la société " MAM-E " sur le parc d'activités de la Passerelle pour y aménager un hôtel d'entreprises et a établi un plan de financement à cet effet ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société de production de Wintzenheim, la communauté de communes du Centre Haut-Rhin justifiait, à la date à laquelle la décision litigieuse a été prise, de la réalité d'un projet d'action répondant à l'un des objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que la communauté de communes du Centre Haut-Rhin est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé la décision de son président en date du 20 octobre 2008 portant décision de préemption des terrains appartenant à la société " MAM-E " sis sur le territoire de la commune d'Ensisheim ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société de production de Wintzenheim au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de la communauté de communes du Centre Haut-Rhin à ce même titre ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0805639 du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 29 juin 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Strasbourg par la société de production de Wintzenheim est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Centre Haut-Rhin, à la société de production de Wintzenheim et à MeA....

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N° 12NC01485


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01485
Date de la décision : 28/11/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Droits de préemption.


Composition du Tribunal
Président : Mme PELLISSIER
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: M. FAVRET
Avocat(s) : PUJOL BAINIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-11-28;12nc01485 ?
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