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28/10/2013 | FRANCE | N°12NC02062

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 octobre 2013, 12NC02062


Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2012, présentée pour l'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est au 11, rue Albert Lebrun, à Nancy (54000), représentée par représentant légal en exercice, par la SCP d'avocats Mery-Dubois-Maire ; l'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101083 du 6 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 avril 2011 par laquelle l'ins

pectrice du travail par intérim de la 9ème section de Meurthe-et-Moselle...

Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2012, présentée pour l'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle, dont le siège est au 11, rue Albert Lebrun, à Nancy (54000), représentée par représentant légal en exercice, par la SCP d'avocats Mery-Dubois-Maire ; l'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101083 du 6 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 avril 2011 par laquelle l'inspectrice du travail par intérim de la 9ème section de Meurthe-et-Moselle a refusé d'autoriser le licenciement de Mme B...C... ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision ;

L'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle soutient que :

- Mme C...a commis des manquements dans le suivi des majeurs qui lui étaient confiés, ce qui a eu pour conséquence de priver certains d'entre eux de leurs revenus ;

- l'inspectrice du travail a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de la gravité des griefs reprochés à MmeC..., en ne prenant pas en compte le caractère habituel de son comportement ;

- la circonstance que Mme C...ait insulté un de ses collègues constitue une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement ;

- la demande d'autorisation de procéder au licenciement de Mme C...est sans lien avec son activité syndicale ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 4 avril 2013 fixant la clôture de l'instruction le 14 mai 2013 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2013, présenté pour Mme B...C..., demeurant au..., par MeA..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme C...soutient que :

- la procédure de licenciement engagée à son encontre est liée à son engagement syndical ;

- les faits invoqués à son encontre ne sont pas constitutifs d'une faute suffisamment grave pour justifier son licenciement ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 septembre 2013, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2013 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me Maire, avocat, pour l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de Meurthe-et-Moselle, et de MeA..., pour MmeC... ;

1. Considérant que Mme C...a été embauchée le 1er décembre 1996 par l'Union départementale des associations familiales (UDAF) de Meurthe-et-Moselle en qualité de déléguée à la tutelle des majeurs protégés ; que le 29 novembre 2010, elle a présenté sa candidature pour représenter le personnel au sein du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail mais n'a pas été désignée ; que par un courrier du 3 mars 2011, l'UDAF a demandé à l'inspecteur du travail l'autorisation de licencier MmeC... ; que l'UDAF demande l'annulation du jugement du 6 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 8 avril 2011 par laquelle l'inspectrice du travail par intérim de la 9ème section de Meurthe-et-Moselle a refusé d'autoriser le licenciement de MmeC... ;

Sur la légalité de la décision du 8 avril 2011 :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle ; que, lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est motivée par un comportement fautif, il appartient à l'inspecteur du travail, et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, compte tenu de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé et des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi ;

3. Considérant que pour opposer un refus à la demande de l'UDAF, l'inspectrice du travail s'est fondée sur les circonstances, d'une part, que les faits invoqués à l'encontre de Mme C... ne sauraient être regardés comme constitutifs de fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement, d'autre part, que la mesure de licenciement envisagée n'était pas dépourvue de tout lien avec son activité syndicale précédent son départ en congé sabbatique en 2008 et sa candidature, en novembre 2010, à un mandat de membre du CHSCT, dans un contexte de réformes réglementaires et un climat social tendu ;

S'agissant des manquements dans l'exécution de la prestation de travail :

4. Considérant, en premier lieu, que l'UDAF soutient que Mme C...n'aurait pas payé en temps utile une amende pénale concernant un des majeurs protégés dont elle assurait le suivi, ce qui aurait entraîné la majoration du montant de l'amende encourue ; qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un courrier émanant de la supérieure hiérarchique de Mme C... et daté du 7 février 2011, qu'un procès-verbal de contravention mettant en cause un des majeurs protégés suivis par cette dernière aurait été retrouvé classé au dossier d'un homonyme du majeur ; que ce procès verbal n'ayant pas été déposé en temps voulu à la comptabilité, une majoration du montant de l'amende pénale a été adressée au contrevenant par l'officier du ministère public ; que l'employeur ne produit toutefois aucun élément de nature à contredire les explications de Mme C...selon lesquelles elle aurait trouvé ce procès verbal dans sa pochette courrier sans mention du nom du majeur protégé en cause, qu'elle aurait donc effectué les recherches nécessaires, porté le nom du majeur sur le procès verbal puis inséré ledit procès verbal dans un trieur au nom du majeur protégé, ceci en vue de lui expliquer lors d'un prochain rendez-vous la marche à suivre pour régler l'amende ; que l'employeur n'établissant pas que l'erreur commise dans le traitement et le classement de ce procès verbal serait imputable à MmeC..., il n'est pas fondé en tout état de cause à s'en prévaloir au soutien de la demande d'autorisation de licenciement présentée à l'encontre de cette dernière ; qu'au demeurant, cette erreur de traitement n'a engendré aucune incidence financière pour l'UDAF, puisqu'il est constant que l'amende majorée a été retirée par l'officier du ministère public par un courrier du 11 février 2011 ;

5. Considérant, en second lieu, que l'UDAF soutient plus généralement que Mme C... a commis des manquements dans le suivi des majeurs qui lui étaient confiés, ce qui aurait eu pour conséquence de priver certains d'entre eux de leurs revenus ; que l'employeur, qui dit ne pouvoir faire état d'aucun fait précis compte tenu du secret professionnel, s'appuie sur un courrier de la supérieure hiérarchique de Mme C...daté du 20 décembre 2010 ; que ce courrier fait effectivement état des difficultés de l'intéressée pour exercer sa mission qui ne seraient plus compatibles avec les nécessités du service ; qu'il ressort de l'enquête effectuée par l'inspecteur du travail que, du fait des absences de MmeC..., les majeurs n'étaient plus suivis au quotidien et que seules les décisions urgentes et les paiements immédiats étaient effectués, en son absence, par ses collègues ; que Mme C...ne conteste pas la réalité des carences relevées dans le suivi des majeurs qui lui étaient confiés ;

6. Considérant toutefois que le courrier de la supérieure hiérarchique de Mme C...du 20 décembre 2010 indique qu' " entre les temps de formation et les arrêts maladie, Mme C... n'a plus de présence suffisante pour remplir ses missions " ; qu'il ressort des plannings de travail pour 2009 et 2010 transmis par Mme C...qu'elle a été à plusieurs reprises en périodes d'arrêt de travail pour maladie et pour des périodes assez longues ; qu'il ressort également du planning de formation figurant au dossier que Mme C...a été en formation pendant 43 journées entre mars 2010 et février 2011 dans le cadre de la transformation de son emploi de délégué de tutelle en celui de mandataire judiciaire à la protection des majeurs ; que Mme C...a ainsi travaillé moins de 60 jours en 2010 ; que contrairement aux affirmations de l'employeur, il ne ressort d'aucune pièce du dossier qu'elle n'aurait pas justifié de ces absences postérieurement aux deux avertissements qui lui ont été notifiés les 2 avril et 16 juin 2010 ; que dans le même temps, sa charge de travail s'est considérablement accrue ; qu'alors qu'elle suivait avant 2008 entre 32 et 35 majeurs protégés, elle en suit depuis mai 2009 entre 42 et 47 selon elle, 41 selon son employeur, cela alors qu'elle bénéficie d'un temps partiel depuis janvier 2008 ; qu'il ressort enfin des pièces du dossier qu'en octobre 2010, la direction lui a confié le suivi supplémentaire de cinq nouveaux dossiers à la suite d'une suppression de poste ; qu'il n'est pas utilement contesté que la seule mesure prise par l'UDAF pour pallier les absences de Mme C...a consisté en un remplacement partiel à 50 % à compter du 15ème jour d'absence ; que dans ces conditions, l'UDAF n'est pas fondée à soutenir que l'inspectrice du travail aurait commis une erreur d'appréciation, en considérant que les manquements relevés dans le suivi des majeurs protégés confiés à Mme C...ne constituaient pas, dans les circonstances de l'espèce, des fautes d'une gravité suffisante pour justifier son licenciement ;

S'agissant du comportement de la salariée :

7. Considérant que l'UDAF reproche à Mme C...d'être à l'origine d'une atmosphère d'agressivité dans le service ;

8. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de la mise en demeure du 8 février 2012 adressée à l'UDAF par la direction régionale des entreprises, de la consommation, de la concurrence du travail et de l'emploi de Lorraine, que l'UDAF connaît un fort " turn-over " et un absentéisme important ; qu'il ne ressort toutefois d'aucune des pièces du dossier que ce climat de tension serait imputable à MmeC..., qui, au vu des multiples attestations produites à hauteur d'appel, est unanimement appréciée par ses collègues ;

9. Considérant, en second lieu, qu'il est constant qu'un agent administratif s'est plaint le 25 janvier 2011 auprès du directeur de l'UDAF de la violence des propos de Mme C...à son égard lors d'une altercation qu'il avait eue avec elle le matin même ; que l'origine et le déroulement de l'altercation restent toutefois inconnus ; que la supérieure hiérarchique de MmeC..., qui au vu du compte rendu de la réunion extraordinaire du comité d'entreprise du 21 février 2011, était présente lors de l'échange, n'a ainsi produit aucune attestation pour confirmer ou infirmer les allégations de l'agent administratif pris à partie par MmeC... ; que ce même agent administratif déclare dans une attestation établie le 7 juillet 2011 -soit à peine six mois après les faits- " avoir une excellente entente professionnelle avec MmeC... " avec qui il travaille " dans un bon esprit de collaboration " ; que, par suite, au regard de son caractère très ponctuel, cet excès de comportement de Mme C...ne saurait constituer une faute de nature à justifier son licenciement ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'UDAF n'est pas fondée à soutenir que l'inspectrice du travail aurait entaché sa décision du 8 avril 2011 d'une erreur d'appréciation en considérant que les faits reprochés à Mme C...n'étaient pas constitutifs de fautes suffisamment graves pour justifier son licenciement ;

En ce qui concerne le lien avec le mandat :

11. Considérant que le motif tiré de l'absence de faute suffisamment grave pour justifier un licenciement ainsi retenu par l'inspectrice du travail était à lui seul de nature à entraîner le rejet de la demande par laquelle l'UDAF avait sollicité l'autorisation de licencier MmeC... ; que, par suite, il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, dirigé contre le second motif retenu surabondamment par l'inspectrice du travail pour rejeter la demande d'annulation et tiré du lien entre la demande d'autorisation et l'activité syndicale de Mme C...avant 2008 et sa candidature, en novembre 2010, à un mandat de membre du CHSCT ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme C...et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle est rejetée.

Article 2 : L'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle versera à Mme C...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Union départementale des associations familiales de Meurthe-et-Moselle, au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à Mme B...C....

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N° 12NC02062


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC02062
Date de la décision : 28/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour faute.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : SCP MERY-DUBOIS-MAIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-10-28;12nc02062 ?
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