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17/10/2013 | FRANCE | N°13NC00558

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 17 octobre 2013, 13NC00558


Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2013, présentée par le préfet du Doubs ; le préfet du Doubs demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201143-1201144 du 29 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé ses arrêtés du 6 juillet 2012 refusant d'admettre provisoirement au séjour M. et MmeC... ;

2°) de confirmer ces arrêtés ;

Le préfet soutient que :

- la situation personnelle des intéressés ne justifiait pas l'examen par la France de leurs demandes d'asile ;

- si deux neveux de M. C...vivent en France, M

. et Mme C...ne justifient pas d'attaches familiales suffisamment proches pour qu'il soit fait ap...

Vu la requête, enregistrée le 25 mars 2013, présentée par le préfet du Doubs ; le préfet du Doubs demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1201143-1201144 du 29 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé ses arrêtés du 6 juillet 2012 refusant d'admettre provisoirement au séjour M. et MmeC... ;

2°) de confirmer ces arrêtés ;

Le préfet soutient que :

- la situation personnelle des intéressés ne justifiait pas l'examen par la France de leurs demandes d'asile ;

- si deux neveux de M. C...vivent en France, M. et Mme C...ne justifient pas d'attaches familiales suffisamment proches pour qu'il soit fait application de la clause humanitaire ;

- la prise en charge médicale de M. C...et de sa fille est possible en Pologne ;

- la naissance du deuxième enfant de la fille aînée du couple est en tout état de cause postérieure à la décision attaquée ;

- ils ont été informés en langue russe de la procédure engagée pour leur remise aux autorités polonaises ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2013, présenté pour M. et Mme C..., par Me Launay, qui concluent au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat en application l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Ils soutiennent que :

- le préfet a entaché ses décisions d'illégalité en s'abstenant d'apprécier la possibilité de faire usage de la dérogation prévue à l'article 3§2 du règlement (CE) 343/2003 ;

- ses décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu de l'état de santé de M. C...et de sa filleB... et de leurs liens familiaux en France ;

- la motivation de la décision ne leur a pas permis de bénéficier des garanties procédurales prévues à l'article 3§4 du règlement du 18 février 2003 ;

- aucune notice d'information rédigée dans une langue qu'ils comprennent ne leur a été délivrée préalablement à la décision attaquée, le préfet ne justifiant pas de l'envoi du courrier du 6 juillet 2012 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 5 septembre 2013, admettant M. et Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention de Genève relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, complétée par le protocole de New York de 1967 ;

Vu le règlement n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2013 :

- le rapport de Mme Bonifacj, président ;

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public,

Considérant que M. et MmeC..., ressortissants géorgiens, entrés irrégulièrement en France le 30 avril 2012, avec leur fille mineureB..., née en 1996, ainsi que leur fille majeure Lia, née en 1993, le compagnon de cette dernière M. D...et leur enfant, ont sollicité la reconnaissance de la qualité de réfugié ; que l'examen de leurs empreintes digitales, auquel il a été procédé par le système Eurodac, ayant fait apparaître qu'ils avaient effectué auparavant la même démarche en Pologne, les autorités polonaises ont été saisies, en application de l'article 17 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, d'une demande de prise en charge des intéressés, que celles-ci ont acceptée le 30 août 2012 ; que, par la présente requête, le préfet du Doubs relève appel du jugement du 29 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé ses arrêtés du 6 juillet 2012 refusant d'admettre provisoirement au séjour M. et MmeC... ;

1. Considérant qu'aux termes de l'article L.741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : /1° L'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres Etats " ; qu'aux termes de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 : " - 1. Les États membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l'État membre concerné. La demande d'asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) " ; qu'en vertu de l'article 15 du même texte : " Tout État membre peut, même s'il n'est pas responsable en application des critères définis par le présent règlement, rapprocher des membres d'une même famille, ainsi que d'autres parents à charge pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels. Dans ce cas, cet État membre examine, à la demande d'un autre État membre, la demande d'asile de la personne concernée. Les personnes concernées doivent y consentir. " ;

2. Considérant, d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire, ni aucun principe ne fait obligation au préfet, lorsqu'il décide de refuser l'admission au séjour en qualité de demandeur d'asile au motif que l'examen de la demande incombe à un autre Etat membre en application du règlement (CE) n° 343-2003 du 18 février 2003, de préciser qu'il n'y a pas lieu de faire application, au bénéfice de l'étranger, de la clause de souveraineté prévue à l'article 15 de ce règlement (CE) ;

3. Considérant, d'autre part, que si M. C...et sa fille B...souffrent de tuberculose, il n'est ni établi, ni même allégué qu'ils ne pourraient pas être pris en charge en Pologne pour l'ensemble des pathologies dont ils sont atteints ; que, alors qu'un refus d'admission au séjour a également été opposé à leur fille Lia et au compagnon de cette dernière, la circonstance que deux neveux de M. C...et leurs familles résident en France depuis 2001 sous couvert du statut de réfugié ne saurait suffire à établir l'existence de liens familiaux justifiant qu'il soit fait application de la clause humanitaire prévue à l'article 15 du règlement du 18 février 2003 ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur ces éléments pour estimer que le préfet du Doubs avait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant d'admettre provisoirement au séjour M. et MmeC... ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme C...devant le tribunal administratif de Besançon ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 3 du règlement du Conseil du 18 février 2003 : " 4. Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets " ;

7. Considérant que le préfet du Doubs fait valoir que les intéressés ont été informés de l'engagement à leur encontre de la procédure de réadmission vers la Pologne et des modalités d'application du règlement du 18 février 2003, par des courriers traduits en langue russe qui leur ont été adressés le 6 juillet 2012 ; que, toutefois, aucune des pièces versées aux dossiers ne permet d'établir que ces documents étaient joints aux décisions attaquées et ont été régulièrement notifiés à M. et MmeC... ; qu'ainsi ces derniers sont fondés à soutenir que le préfet du Doubs a méconnu les dispositions précitées de l'article 3 du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Doubs n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé ses arrêtés du 6 juillet 2012 ;

9. Considérant que M. et MmeC... ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leur avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Launay, avocat de M. et MmeC..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Launay de la somme de 1 500 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête du préfet du Doubs est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Launay une somme de 1 500 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Launay renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C..., à Mme E... C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Doubs.

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N° 13NC00558


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC00558
Date de la décision : 17/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: Mme Julienne BONIFACJ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : CHRISTOPHE LAUNAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-10-17;13nc00558 ?
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