Vu la requête, enregistrée le 9 juin 2011, présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube, dont le siège est 113, rue Etienne Pédron à Troyes (10000), et la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Marne, dont le siège est 18, boulevard Maréchal de Lattre de Tassigny à Chaumont (52000), par la SCP d'avocats Colomes-Mathieu ;
Ces caisses primaires d'assurance maladie demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0901124 du 14 avril 2011 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il a rejeté les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Marne tendant à la condamnation du centre hospitalier de Troyes à lui verser une somme de 163 280,85 euros, assortie des intérêts légaux à compter du dépôt de leur mémoire du 9 novembre 2009, en remboursement des débours exposés, et une somme de 980 euros au titre des frais de gestion ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Troyes à payer à la CPAM de la Haute-Marne une somme de 163 280,85 euros en remboursement des débours exposés, et une somme de 980 euros au titre des frais de gestion ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Troyes une somme de 2 000 euros à leur verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elles soutiennent que :
- la CPAM de la Haute-Marne a agi, en première instance, pour le compte de la CPAM de l'Aube auprès de laquelle M. A...était assuré social, sur le fondement d'une convention de mutualisation passée entre les deux caisses ;
- il ne s'agit pas du mécanisme de la subrogation au sens de l'article 1249 du code civil ;
- la CPAM de la Haute-Marne a versé des prestations au titre de la législation sur l'assurance maladie et était donc fondée à intervenir à l'instance sur le fondement de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
- l'article L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale prévoit que " l'organisme désigné peut, pour le compte des autres organismes locaux ou régionaux... exercer les poursuites contentieuses afférentes... " ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 novembre 2011, présenté pour le centre hospitalier de Troyes, représentée par son directeur, par MeC..., qui conclut au rejet de la requête de la CPAM de l'Aube et de la CPAM de la Haute-Marne ;
Il fait valoir que les demandes des requérantes sont irrecevables ou à tout le moins mal fondées ;
Vu le mémoire, enregistré le 31 janvier 2012, présenté pour la CPAM de l'Aube et la CPAM de la Haute-Marne qui concluent aux mêmes fins que leur requête ;
Elles soutiennent en outre que l'intervention volontaire de la CPAM de l'Aube est recevable devant la Cour ;
Vu le mémoire récapitulatif, enregistré le 3 juin 2013, présenté pour la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Marne, qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens, et à la mise à la charge du centre hospitalier de Troyes d'une somme de 3 500 euros à leur verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2013 présenté pour le centre hospitalier de Troyes qui conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens que ses précédentes écritures ;
Vu le mémoire, enregistré le 19 septembre 2013, présentée pour la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube et la Caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Marne, qui concluent aux mêmes fins que leur requête, par les mêmes moyens ;
Vu l'arrêt de la Cour de céans n° 11NC00946 du 5 avril 2012 ;
Vu l'avis du Conseil d'Etat n° 362009 du 12 avril 2013 ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code de la sécurité sociale ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 septembre 2013 :
- le rapport de M. Nizet, premier conseiller ;
- les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;
- et les observations de MeB..., représentant la SCP Colommes-Mathieu, avocat des requérantes ;
1. Considérant que la CPAM de la Haute-Marne demande l'annulation du jugement du 14 avril 2011 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à la condamnation du centre hospitalier de Troyes à lui verser une somme de 163 280,85 euros, assortie des intérêts légaux à compter du dépôt de son mémoire du 9 novembre 2009, en remboursement des débours exposés par le CPAM de l'Aube, pour le compte de MeA..., assuré social et une somme de 980 euros au titre des frais de gestion ;
Sur la recevabilité de l'intervention de la CPAM de l'Aube :
2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 632-1 du code de justice administrative : "L'intervention est formée par mémoire distinct" ; que l'intervention de la CPAM de l'Aube a été présentée en appel non par mémoire distinct mais dans la requête de CPAM de la Haute-Marne ; que, dès lors, elle n'est pas recevable ;
Sur la recevabilité de la requête de la CPAM de la Haute-Marne :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " Lorsque, sans entrer dans les cas régis par les dispositions législatives applicables aux accidents du travail, la lésion dont l'assuré social ou son ayant droit est atteint est imputable à un tiers, l'assuré ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre. / Les caisses de sécurité sociale sont tenues de servir à l'assuré ou à ses ayants droit les prestations prévues par le présent livre, sauf recours de leur part contre l'auteur responsable de l'accident dans les conditions ci-après. / Les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel (...) " ; qu'il résulte de l'article L. 122-1 du même code que c'est le directeur de la caisse primaire d'assurance maladie qui décide des actions en justice dirigées contre les tiers responsables de dommages causés à l'assuré social affilié à la caisse et qui représente alors celle-ci en justice ; que le directeur peut donner mandat à cet effet à certains agents de la caisse ou à un agent d'un autre organisme de sécurité sociale ;
4. Considérant, toutefois, que l'article L. 221-3-1 du code de la sécurité sociale, issu de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie et modifié par la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, dispose que le directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés " est notamment chargé pour ce qui concerne la gestion de la caisse nationale et du réseau des caisses régionales, locales et de leurs groupements : (...) 3° De prendre les mesures nécessaires à l'organisation et au pilotage du réseau des caisses du régime général ; il peut notamment définir les circonscriptions d'intervention des organismes locaux, prendre les décisions prévues aux articles L. 224-11, L. 224-12, L. 224-13 et L. 281-2, et confier à certains organismes, à l'échelon national, interrégional, régional ou départemental, la charge d'assumer certaines missions, notamment celles mentionnées au II de l'article L. 216-2-1 " ; que l'article L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction initiale issue de la loi du 21 décembre 2006 de financement de la sécurité sociale pour 2007, a prévu à son I que les conseils d'administration de la caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, de la caisse nationale des allocations familiales et de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale " définissent les orientations relatives à l'organisation du réseau des organismes relevant de la branche concernée. / Pour l'application de ces orientations, le directeur de l'organisme national peut confier à un ou plusieurs organismes de la branche la réalisation de missions ou d'activités relatives à la gestion des organismes, au service des prestations et au recouvrement. / Les modalités de mise en oeuvre sont fixées par convention établie entre l'organisme national et les organismes locaux ou régionaux. Les directeurs signent la convention, après avis des conseils d'administration des organismes locaux ou régionaux concernés " ; qu'aux termes du II du même article : " Pour les missions liées au service des prestations, l'organisme désigné peut, pour le compte des autres organismes locaux ou régionaux, participer à l'accueil et à l'information des bénéficiaires, servir des prestations, procéder à des vérifications et enquêtes administratives concernant leur attribution et exercer les poursuites contentieuses afférentes à ces opérations. Il peut également, pour ces mêmes missions, se voir attribuer certaines compétences d'autres organismes locaux ou régionaux " ; que l'article 39 de la loi du 20 décembre 2010 de financement de la sécurité sociale pour 2011 a complété la première phrase du troisième alinéa du I, pour prévoir que les modalités de mise en oeuvre seraient désormais fixées par convention établie entre l'organisme national et les organismes locaux ou régionaux " sauf en ce qui concerne le traitement des litiges et des contentieux y afférents ainsi que de leurs suites qui sont précisés par décret " ; qu'enfin, l'article 68 de la loi du 17 décembre 2012 de financement de la sécurité sociale pour 2013 a complété la première phrase du II pour préciser qu'au titre de l'exercice des poursuites contentieuses prévues par ces dispositions, l'organisme peut " notamment agir en demande et en défense devant les juridictions " ;
5. Considérant que les dispositions combinées de l'article L. 221-3-1 et du II de l'article L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale permettent au directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés de confier à une caisse primaire la charge d'agir en justice pour le compte de la caisse d'affiliation de l'assuré dans tous les contentieux liés au service des prestations d'assurance maladie ; qu'à ce titre, une caisse peut se voir confier la mission d'exercer, pour le compte d'une ou plusieurs autres caisses, le recours subrogatoire prévu par les dispositions de l'article L. 376-1 du même code à l'encontre du tiers responsable de l'accident, un tel recours tendant au remboursement des prestations servies à l'assuré à la suite de l'accident ; que la décision prise en ce sens par le directeur général de la caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés peut, le cas échéant, être formalisée dans un document, signé également par les caisses locales concernées, qui détermine les modalités concrètes de sa mise en oeuvre ;
6. Considérant qu'il est constant que la CPAM de la Haute-Marne a agi pour le compte de la CPAM de l'Aube auprès de laquelle M. A...était assuré social, sur le fondement d'une convention de mutualisation passée entre les deux caisses et régularisée en application de l'article L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale ; que l'article 6 de cette convention stipule que la CPAM de la Haute-Marne " est chargée de l'instruction des dossiers des recours contre tiers de toutes natures. Elle met à la charge du tiers responsable les sommes à payer... et à l'ordonnancement des diverses recettes sur les bases comptables de la Caisse primaire de la caisse prenante de l'activité " ; que l'article 8 prévoit que la CPAM de la Haute-Marne " procède à l'ordre des paiements des dépenses et l'ordonnancement des recettes pour le compte de la CPAM de l'Aube ... " ; que dès lors, la CPAM de la Haute Marne est fondée à soutenir que sa demande était recevable ; que le jugement doit, par suite, être annulé en tant qu'il a rejeté ses conclusions pour irrecevabilité ;
Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur cette partie des conclusions de la demande ;
Sur le bien-fondé de la demande de la CPAM de la Haute Marne :
7. Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la CPAM de la Haute Marne a versé au bénéfice de M. A...une somme de 329,99 euros de frais médicaux et pharmaceutiques, au titre de la période du 13 février au 13 décembre 2006, une somme de 408,90 euros de frais de transport, pour la période du 27 février 2006 au 1er juin 2007, et 162 511,96 euros de frais d'hospitalisation, au centre hospitalier de Troyes du 6 janvier au 26 février 2006, puis du 30 mai au 28 juillet 2007, et au centre hospitalier de Bar sur Seine du 27 février 2006 au 29 mai 2007 ; qu'il ressort de l'attestation du médecin-conseil de la caisse versée au dossier que ces prestations dont le remboursement est réclamé sont la conséquence exclusive et directe du choc anesthésique dont M. A...a été victime, imputable à des fautes commises par le centre hospitalier de Troyes ; qu'il s'ensuit que le centre hospitalier de Troyes doit être condamné à verser à la CPAM de la Haute Marne la somme totale de 163 250,85 euros en remboursement des débours exposés par le CPAM de l'Aube, assortie des intérêts légaux à compter du 9 novembre 2009 ;
8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale : " (...) En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget (...) " ; qu'aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2006 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion : " Les montants maximum et minimum de l'indemnité forfaitaire de gestion visés aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 1015 euros et à 101 euros à compter du 1er janvier 2013 " ; qu'il y a lieu, en application de ces dispositions, compte tenu du remboursement obtenu au titre des dépenses de santé exposées de condamner le centre hospitalier de Troyes à verser la somme de 1 015 euros à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Marne ;
Sur les conclusions au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Troyes une somme de 1 500 euros à verser à la CPAM de la Haute Marne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : L'intervention volontaire de la Caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube est rejetée.
Article 2 : Le jugement n° 0901124 du 14 avril 2011 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne est annulé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : Le centre hospitalier de Troyes est condamné à verser à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Marne une somme de 163 250,85 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 9 novembre 2009, en remboursement des débours et une somme de 1 015 euros au titre des frais de gestion.
Article 4 : Le centre hospitalier de Troyes versera à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Marne une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Aube, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute Marne et au centre hospitalier de Troyes.
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N° 11NC00946