La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/08/2013 | FRANCE | N°12NC01690

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 01 août 2013, 12NC01690


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 12NC01690 le 16 octobre 2012, présentée pour Mme E...A...C..., domiciliée..., par Me Mehl, avocat ;

Mme A...C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202276 du 19 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le Ghana comme pays de destination

;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 11 mai 2012 ;

3°...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour sous le n° 12NC01690 le 16 octobre 2012, présentée pour Mme E...A...C..., domiciliée..., par Me Mehl, avocat ;

Mme A...C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202276 du 19 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 mai 2012 par lequel le préfet du Bas-Rhin a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé le Ghana comme pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Bas-Rhin en date du 11 mai 2012 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en application des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Elle soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- l'absence de consultation de la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 312-2 du CESEDA a entaché d'illégalité l'arrêté ; à la date de l'adoption de ce dernier, elle devait être considérée comme mère d'un enfant français, le Tribunal de grande instance de Strasbourg n'ayant pas encore prononcé l'annulation de la reconnaissance de paternité de M. D... ;

- elle remplissait les conditions légales pour se voir délivrer une carte de séjour temporaire sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la légalité d'une décision s'apprécie à la date où elle a été adoptée ; le 11 mai 2012, elle était mère d'un enfant français ; le procureur de la République avait seulement engagé une action en contestation de la reconnaissance de paternité ; le Tribunal de grande instance de Strasbourg ne s'était pas encore prononcé ; elle admet que la reconnaissance de paternité de M. D...est erronée, mais non qu'elle est frauduleuse ; ni le préfet du Bas-Rhin, ni le Tribunal administratif ne pouvait procéder à l'annulation de la reconnaissance de paternité ; les conclusions de l'expertise biologique ne pouvaient suffire ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français, est illégal du fait de l'illégalité entachant le refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile interdisaient d'adopter à son encontre un arrêté portant obligation de quitter le territoire français ; elle était mère d'un enfant français et subvenait à son entretien et à son éducation ;

Sur la fixation du pays de destination :

- l'arrêté, en tant qu'il fixe le pays de destination, est illégal du fait de l'illégalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

- l'arrêté méconnaît les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il ne prend pas en compte l'intérêt de son fils qui sera privé de son père si la décision est exécutée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 avril 2013, présenté par le préfet du Bas-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

Sur le refus de titre de séjour :

- il n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour dès lors que Mme A... C...ne remplissait pas les conditions pour obtenir une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- Mme A...C...ne remplissait pas les conditions pour obtenir une carte de séjour temporaire sur le fondement de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; M.D..., qui a reconnu l'enfant, n'en est pas le père ; des tests génétiques l'ont démontré ; le préfet n'avait pas à attendre la décision du Tribunal de grande instance de Strasbourg pour tenir compte de ce fait ; de plus, la requérante n'a jamais vécu avec M.D... ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- le refus de délivrance du titre de séjour est légal et ne saurait entacher d'illégalité son arrêté en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français ;

- il n'a pas méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, Mme A...C...n'étant pas mère d'un enfant français ;

Sur le pays de destination :

- elle ne peut se prévaloir de la nationalité française de son fils, obtenue par fraude, pour faire contester la mesure d'éloignement à destination du pays dont elle a la nationalité ; ses deux autres enfants, sa mère et ses deux soeurs résident au Ghana, pays dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 38 ans ;

- l'arrêté ne prive pas l'enfant de Mme A...C...d'un de ses deux parents ; aucun lien n'existe avec M.D..., qui ne vit pas avec l'appelante et son fils ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du Tribunal de grande instance de Nancy en date du 6 décembre 2012 attribuant l'aide juridictionnelle totale à Mme A...C...et désignant Me Mehl pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code civil ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 juin 2013 :

- le rapport de M. Tréand, premier conseiller ;

Sur le refus de titre de séjour :

1. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée " ;

2. Considérant que si une reconnaissance de paternité demeure en principe un acte opposable aux tiers ainsi qu'à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par l'autorité judiciaire, le préfet peut néanmoins refuser un titre de séjour à celui qui s'en prévaut dès lors que le caractère frauduleux de l'acte est établi de façon certaine par des déclarations aux autorités de police ;

3. Considérant que par une note datée du 16 décembre 2011, le directeur départemental de la direction départementale de la police aux frontières du Bas-Rhin informait le préfet du Bas-Rhin que " l'analyse des prélèvements salivaires faisait apparaître que M. D...B...présentait des caractéristiques génétiques incompatibles avec une paternité vis-à-vis de l'enfant AngeD... " ; que, par note datée du 6 mars 2012, le procureur de la République indiquait au même préfet que la " procédure d'annulation de la reconnaissance de paternité de l'enfant Ange D...est en cours au Tribunal de grande instance de Strasbourg " ; que, d'ailleurs, dans sa requête, Mme A...C...reconnaît elle-même que B...D...n'est pas le père de son fils né le 28 décembre 2010 ; que, par suite, à la date où il a adopté l'arrêté litigieux, ayant connaissance des résultats des tests génétiques pratiqués, le préfet du Bas-Rhin pouvait estimer frauduleuse la reconnaissance de paternité effectuée par M. D...et refuser la délivrance du titre de séjour sollicité sans méconnaître les dispositions de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile susvisé : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles précités auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...C...ne remplit pas les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que ladite commission n'aurait pas été régulièrement saisie ne peut être accueilli ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, d'une part, que Mme A...C...invoque, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin portant refus de titre de séjour ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la requérante ne saurait se prévaloir par voie d'exception de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision l'obligeant à quitter le territoire français; qu'il suit de là que ce moyen doit être écarté ;

6. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans " ;

7. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, à la date où il a adopté l'arrêté litigieux, ayant connaissance des résultats des tests génétiques pratiqués, le préfet du Bas-Rhin pouvait estimer frauduleuse la reconnaissance de paternité effectuée par M. D...et assortir le refus de titre de séjour opposé à Mme A...C...d'une obligation de quitter le territoire français sans méconnaître les dispositions précitées de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la fixation du pays de destination :

8. Considérant, d'une part, que Mme A...C...invoque, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté du préfet du Bas-Rhin portant refus de titre de séjour ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la requérante ne saurait se prévaloir par voie d'exception de l'illégalité de cette décision pour demander l'annulation de la décision fixant le pays de destination ; qu'il suit de là que ce moyen doit être écarté ;

9. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant susviusée, publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

10. Considérant que Mme A...C...n'a pas révélé l'identité du père de son fils Ange né le 28 décembre 2010 ; qu'il résulte de l'instruction qu'il ne s'agit pas de M. B... D..., dont il n'est, au surplus, pas contesté qu'il ne réside pas avec l'appelante et ne subvient pas à l'éducation et à l'entretien de l'enfant ; que, par suite, Mme A...C...ne démontre pas que son retour au Ghana, pays où séjournent, au demeurant, sa seule famille connue, à savoir le frère et la soeur d'Ange ainsi que sa grand-mère et ses deux tantes, porterait une atteinte à l'intérêt supérieur de l'enfant en le privant de la présence de son père ; que, dès lors, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 11 mai 2012 ne peut être regardé comme ayant méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A...C...n'est fondée ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande, ni à demander à la Cour d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

12. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

13. Considérant que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, ne saurait être condamné à verser à l'avocat de Mme A...C...une somme en application de ces dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme E...A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

''

''

''

''

5

12NC01690


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01690
Date de la décision : 01/08/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Olivier TREAND
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : MEHL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-08-01;12nc01690 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award