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27/06/2013 | FRANCE | N°12NC01600-12NC01669

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 27 juin 2013, 12NC01600-12NC01669


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 septembre 2012, présentée pour la société Eiffage Travaux Publics Est, venant aux droits de la société Routière Morin, ayant son siège social 5, rue Alfred Kastler ZAC Saint Jacques II à Maxéville (54320), par Me Rahola, avocat ;

La société Eiffage Travaux Publics Est demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0901821 en date du 12 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à verser à la commune de Prunay la somme de 115 194,53 euros, a mis à sa charge le

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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 septembre 2012, présentée pour la société Eiffage Travaux Publics Est, venant aux droits de la société Routière Morin, ayant son siège social 5, rue Alfred Kastler ZAC Saint Jacques II à Maxéville (54320), par Me Rahola, avocat ;

La société Eiffage Travaux Publics Est demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°0901821 en date du 12 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à verser à la commune de Prunay la somme de 115 194,53 euros, a mis à sa charge les frais d'expertise de l'instance de référé n° 0401367, et condamné l'Etat à la garantir à hauteur de 20 % de la condamnation mise à sa charge ;

2°) de rejeter la demande de la commune de Prunay ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Prunay la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Eiffage Travaux Publics Est soutient que :

- le jugement n'est pas suffisamment motivé : il ne s'est pas prononcé sur les missions attribuées au maître d'oeuvre et à l'entreprise et a fixé à 20% la responsabilité de l'Etat sans explication ; le Tribunal n'a pris en compte que le devis présenté par la commune en écartant, sans l'expliquer, le chiffrage de l'expert ;

- le maître d'oeuvre, à savoir la direction départementale de l'équipement, n'a pas réalisé les études techniques nécessaires à la construction du mur, car les fouilles n'ont pas été réalisées hors gel et sa responsabilité ne saurait être inférieure à 80 % ;

- aucune pièce contractuelle, en particulier le CCTP, n'imposait une conception hors gel à l'entreprise société Routière Morin Marne ; la prestation des études techniques ne revenait pas à l'entreprise mais à la maîtrise d'oeuvre au titre de ses missions EXE (études d'exécution et de synthèse) ;

- le devis présenté par la commune est supérieur de 44 % à l'estimation de l'expert ;

- les dispositions de l'article 261 du code général des impôts prévoient une exonération de la TVA sur les opérations portant sur les cimetières ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 janvier 2013, complété par un mémoire en production en date du 16 avril 2013, présenté pour la commune de Prunay, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité, élisant domicile..., par Me Schidlowsky, avocat ;

Elle conclut au rejet de la requête et à mettre à la charge de la société Eiffage Travaux Publics Est une somme de 3 000 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les malfaçons résultent d'une absence de fouilles et d'une mauvaise exécution des travaux (insuffisance d'ancrage des fondations des murs, absence de chaînage dans la partie supérieure du mur) par la société Routière Morin et son sous-traitant ;

- la direction départementale de l'équipement n'a pas procédé à une étude de sol préliminaire ce qui engage sa responsabilité, ainsi que l'ont jugé les premiers juges ;

- les travaux ne sont pas terminés et il n'y a pas eu réception ; la société Routière Morin doit être déclarée responsable contractuellement des fautes commises dans la réalisation du chantier ;

- le coût des travaux estimé à 80 000 € TTC date de juillet 2007 et la commune a produit un devis actualisé ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 juin 2013, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie ;

Il conclut au rejet de la requête, à la réformation du jugement du Tribunal administratif en tant qu'il a condamné l'Etat à hauteur de 20 %, et à mettre à la charge de la société Eiffage Travaux Publics la somme de 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- l'Etat n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité dès lors que le maître d'oeuvre a effectué les études d'avant-projet et de projet, nécessaires à la réalisation du mur du cimetière ; l'Etat n'a pas manqué à ses obligations en matière d'exécution ;

- la requérante ne peut reprocher à l'Etat un manquement aux dispositions du cahier des clauses administratives générales ; que la mission EXE, qui n'inclut d'ailleurs pas la réalisation d'une fouille du terrain, n'incombait pas à la DDE ;

- le titulaire du marché et le sous-traitant ne pouvaient méconnaître la nécessité d'effectuer les fondations du mur hors gel ; la société requérante doit assumer seule le préjudice subi par le maître d'ouvrage ;

II) Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 8 octobre 2012, présentée pour pour la société Eiffage Travaux Publics Est, venant aux droits de la société Routière Morin, ayant son siège social 5 rue Alfred Kastler ZAC Saint Jacques II à Maxéville (54320), par Me Rahola, avocat ;

La société Eiffage Travaux Publics Est demande à la Cour :

1°) de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 0901821 en date du 12 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne l'a condamnée à verser à la commune de Prunay la somme de 115 194,53 euros, a mis à sa charge les frais d'expertise de l'instance de référé n° 0401367, et condamné l'Etat à la garantir à hauteur de 20 % de la condamnation mise à sa charge ;

Elle soutient que :

- elle remplit les conditions posées par l'article R. 811-14 du code de justice administrative car les moyens énoncés dans sa requête sont sérieux ;

- l'exécution de la décision de première instance, à savoir sa condamnation à verser la somme de 115 194,53 €, aura des conséquences dommageables pour elle ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 janvier 2013, présenté pour la commune de Prunay, représentée par son maire en exercice, à ce dûment habilité, élisant domicile..., par Me Schidlowsky, avocat ;

Elle conclut au rejet de la requête et à mettre à la charge de la société Eiffage Travaux Publics Est une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la société n'apporte aucun élément établissant que l'exécution du jugement l'exposerait à la perte définitive des sommes en litige ;

- les moyens exposés ne sont pas sérieux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2013 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public ;

1. Considérant que les requêtes susvisées de la société Eiffage Travaux Publics sont relatives à un même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

2. Considérant que, par le jugement attaqué du 12 juillet 2012, le Tribunal administratif de Strasbourg, saisi de conclusions principales tendant uniquement à engager la responsabilité contractuelle de la société Routière Morin, a, d'une part, estimé que les désordres affectant le nouveau mur du cimetière de la commune de Prunay révèlent un manquement flagrant aux règles de l'art engageant la responsabilité contractuelle de la société Eiffage Travaux Publics, venant aux droits de la société Routière Morin Marne, et d'autre part, jugé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions subsidiaires de la commune en tant qu'elle recherchait la responsabilité solidaire de cette même entreprise et de l'Etat ; que ledit jugement a condamné la société Eiffage Travaux Publics à verser à la commune une somme de 115 194,53 euros et a condamné l'Etat à garantir la société à hauteur de 20 % ; que la société Eiffage Travaux Publics demande l'annulation dudit jugement ; que, par voie d'appel incident, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut à l'annulation du jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions de la société requérante dirigées à l'encontre de l'Etat ;

Sur la requête n°12NC01600 :

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Considérant, en premier lieu, que, pour retenir la responsabilité contractuelle de la société Routière Morin, les premiers juges ont estimé qu' " il résulte du rapport d'expertise que les désordres affectant le nouveau mur du cimetière ont pour origine la réalisation des fondations selon des modalités inappropriées, notamment du fait de l'absence de tout dispositif " hors gel ", et rendent nécessaire, eu égard à leur gravité, la reconstruction totale de l'ouvrage ; que de tels désordres, qui révèlent un manquement flagrant aux règles de l'art, sont de nature à engager la responsabilité contractuelle de l'entreprise à qui la commune avait confié la réalisation des travaux, alors même que le CCTP ne prévoyait pas explicitement la réalisation de fouilles hors gel et qu'une entreprise sous-traitante a concouru à l'exécution des travaux " ; que la responsabilité contractuelle de l'entrepreneur est engagée dès lors qu'il manque à son obligation de livrer un ouvrage exempt de défauts et apte à un fonctionnement normal; que, par suite, les premiers juges ont suffisamment motivé leur décision, alors même qu'ils ne se sont pas prononcés sur les missions respectives attribuées à l'entreprise et au maître d'oeuvre, ce qu'ils ont en revanche fait, à juste titre, lorsqu'ils se sont prononcés sur les conclusions en garantie dirigées contre l'Etat maître d'oeuvre ; qu'à ce dernier titre, les premiers juges ont par ailleurs suffisamment motivé leur jugement concernant les fautes retenues à l'encontre de l'Etat ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté ;

Sur la responsabilité :

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment des rapports des deux experts, que les désordres affectant le nouveau mur du cimetière de la commune de Prunay ont été constatés avant la fin des travaux, et qu'aucune réception des ouvrages n'a eu lieu ; que, par suite, la responsabilité contractuelle de la société Eiffage Travaux Publics, venant aux droits de la société Routière Morin, entrepreneur, peut être recherchée ;

5. Considérant qu'il résulte du rapport d'expertise établi le 27 juillet 2007, que les désordres procèdent de fouilles non réalisées hors gel ; que l'expert a par ailleurs relevé que les fouilles n'ont pas été redressées, que les fondations présentent une insuffisance d'ancrage, qu' il n'existe pas de chaînage en partie supérieure, pas de libre dilatation entre les existants et le neuf, pas de joint de rupture sur les 41,90 ml développé du mur de clôture, que les scellements des piquets de la clôture du grillage ne présentaient pas un encastrement évitant les effets d'arrachement du fait de la tension des lignes de pose du grillage et enfin que les ouvrages de pose des couronnements ne sont pas exécutés avec soin ; que les désordres susmentionnés ont également été constatés par le rapport d'expertise en date du 15 avril 2004 réalisé à la demande de la société Eiffage Travaux Publics par le CEBTP, attestant que l'ouvrage n'a pas été réalisé dans les règles de l'art de par l'insuffisance d'ancrage des fondations du mur et l'absence de chaînage dans la partie supérieure ; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la commune de Prunay était fondée à rechercher la responsabilité de la société Eiffage Travaux Publics Est et ont, par voie de conséquence, écarté les conclusions subsidiaires par lesquelles la commune recherchait la responsabilité solidaire de l'Entreprise et de l'Etat ;

Sur le préjudice :

6. Considérant que le préjudice subi par la commune de Prunay, maître d'ouvrage doit être évalué en tenant compte des mesures propres à rendre l'ouvrage conforme à ses caractéristiques contractuelles ; que si l'expert envisageait, lors du dépôt de son rapport en 2007, de manière approximative des travaux de reconstruction évalués à 80 000 euros, la commune de Prunay a produit un devis en date du 15 juillet 2009 dont le montant s'élève à 115 194,53 euros TTC, lequel n'est pas utilement contesté par la société Eiffage Travaux Publics ; que si la commune demande la majoration de ladite somme afin de tenir compte de frais de bureau d'études et de maîtrise d'oeuvre, elle n'apporte à l'appui de cette prétention aucun élément permettant d'en apprécier le bien fondé ; que si la société Eiffage Travaux Publics soutient que le montant des travaux à réaliser doit être évalué hors taxe, dès lors qu'aux termes des dispositions de l'article 261 du code général des impôts sont exonérées du paiement de la taxe sur la valeur ajoutée les collectivités publiques, dès lors qu'elles effectuent des opérations de construction, d'aménagement, de réparation et d'entretien des cimetières, elle ne peut invoquer utilement lesdites dispositions dès lors que celles-ci n'exonèrent de taxe sur la valeur ajoutée que les travaux réalisés sur les cimetières des combattants, héros, victimes ou morts de guerre, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que c'est à juste titre que le Tribunal administratif a condamné la société Eiffage Travaux Publics Est à verser une somme de 115 194,53 euros TTC à la commune de Prunay ;

Sur les conclusions en garantie de la société Eiffage Travaux Publics Est dirigées contre l'Etat :

8. Considérant, en premier lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, la société Eiffage Travaux publics était recevable à présenter devant le Tribunal des conclusions en garantie dirigées contre l'Etat dans un mémoire complémentaire parvenu après expiration du délai de recours ;

9. Considérant, en second lieu, qu'il ressort du cahier des clauses administratives particulières en date du 10 octobre 2002, que la direction départementale de l'équipement de Reims Sillery a été chargée, par le maître d'ouvrage, petite commune de moins de 300 habitants, d'une mission comprenant les études d'avant projet, les études projet, l'assistance du maître d'ouvrage pour passation des contrats de travaux, la direction de l'exécution des contrats de travaux, l'assistance au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception et pendant la garantie de parfait achèvement, l'ordonnancement, le pilotage et la coordination des travaux ; que le cahier des clauses administratives particulières en date du 11 septembre 2002 indiquait que " l'opération consistait en la démolition et reconstruction du mur, réseau pluvial et petits aménagements divers, que les ouvrages en maçonnerie devront être réalisés dans les règles de l'art " ; qu'il ressort du rapport d'expertise que ni le CCTP ni aucun autre document ne comportait de spécificités techniques quant à la conception du mur de clôture à réaliser ; que, par suite, l'Etat a commis une faute en s'abstenant de prévoir des spécifications propres à la réalisation du mur ; que, toutefois, l'exécution d'un ouvrage de fondation hors gel dans le département de la Marne relève des règles de l'art censées être connues par l'entreprise Routière Morin, qui dispose d'un savoir faire ; que, dans ces conditions, les premiers juges n'ont pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en retenant la responsabilité de l'Etat à hauteur de 20 % ; que les conclusions de la société requérante et de l'Etat doivent ainsi être rejetées sur ce point ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au profit de la commune de Prunay et de mettre à la charge de la société Eiffage Travaux Publics une somme de 1 500 euros à lui verser au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions de la société Eiffage Travaux Publics présentées au titre des frais qu'elle a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

Sur la requête n°12NC01669 :

11. Considérant que le présent arrêt statue sur la requête de la Société Eiffage Travaux Publics à fin d'annulation du jugement en date du 12 juillet 2012 du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne ; que par suite, les conclusions à fin de sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la société Eiffage Travaux Publics tendant au sursis à exécution du jugement du 12 juillet 2012 du Tribunal administratif de Chalons-en-Champagne.

Article 2 : La requête de la société Eiffage Travaux publics Est est rejetée.

Article 3 : La société Eiffage Travaux Publics Est versera à la commune de Prunay une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4: Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Eiffage Travaux Publics Est, à la commune de Prunay et au ministre de l'égalité des territoires et du logement.

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