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27/06/2013 | FRANCE | N°12NC01368

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 27 juin 2013, 12NC01368


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er août 2012, complétée par un mémoire en date du 19 octobre 2012, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me Branchet, avocat ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1001136 en date du 30 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune d'Augny de lui délivrer une permission de voirie permettant le raccordement du terrain dont elle est propriétaire sur Saint Blaise aux réseaux électrique

et de télécommunication, et, d'autre part, à condamner la commune d'Augny de...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 1er août 2012, complétée par un mémoire en date du 19 octobre 2012, présentée pour Mme B...A..., demeurant..., par Me Branchet, avocat ;

Mme A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1001136 en date du 30 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant, d'une part, à ce qu'il soit enjoint au maire de la commune d'Augny de lui délivrer une permission de voirie permettant le raccordement du terrain dont elle est propriétaire sur Saint Blaise aux réseaux électrique et de télécommunication, et, d'autre part, à condamner la commune d'Augny de lui verser une somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice moral ;

2°) de mettre à la charge de la commune d'Augny une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le maire n'était pas compétent pour refuser, sur le fondement des dispositions de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales, et des articles L. 111-1, L. 111-6 et L. 421-1 du code de l'urbanisme, l'autorisation de raccordement sollicitée ; ladite compétence appartient au gestionnaire du réseau ;

- il s'agit d'un raccordement provisoire et non définitif, et tant les premiers juges que le maire ont commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- ses droits fondamentaux n'ont pas été respectés, car le refus porte une atteinte durablement grave et disproportionnée au droit à une vie décente ainsi qu'à l'intérêt de ses enfants ;

- le refus d'un raccordement électrique constitue une atteinte aux droits et libertés fondamentales reconnus par le préambule de la Constitution, par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, par les articles 25 et 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; la décision litigieuse méconnaît l'article 1 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité et l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles ;

- la décision litigieuse est constitutive d'un détournement de pouvoir, d'abus de pouvoir et de rupture manifeste d'égalité entre les administrés de la commune car d'autres usagers ont obtenu une telle autorisation ; une telle décision constitue un acte de méfiance, voire d'hostilité à l'égard des gens du voyage ; le précédent propriétaire était raccordé au réseau France telecom ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2013, présenté pour la commune de Augny, représentée par son maire en exercice, à ce dument habilité, élisant domicile..., par Me Roth, avocat ;

Elle conclut au rejet de la requête et à mettre à la charge de Mme A...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la demande de Mme A...tendant à ce que le tribunal enjoigne à la commune de lui délivrer une permission de voirie lui assurant le raccordement de son terrain aux réseaux est irrecevable ;

- la parcelle de Mme A...est située en zone ND, inconstructible, et, par jugement du 19 octobre 2012, Mme A...a été reconnue coupable d'infraction aux dispositions du plan local d'urbanisme de la commune ;

- Mme A...souhaite s'installer durablement et non provisoirement sur la parcelle dont elle est propriétaire ;

- la commune n'a commis aucun détournement de pouvoir ;

Vu la décision du président près du bureau d'aide juridictionnelle en date du 14 février 2013, admettant Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Branchet pour la représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

Vu la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948 publiée au journal officiel du 9 février 1949 ;

Vu la Constitution du 4 octobre 1958, ensemble le préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'action sociale et des familles ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 juin 2013 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Branchet, avocat de MmeA... ;

Sur la responsabilité de la commune d'Augny :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'inopposabilité de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme :

1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1 ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone, si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités. " ; que l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme vise des constructions, aménagements, installations et travaux déterminés par décret et qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l'exigence d'un permis et font l'objet d'une déclaration préalable ; qu'aux termes de l'article R. 421-23 du même code alors en vigueur : "Doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : (...) d) l'installation, en dehors de terrains de camping et parcs résidentiels de loisirs, d'une caravane autre qu'une résidence mobile mentionnée au j ci-dessous lorsque la durée de cette installation est supérieure à trois mois par an ; sont prises en compte, pour le calcul de cette durée, toutes les périodes de stationnement, consécutives ou non (...) j) L'installation d'une résidence mobile visée par l'article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, constituant l'habitat permanent des gens du voyage, lorsque cette installation dure plus de trois mois consécutifs (...) " ; que, contrairement à ce que soutient MmeA..., ces dispositions permettent au maire de s'opposer au raccordement définitif au réseau de distribution d'électricité d'un mobil home, dès lors que le stationnement dudit mobil home nécessite une décision de non opposition à déclaration préalable, que l'intéressée ne détenait pas ; que, par suite, c'est à juste titre que le maire de la commune a fait application de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme ;

2. Considérant que, par un courrier adressé aux services de l'usine d'électricité de Metz le 19 août 2008, le maire de la commune d'Augny, informé d'une demande de branchement provisoire émanant de MmeA..., s'y est opposé aux motifs " qu'il n'est pas envisageable de raccorder une structure non autorisée dans une zone ND du plan d'occupation des sols " et qu'il " ne peut tolérer pour des raisons de salubrité qu'une famille s'installe dans ce secteur non desservi et qui n'a aucune vocation à l'être " ; que si le maire de la commune ne tient ni des pouvoirs de police générale que lui confère l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales ni des dispositions précitées de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme le pouvoir de s'opposer au raccordement provisoire du terrain de MmeA... , il ressort toutefois du courrier adressé par la requérante à France Telecom le 12 février 2009 que l'acquisition de la parcelle a été effectuée " en vue de pouvoir se sédentariser dans des conditions mieux appropriés à leur mode de vie car ils sont issus de la communauté des gens du voyage "; que, par suite, c'est à juste titre que les premiers juges ont considéré que la demande de Mme A...devait être interprétée comme tendant au raccordement non provisoire, mais définitif de sa parcelle aux réseaux ; que, par décision en date du 13 novembre 2008, le maire de la commune, compétent à cet effet eu égard aux dispositions précitées, s'est opposé à l'installation d'un mobil home sur ladite parcelle au motif, entre autres, que l'installation d'un mobil home de plus de 20 m2 en zone ND (zone à protéger en raison de la qualité du site) méconnaissait l'article 1 de ladite zone ; que, par suite, le maire de la commune de Augny pouvait légalement refuser d'autoriser le raccordement définitif à l'électricité et au téléphone du terrain de Mme A...sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, au motif principal tenant à la situation de la parcelle en zone ND du plan d'occupation des sols de la commune ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du droit à l'électricité :

3. Considérant que l'opposition du maire d'Augny au raccordement définitif du terrain en cause au service public de la distribution de l'électricité, n'a pas porté atteinte au droit de la requérante au logement et au droit à l'électricité, ces droits ne pouvant s'exercer que dans les conditions prévues par la loi ; que, par suite, la décision litigieuse n'est pas contraire au droit à l'électricité pour tous consacré par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ; que si la requérante invoque la méconnaissance de l'article L.115-3 du code de l'action sociale et des familles, un tel moyen est inopérant, ledit article ne concernant que les personnes rencontrant des difficultés financières face à un abonnement à l'électricité, ce qui n'est pas le cas de l'espèce ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, des articles 25 et 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales:

4. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 : " la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; que l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme reconnaît à toute personne le droit à un niveau de vie suffisant pour assurer sa santé, son bien-être et ceux de sa famille, notamment pour l'alimentation, l'habillement, le logement ;

5. Considérant que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'impliquent pas qu'un particulier puisse imposer à l'administration la possibilité d'établir son domicile dans une zone classée non constructible par un règlement d'urbanisme et d'y obtenir le raccordement aux divers réseaux ; qu'il appartient seulement au juge d'identifier une éventuelle ingérence de l'autorité publique dans les droits garantis, puis, en présence d'une telle ingérence, de vérifier si ses motifs sont pertinents et suffisants pour justifier l'atteinte qu'elle constitue ;

6. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, le refus du maire d'autoriser le raccordement définitif de son terrain opposé à la requérante repose sur les dispositions précitées de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme ; que si l' intéressée soutient que le refus du maire préjudicie à son droit à mener une vie décente et à l'intérêt de ses enfants qui sont scolarisés, il ressort des pièces du dossier qu'elle a toujours été informée du non respect des règles d'urbanisme en vigueur interdisant l'implantation d'un mobil home en zone non constructible, non respect pour lequel elle a été condamnée par jugement du 19 octobre 2012 du tribunal correctionnel de Metz ; qu'il n'est enfin pas établi ni même allégué que la requérante serait dans l'impossibilité d'implanter son mobil home dans un emplacement prévu à cet effet où elle pourrait bénéficier d'un raccordement à l'électricité légalement opéré ; qu'il s'ensuit que, dans les circonstances de l'espèce, l'ingérence du maire dans le droit de Mme A...au respect de sa vie familiale que constitue le refus de raccordement au réseau d'électricité n'a pas porté une atteinte disproportionnée à ce droit au regard du but poursuivi, tenant au respect des règles d'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des articles 25 et 26 de la Déclaration universelle des droits de l'homme doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré du détournement de pouvoir :

7. Considérant que si la requérante soutient que la décision litigieuse est constitutive d'un détournement de pouvoir, d'abus de pouvoir, de rupture manifeste d'égalité entre les administrés de la commune car d'autres usagers ont obtenu une telle autorisation, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, la décision de refus repose sur la méconnaissance des dispositions du code de l'urbanisme et du règlement du plan d'occupation des sols concernant la zone au sein de laquelle est implantée illégalement le mobil home ; que si elle soutient que le précédent propriétaire du terrain bénéficiait du raccordement au réseau France Télécom, cette circonstance n'établit pas qu'il y ait rupture d'égalité ; qu'enfin, si elle soutient que le comportement du maire constitue un acte de méfiance, voir d'hostilité à l'égard des gens du voyage, aucun élément au dossier ne permet de l'affirmer, et le détournement de pouvoir ainsi allégué n'est pas démontré ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement n°1001136 en date du 30 mai 2012, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions de la commune d'Augny tendant à l'application des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

9.Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'affaire, de mettre à la charge de Mme A...la somme de 1500 euros que demande la commune d'Augny au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Augny tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et à la commune d'Augny.

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