Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 26 juillet 2012, présentée pour la société Easyjet Switzerland SA, dont le siège est 5 route de l'Aéroport CH 1215 Genève par
Me A... du Can, avocat au barreau de Blois ;
La société Easyjet Switzerland SA demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0902153, 1002304 et 1103693 en date du 25 juin 2012 du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant, d'une part, à la décharge de la cotisation minimale de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2008 et 2009 dans les rôles de la commune de Saint-Louis et, d'autre part, de la cotisation foncière des entreprises à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2010 à raison de ses installations situées dans la même commune ;
2°) de prononcer les décharges demandées ;
Elle soutient que la notion de trafic international définie par le h de l'article 3 de la convention fiscale franco-suisse, doit faire l'objet d'une interprétation différente, ainsi que le prévoit l'article 3 de la convention lui-même, lorsque le contexte l'exige ; qu'en effet, la convention conclue le 21 juin 1999 entre la Suisse et la Communauté européennes, qui prévaut en vertu de son article 16 sur les accords conclus entre la Suisse et les Etats membres et donc sur la convention fiscale franco-suisse, regarde l'aéroport de Bâle-Mulhouse comme situé en Suisse ; que cette convention constitue le contexte particulier qui doit conduire à regarder, pour l'application de la convention fiscale franco-suisse, les vols effectués par une compagnie suisse depuis l'aéroport de Bâle-Mulhouse comme des vols internationaux partant de Bâle, alors même que l'aéroport est totalement situé en territoire français ; que cette interprétation a été confirmée par les autorités suisses dans une lettre du 6 avril 2009 ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 janvier 2013, présenté par le ministre de l'économie et des finances ;
Le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient :
- que l'accord du 21 juin 1999 conclu entre la Confédération suisse et la Communauté européenne, qui n'a vocation qu'à fixer les règles techniques de l'aviation civile, est sans incidence sur les stipulations de la convention fiscale franco-suisse ;
- qu'en vertu de la convention fiscale franco-suisse, la société Easyjet Switzerland SA qui a un établissement stable en France, est imposable à la taxe professionnelle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention franco-suisse relative à la construction et à l'exploitation de l'aéroport de Bâle-Mulhouse à Blotzheim conclue le 4 juillet 1949 modifiée et ses annexes ;
Vu la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 en matière d'impôt sur le revenu modifiée ;
Vu l'accord entre la fédération Suisse et la Communauté européenne sur le transport aérien conclu le 21 juin 1999 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 14 mai 2013 :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- et les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
1. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention fiscale franco-suisse du 9 septembre 1966 modifiée : "Une entreprise qui a son siège de direction effective en Suisse et qui exploite des aéronefs en trafic international est dégrevée d'office de la taxe professionnelle due à la France à raison de cette exploitation" ; qu'aux termes de l'article 3 de la même convention : "Au sens de la présente convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente : .... / h) L'expression "trafic international" désigne tout transport effectué par un navire ou aéronef exploité par une entreprise dont le siège de direction effective est situé dans un Etat contractant, sauf lorsque le navire ou l'aéronef n'est exploité qu'entre des points situés dans l'autre Etat contractant..." ;
2. Considérant que la société de droit suisse Easyjet Switzerland SA, dont le siège social est à Genève, exerce une activité de transport aérien à partir d'installations dont elle dispose dans l'aéroport de Bâle-Mulhouse situé sur le territoire français ; que l'administration a soumis la société à la cotisation minimale de taxe professionnelle au titre des années 2008 et 2009, ainsi qu'à la cotisation foncière des entreprises au titre de l'année 2010 dans les rôles de la commune de Saint-Louis, à raison de ses seules activités d'exploitation de lignes aériennes entre l'aéroport de Bâle-Mulhouse et des villes françaises, au motif qu'elles ne constituaient pas une exploitation d'aéronefs en trafic international au sens de l'articles 3 de la convention fiscale franco-suisse dès lors que les avions n'étaient exploités qu'entre des points situés en France et que ces activités ne relevaient donc pas du dégrèvement d'office prévu par l'article 8 de la convention ;
3. Considérant que si la société Easyjet Switzerland SA demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en tant qu'il a rejeté ses demandes en décharge, elle ne conteste pas qu'elle exerçait à titre habituel une activité professionnelle passible de la taxe professionnelle et de la cotisation foncière des entreprises au sens notamment de l'article 1447 du code général des impôts et que les impositions en litige ont été valablement établies au regard des dispositions de la loi française applicable à ses activités exercées dans l'enceinte de l'aéroport de Bâle-Mulhouse ; qu'elle fait seulement valoir en appel que le régime particulier de l'aéroport constitue, pour l'application de l'article 3 de la convention fiscale franco-suisse, un contexte exigeant que soit retenue une interprétation différente de l'expression "trafic international" définie par le h de cet article 3 ;
4. Considérant qu'il résulte des commentaires formulés postérieurement à l'adoption de la stipulation en cause par l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) que le contexte exigeant une interprétation différente au sens de l'article 3 de la convention franco-suisse est constitué "notamment par l'intention manifestée par les Etats contractants lors de la signature de la Convention, ainsi que par le sens que la législation de l'autre Etat contractant attribue au terme en cause, afin d'assurer un équilibre satisfaisant entre la nécessité d'assurer la permanence des engagements souscrits par les Etats lors de la signature de la convention et les exigences d'une application commode au fil des années évitant la référence à des notions tombées en désuétude" ;
5. Considérant que la société Easyjet Switzerland SA soutient qu'un contexte exigeant une interprétation différente serait constitué par l'accord sur le transport aérien conclu le 31 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne, entré en vigueur le 1er juin 2002, dont l'article 15 a pour conséquence de faire regarder les vols qu'elle effectue depuis ou vers l'aéroport de Bâle-Mulhouse comme effectués depuis ou vers la ville de Bâle, bien que l'aéroport soit situé sur le territoire français ; que, toutefois, le domaine d'application de l'accord est seulement, en application de son article 1, celui des règles auxquelles les parties contractantes doivent se conformer dans le domaine de l'aviation civile et si son article 16 prévoit sa suprématie sur les accord bilatéraux conclus entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne, cet article ne concerne, selon ses termes mêmes, que les droits de trafic ; que, dans ces conditions, cet accord ne saurait révéler l'intention des Etats contractants de la convention fiscale franco-suisse de ne plus considérer l'aéroport de Bâle-Mulhouse comme situé sur le territoire français et de regarder les vols effectués depuis ou vers cet aéroport comme ayant pour origine ou destination un point qui serait situé sur le territoire suisse ; que, de même, la circonstance que les autorités suisses aient confirmé à la société Easyjet Switzerland SA, par une lettre du 6 avril 2009, que les vols opérés par elle depuis la plateforme binationale de Bâle Mulhouse ont lieu au départ de Bâle sous droit de trafics suisses, est sans influence sur le litige relatif à la convention fiscale franco-suisse ; qu'ainsi, c'est à bon droit que l'administration n'a pas appliqué aux vols effectués par la société requérante entre l'aéroport de Bâle-Mulhouse et un autre point situé en France, le dégrèvement d'office de taxe professionnelle prévu par l'article 3 de la convention fiscale franco-suisse ; que, pour les mêmes motifs, la société Easyjet Switzerland SA ne peut prétendre au dégrèvement de la cotisation foncière des entreprises, cotisation qui a succédé à la taxe professionnelle ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Easyjet Switzerland SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Easyjet Switzerland SA est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Easyjet Switzerland SA et au ministre de l'économie et des finances.
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