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16/05/2013 | FRANCE | N°12NC01546

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 16 mai 2013, 12NC01546


Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2012, présentée pour M. B... C..., demeurant ...à Saint Avold (57500) et Mme A...D..., demeurant ...à Saint Avold (57500), par la SCP Gaucher Dieudonné Niango, avocats ;

M. C... et Mme D... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002915 du 13 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2010 par laquelle la société GDV leur a refusé l'accès à l'ensemble des aires de stationnement qu'elle gère sur le territoire français

;

2°) d'annuler la décision susévoquée ;

3°) de mettre à la charge de la so...

Vu la requête, enregistrée le 7 septembre 2012, présentée pour M. B... C..., demeurant ...à Saint Avold (57500) et Mme A...D..., demeurant ...à Saint Avold (57500), par la SCP Gaucher Dieudonné Niango, avocats ;

M. C... et Mme D... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1002915 du 13 juin 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2010 par laquelle la société GDV leur a refusé l'accès à l'ensemble des aires de stationnement qu'elle gère sur le territoire français ;

2°) d'annuler la décision susévoquée ;

3°) de mettre à la charge de la société GDV la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent qu'ils sont parents de trois enfants en bas âge scolarisés dans le département de la Moselle et qu'ils ne se déplacent qu'à l'intérieur du département ; que la décision attaquée constitue une sanction disproportionnée ; qu'elle a été prononcée sans qu'ils puissent faire valoir d'argument en défense et est entachée d'irrégularité, car prise en violation des droits de la défense ; que la société GDV ne dispose que d'un pouvoir de sanction limité qui doit s'exercer dans le cadre du règlement intérieur, lequel ne prévoit pas d'exclusion de l'ensemble des aires d'accueil gérées par ladite société ; que c'est à tort que les premiers juges se sont fondés, pour confirmer cette mesure d'exclusion générale, sur l'article 5 du règlement intérieur qui ne prévoit qu'une exclusion de l'aire d'accueil où il s'applique ; que compte tenu du nombre d'aires d'accueil que la société GDV gère dans le département, cette mesure équivaut à une interdiction étendue à tout le département, ce qui porte une atteinte excessive à leur liberté d'aller et de venir et à leur liberté d'avoir leur propre domicile ; que les faits qui leur sont reprochés sont isolés et ne suffisent pas à justifier une telle mesure ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2013, présenté pour la société GDV, qui conclut au rejet de la requête et à ce que M. C...et Mme D...soient condamnés à lui verser la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'en première instance les requérants n'avaient soulevé aucun moyen relatif à la légalité externe ; que le moyen de légalité externe soulevé pour la première fois en appel repose donc sur une cause juridique nouvelle et est irrecevable ; que Mme D...a été jugée coupable des faits de violence sur une salariée de l'aire d'accueil par jugement du Tribunal correctionnel de Sarreguemines du 29 septembre 2010 ; que la convention de délégation de service public met expressément à la charge du délégataire une obligation d'assurer la sécurité des personnes présentes sur le site qu'il gère et une obligation d'assurer le respect du règlement intérieur ; qu'ainsi elle a l'obligation de refuser l'accès aux différentes aires d'accueil dont elle a la charge aux personnes ayant commis des actes de violence et ne réglant pas leur redevance ; qu'au-delà de l'application du règlement intérieur concernant l'aire d'accueil en cause, elle devait prendre une décision permettant d'assurer la sécurité de son personnel, des occupants et des tiers sur les autres aires dont elle a la gestion ; que les résidents des aires d'accueil concluant un contrat avec le délégataire de service public, elle avait le droit en cette qualité de procéder à sa résiliation ; que, s'agissant des autres aires dont elle avait la gestion, elle se serait refusée à conclure de nouveaux contrats d'accueil avec les requérants ; qu'une telle décision qui repose sur des motifs légitimes, relève de sa liberté de contracter ; qu'elle ne gère que 2 % des équipements d'accueil mis à la disposition des itinérants ; que, dans le département de la Moselle, 13 aires d'accueil étaient en service au 31 décembre 2011 ; qu'au 4 janvier 2013, elle ne gérait que 3 des 16 aires d'accueil existantes en Moselle ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la décision attaquée ne comporte pas de mesure à caractère définitif ; qu'elle ne les empêche pas de continuer à vivre selon leur choix d'itinérance ; que les requérants n'ont plus payé leurs redevances de séjour sur l'aire d'accueil de Saint-Avold depuis avril 2010 ;

Vu le mémoire complémentaire en défense, enregistré le 4 avril 2013, présenté pour la société GDV, qui conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire en, réplique, enregistré le 12 avril 2013, présenté pour Mme D...et M. C..., qui concluent aux mêmes fins que la requête ;

Ils soutiennent en outre que la sanction qui leur a été infligée présente bien un caractère définitif ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 30 octobre 2012, admettant M. C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle, en date du 27 septembre 2012, admettant Mme D...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n°2000-614 du 5 juillet 2000 ;

Vu le décret n°2001-568 du 29 juin 2001 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2013 :

- le rapport de M. Pommier, président,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Niango, avocat de M. C...et de MmeD..., ainsi que celles de Me Villette, avocat de la Sarl GDV ;

1. Considérant que la communauté de communes du Pays Naborien a créé, à Saint-Avold, une aire d'accueil des gens du voyage dont elle a confié la gestion par voie de convention à la Sarl GDV ; qu'à la suite de faits de violence commis par Mme D...sur la personne d'un agent le 19 avril 2010, la Sarl GDV a, par une décision du même jour, refusé à Mme D... et à son compagnon, M.C..., l'accès à cette aire ainsi qu'à toutes les autres qu'elle gère sur le territoire français ; qu'elle a confirmé cette mesure d'exclusion de toutes les autres aires que celle de Saint-Avold par une décision du 26 avril suivant ; que la requête d'appel introduite par Mme D...et M. C...doit être regardée comme tendant à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Strasbourg du 13 juin 2012 en tant qu'il a rejeté leur demande tendant à l'annulation non de la décision du 26 avril 2010 mais de celle du 19 avril 2010, seule attaquée en première instance ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

* S'agissant de la sanction d'exclusion de l'aire d'accueil de Saint-Avold :

2. Considérant, en premier lieu, que dans leur demande de première instance, les requérants n'avaient soulevé aucun moyen relatif à la régularité de la procédure ; que, par suite, le moyen invoqué pour la première fois en appel et tiré de la violation des droits de la défense doit être écarté comme irrecevable car se rattachant à une cause juridique nouvelle ;

3. Considérant, en second lieu, d'une part, qu'aux termes de l'article 2 de la loi susvisée du 5 juillet 2000 : " I. - Les communes figurant au schéma départemental en application des dispositions des II et III de l'article 1er sont tenues, dans un délai de deux ans suivant la publication de ce schéma, de participer à sa mise en oeuvre. Elles le font en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil, aménagées et entretenues. Elles peuvent également transférer cette compétence à un établissement public de coopération intercommunale chargé de mettre en oeuvre les dispositions du schéma départemental ou contribuer financièrement à l'aménagement et à l'entretien de ces aires d'accueil dans le cadre de conventions intercommunales. / II. - Les communes et les établissements publics de coopération intercommunale intéressés assurent la gestion de ces aires ou la confient par convention à une personne publique ou privée. " ; que l'article 4 du décret du 29 juin 2001 pris pour l'application de cette loi dispose que : " I. - Dans les conditions précisées par le règlement intérieur établi par le gestionnaire, l'aire d'accueil est dotée d'un dispositif de gestion et de gardiennage permettant d'assurer, au moins six jours par semaine, grâce à une présence quotidienne non nécessairement permanente : 1° La gestion des arrivées et des départs ; 2° Le bon fonctionnement de l'aire d'accueil ; 3° La perception du droit d'usage prévu à l'article L. 851-1 du code de la sécurité sociale. " ;

4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du chapitre V du règlement intérieur adopté par la communauté de communes du Pays Naborien le 8 septembre 2009 et applicable à la décision contestée : " ... Tout manquement aux dispositions de ce règlement pourra donner lieu à un avertissement, éventuellement à des pénalités financières sous forme de retenues, selon la gravité des faits reprochés allant jusqu'à une interdiction temporaire ou définitive de séjourner sur l'aire d'accueil. En particulier le non respect des personnes et du matériel, le non-paiement des participations aux frais et des temps de séjour, les troubles de l'ordre public (rixe, scandale, ivresse, insultes, menaces, introduction de biens ou de matériels volés) (...) entraîneront une décision d'exclusion (...) pour une durée à déterminer dans chaque cas d'espèce " ;

5. Considérant que, pour infliger la sanction d'exclusion de l'aire de Saint-Avold, l'autorité délégataire s'est fondée sur le chapitre V du règlement intérieur de cette aire ; que cette mesure d'exclusion ne comporte aucune limitation de durée et doit donc être regardée comme définitive ;

6. Considérant que Mme D...s'est rendue coupable le 19 avril 2010 de faits de violence sur une personne exerçant l'autorité publique, ayant entraîné une ITT de 10 jours, faits pour lesquels elle a été condamnée par jugement du Tribunal correctionnel de Sarreguemines en date du 19 septembre 2010 à une peine d'un mois d'emprisonnement avec sursis ; qu'ainsi, eu égard à la gravité des faits reprochés, et alors même que l'intéressée n'avait pas commis de faits de même nature antérieurement et que la mesure d'exclusion définitive de cette aire de stationnement était de nature à entraîner des désagréments pour Mme D...et M. C...en les éloignant du lieu de scolarisation de leurs enfants, l'autorité délégataire a pu sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation retenir la sanction la plus élevée prévue par le règlement intérieur de l'aire d'accueil de Saint-Avold ;

* S'agissant de la mesure d'exclusion définitive de toutes les autres aires d'accueil gérées par la Sarl GDV :

7. Considérant qu'il ressort clairement des dispositions du chapitre V du règlement intérieur de l'aire d'accueil des gens du voyage de Saint-Avold que la mesure d'exclusion qu'il prévoit ne vaut que pour l'aire qu'il régit ; que, par suite, les requérants sont fondés à soutenir que c'est par une inexacte application de ces dispositions que le Tribunal administratif a estimé qu'elles pouvaient fonder légalement la mesure d'exclusion pour toutes les autres aires d'accueil gérées par la société GDV ;

8. Considérant qu'en admettant que la société GDV ait fait signer, comme elle le soutient, aux requérants un " contrat d'engagement " aux termes duquel les intéressés s'engageaient à respecter le règlement intérieur et qu'en cas de non-respect de leur engagement, ils ne " seraient plus autorisés à stationner sur cet équipement comme sur ceux gérés par GDV ", elle ne tenait d'aucune disposition le pouvoir de prendre une telle mesure générale d'exclusion, alors que la mission de service public qui lui est dévolue s'exerce non pas globalement mais dans le cadre de chaque convention de délégation dont elle est titulaire ; que, pour le même motif, elle ne saurait se prévaloir de ce que cette mesure a été prise en vue d'assurer la sécurité du personnel et des usagers de l'ensemble des aires d'accueil qu'elle gère ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...et M. C...sont seulement fondés à demander l'annulation de la décision de la gérante de la société GDV en date du 19 avril 2010 en tant qu'elle les exclut définitivement de toutes les aires d'accueil autres que celle de Saint-Avold qu'elle gère sur le territoire français ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

11. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la Sarl GDV, qui est partie perdante dans la présente instance, ne saurait par ailleurs solliciter le versement d'une somme au même titre ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 13 juin 2012 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 19 avril 2010 par laquelle la Sarl GDV a exclu définitivement Mme D...et M. C...de l'accès à toutes les aires de stationnement autres que celle de Saint-Avold qu'elle gère sur le territoire français.

Article 2 : La décision de la gérante de la société GDV en date du 19 avril 2010 excluant définitivement Mme D...et M. C...de l'accès à toutes les aires de stationnement autres que celle de Saint-Avold qu'elle gère sur le territoire français est annulée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme D...et de M. C... est rejeté.

Article 4 : Les conclusions de la société GDV tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme A... D...et à la société GDV.

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N° 12NC01546


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01546
Date de la décision : 16/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Polices spéciales - Police des gens du voyage.

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative - Bien-fondé.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Joseph POMMIER
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : GAUCHER DIEUDONNE NIANGO SCP

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-05-16;12nc01546 ?
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