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02/05/2013 | FRANCE | N°12NC01818

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 mai 2013, 12NC01818


Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2012, complétée par un mémoire complémentaire enregistré le 20 février 013, présentée par le préfet du Haut-Rhin ;

Le préfet du Haut-Rhin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202929-120930 du 3 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé ses arrêtés du 31 mai 2012 refusant à

M. D...et à Mme A...un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer leurs demandes da

ns un délai de quinze jours et, enfin, a mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somme...

Vu la requête, enregistrée le 17 décembre 2012, complétée par un mémoire complémentaire enregistré le 20 février 013, présentée par le préfet du Haut-Rhin ;

Le préfet du Haut-Rhin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1202929-120930 du 3 octobre 2012 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a, d'une part, annulé ses arrêtés du 31 mai 2012 refusant à

M. D...et à Mme A...un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer leurs demandes dans un délai de quinze jours et, enfin, a mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 700 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de rejeter les demandes de M. D...et de Mme A...devant le tribunal ;

Il soutient que :

- le refus d'admission provisoire au séjour en vue de solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié, fondé sur les dispositions du 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, était légal ;

- il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2013, présenté pour M. D...et MmeA..., demeurant..., par

MeC..., qui conclut au rejet de la requête au motif qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé, à ce que M. D...et Mme A...soient admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à Me C...en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu la décision du président bureau d'aide juridictionnelle, en date du 21 mars 2013, admettant M. D...et Mme A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la lettre en date du 28 mars 2013 par laquelle le président de la troisième chambre a informé les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la Cour serait susceptible de fonder sa décision sur un moyen d'ordre public tiré de ce que le tribunal a annulé les arrêtés en litige en se fondant sur un moyen inopérant ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2013 :

- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, président ;

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle : " Dans les cas d'urgence, sous réserve de l'application des règles relatives aux commissions ou désignations d'office, l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée ... par la juridiction compétente ou son président " ; qu'aux termes de l'article 62 du décret du 19 décembre 1991 pris pour l'application de ces dispositions : " L'admission provisoire est demandée sans forme au président du bureau ou de la section ou au président de la juridiction saisie (...) L'admission provisoire peut être prononcée d'office si l'intéressé a formé une demande d'aide juridictionnelle sur laquelle il n'a pas encore été définitivement statué " ;

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par une décision du 21 mars 2013, le président du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Nancy a accordé à M. D...et Mme A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale aux fins de demander l'annulation des arrêtés du préfet du Haut-Rhin du 31 mai 2012 ; que, par suite, il n'y a pas lieu de faire droit à leurs demandes tendant à l'octroi de l'aide juridictionnelle provisoire ;

Sur l'appel du préfet du Haut-Rhin :

3. Considérant, d'une part, que, lorsque le tribunal administratif a fait droit à une demande en se fondant sur un moyen inopérant, notamment en faisant application d'une règle de droit inapplicable, et que, pour contester le jugement de ce tribunal, l'appelant n'a pas invoqué le caractère inopérant du moyen retenu par les premiers juges, il appartient au juge d'appel de relever d'office cette inopérance pour censurer le motif retenu par le tribunal ; qu'il ne peut toutefois le faire qu'après en avoir préalablement informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative ;

4. Considérant que, pour annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 31 mai 2012 refusant un titre de séjour à M.D..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, le tribunal administratif de Strasbourg a fait droit au moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision du 21 mai 2012 refusant d'admettre au séjour l'intéressé en vue de solliciter la reconnaissance de la qualité de réfugié, soulevé à l'encontre de cet arrêté ; que, toutefois, un tel moyen est inopérant, dès lors que cette décision ne constitue pas le fondement du refus de titre de séjour qui a notamment été opposé à M. D...par l'arrêté contesté ; qu'il s'ensuit, que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le les premiers juges se sont fondés sur ce motif pour annuler l'arrêté pris à l'encontre de M.D... et annuler, par voie de conséquence, l'arrêté pris à l'encontre de MmeA..., sa compagne, au motif que celui-ci méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

5. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...et Mme A...devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

6. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. Barrois, secrétaire général de la préfecture du Haut-Rhin, a régulièrement reçu délégation à l'effet de signer tous arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département du Haut-Rhin, au nombre desquelles figurent les décisions relatives aux ressortissants étrangers, par arrêté du préfet de ce département du 6 janvier 2012 publié au recueil des actes administratifs des services de l'Etat dans le Haut-Rhin le 24 janvier suivant ; que, par suite, le moyen manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les arrêtés contiennent, sur trois pages d'un document qui en comporte cinq, les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, dès lors, ils sont suffisamment motivés ; que, par suite, le moyen tiré de leur insuffisance de motivation ne peut être qu'écarté comme manquant en fait ;

8. Considérant, en troisième lieu et ainsi qu'il a été dit plus haut, que les moyens soulevés à l'encontre de la décision du 21 mai 2012 refusant d'admettre M. D...au séjour sont inopérants pour contester la légalité de l'arrêté du 31 mai 2012 lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. D...et Mme A...sont entrés très récemment en France, le 24 janvier 2012 ; que rien ne s'oppose à ce que le couple reconstitue la cellule familiale dans un des pays d'où ils sont originaires, notamment au Monténégro, pays qui a délivré à M. D... une carte de séjour de personne déplacée et dans lequel les intéressés ont vécu pendant plus de dix années ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que les arrêtés contestés auraient porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale et méconnaîtraient ainsi les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

10. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que si certains des enfants du couple sont scolarisés, il ne ressort pas des pièces du dossier que les intéressés ne pourraient pas reconstituer, avec leurs enfants, leur cellule familiale dans leurs pays d'origine, notamment au Monténégro ou dans tout autre où ils seraient légalement admissibles, ni que les enfants ne pourraient pas y être scolarisés ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article

3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

11. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " et qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...)Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; que si M. D...et MmeA..., dont les demandes d'admission au statut de réfugié ont été rejetées par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 22 mars 2012, font valoir qu'ils ne peuvent retourner dans leurs pays d'origine, notamment au Monténégro, dès lors que les autorités de ces pays ne sont pas en mesure de les protéger contre les menaces dont ils auraient fait l'objet, la seule production de leurs récits et d'un rapport général du conseil de l'Europe ne permet pas d'établir qu'ils se trouveraient personnellement exposés à un risque réel, direct et sérieux pour leur vie ou leur liberté en cas de retour dans leurs pays d'origine ou dans tout autre où ils seraient légalement admissibles ; que, dès lors, le préfet du Haut-Rhin n'a méconnu ni les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en les obligeant à quitter le territoire national ;

12. Considérant, en septième et dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Haut-Rhin aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses arrêtés sur la situation personnelle des intéressés ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Haut-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé ses arrêtés du 31 mai 2012 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions aux fins d'injonction de M. D...et Mme A...ne peuvent, dès lors, qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de M. D...et Mme A...tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

15. Considérant qu'il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du

10 juillet 1991 relatives à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à ses clients, si ces derniers n'avaient pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ; que l'Etat, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, ne saurait verser à l'avocat de M. D...et Mme A...une somme en application de ces dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1202929-1202930 du 3 octobre 2012 du tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. D...et Mme A...devant le tribunal administratif de Strasbourg sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de M. D...et Mme A...tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. E...D...et à Mme B...A....

Copie du présent arrêt sera adressée pour information au préfet du Haut-Rhin.

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N° 12NC01818


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01818
Date de la décision : 02/05/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme HERBELIN
Rapporteur ?: Mme Catherine FISCHER-HIRTZ
Rapporteur public ?: M. COLLIER
Avocat(s) : JULIE BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-05-02;12nc01818 ?
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