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02/05/2013 | FRANCE | N°12NC01616

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 02 mai 2013, 12NC01616


Vu I°), sous le n° 1201292, la requête, enregistrée le 20 juillet 2012, présentée pour Mme H...J..., demeurant..., Mme F...J..., agissant en son nom propre et au nom son fils mineur L...C..., demeurant..., Mlle K... C..., demeurant..., Mlle D...C..., demeurant..., Mme G...A..., demeurant..., Mme I...A..., demeurant..., M. B... A..., demeurant..., M. E... J..., demeurant..., par la Selarl Coubris, Courtois et associés ;

Mme J...et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001363 du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champag

ne a rejeté leur demande tendant à ce que l'Office national d'indemnis...

Vu I°), sous le n° 1201292, la requête, enregistrée le 20 juillet 2012, présentée pour Mme H...J..., demeurant..., Mme F...J..., agissant en son nom propre et au nom son fils mineur L...C..., demeurant..., Mlle K... C..., demeurant..., Mlle D...C..., demeurant..., Mme G...A..., demeurant..., Mme I...A..., demeurant..., M. B... A..., demeurant..., M. E... J..., demeurant..., par la Selarl Coubris, Courtois et associés ;

Mme J...et autres demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1001363 du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) soit condamné à les indemniser du préjudice subi du fait de la contamination de Mme H...J...par le virus de l'hépatite C ;

2°) d'ordonner une expertise complémentaire afin de procéder à une évaluation des préjudices subis par Mme J...du fait de sa contamination ;

3°) d'allouer à MmeJ..., à titre provisionnel, les sommes de 10 000 euros au titre des préjudices patrimoniaux, 23 210 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux temporaires et 179 500 euros au titre des préjudices extrapatrimoniaux permanents ;

4°) d'accorder la somme de 15 000 euros à chacun de ses trois enfants et la somme de10 000 euros à chacun de ses cinq petits-enfants en réparation de leur préjudice moral ;

5°) de mettre ces sommes à la charge de l'ONIAM, ainsi que les intérêts au taux légal à compter de leur recours amiable, le 21 janvier 2009 ;

6°) de déclarer le recours opposable à l'organisme de sécurité sociale ;

7°) de condamner l'ONIAM à leur verser la somme de 6 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- bien que certaines pièces aient disparues de son dossier médical, il est établi que Mme J...a subi une transfusion sanguine le 19 avril 1983 lors de l'intervention chirurgicale réalisée à l'hôpital Lariboisière à Paris ;

- plusieurs des donneurs n'ayant pu être contrôlés, l'innocuité des produits sanguins n'est ainsi pas rapportée ;

- l'état de santé de Mme J...s'étant gravement dégradé, il y a lieu d'ordonner une expertise complémentaire afin déterminer l'étendue de ses préjudices ;

- une allocation temporaire pourra lui être accordée, d'un montant de 10 000 euros au titre de l'incidence professionnelle de sa contamination, 15 000 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire de 15% dont elle est atteinte depuis 1993, 8 000 euros au titre des souffrances endurées, 19 500 euros au titre de son déficit permanent, 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément, 150 000 euros au titre du préjudice spécifique de contamination, soit une somme totale de 212 710 euros ;

- le préjudice moral de ses enfants et petits-enfants sera indemnisé respectivement à hauteur de 15 000 et 10 000 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 septembre 2012, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne par la SCP d'avocats Millot-Logier et Fontaine, qui conclut :

- à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 juin 2012 ;

- à la condamnation de l'ONIAM à lui verser la somme de 37 200,95 euros, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

- à ce que les appelants lui versent la somme de 2 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;

Elle soutient que :

- alors que le doute doit profiter à la victime, l'imputabilité de la contamination de Mme J...par l'hépatite C à l'administration de produits sanguins devra être retenue ;

- elle a exposé pour le compte de son assurée, au titre des frais d'hospitalisation, des frais médicaux et pharmaceutiques, des frais de rééducation fonctionnelle et des frais de transport, la somme totale de 37 200,95 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 janvier 2013, présenté pour l'ONIAM par UGGC avocats, par lequel l'ONIAM déclare s'en remettre à la sagesse de la cour quant à la question de l'imputabilité de la contamination par le virus de l'hépatite C de Mme J...aux transfusions sanguines alléguées et demande à la Cour :

- d'ordonner une expertise complémentaire afin de déterminer l'étendue des préjudices subis par MmeJ... ;

- de réduire à de plus justes proportions la provision qui sera allouée à MmeJ..., sans qu'elle excède 20 000 euros ;

- de réduire à de plus justes proportions les indemnisations sollicitées au titre du préjudice moral des enfants et petits-enfants de MmeJ..., sans qu'elles excèdent 3 000 euros pour chacun des enfants et 1 000 euros pour chacun des petits-enfants ;

- de rejeter la requête de la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne ;

L'ONIAM soutient que :

- il résulte de l'instruction écrite qu'aucun élément documenté ne vient étayer la matérialité de la transfusion et que seules les données de distribution sont disponibles ; il s'en remet sur ce point à la sagesse de la cour ;

- l'enquête transfusionnelle n'a pu être réalisée mais la victime a subi également deux autres interventions chirurgicales ; il appartiendra donc à la cour de dire si l'imputabilité de la contamination à une éventuelle transfusion peut être retenue ;

- en l'état du dossier et compte tenu des éléments produits, il faudra faire droit à la demande d'expertise ;

- la demande de la caisse, qui ne produit aucun justificatif de ses débours et n'apporte pas la preuve de leur imputabilité à la contamination de la victime par le VHC, devra être rejetée ;

Vu le mémoire enregistré le 25 mars 2013, présenté pour l'ONIAM qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre que :

- la demande de la caisse n'est recevable que si le centre de transfusion sanguine en cause était couvert par un contrat d'assurance repris par l'Etablissement français du sang et en cours de validité ;

- afin de lui permettre d'exercer un recours contre l'assureur du centre de transfusion, l'origine des produits sanguins incriminés devra être précisée ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mars 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne ;

Vu II°), sous le n° 1201616, la requête, enregistrée le 21 septembre 2012, présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne, par la SCP d'avocats Millot-Logier et Fontaine ; la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne demande à la cour :

1°) d'annuler le n° 1001363 du 14 juin 2012 par lequel le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) soit condamné à lui verser la somme de 37 200,95 euros en remboursement du montant des frais exposés pour le compte de son assurée, MmeJ... ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme de 37 200,95 euros, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;

3°) de mettre à la charge des appelants la somme de 2 000 euros au titre de l'article L761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens ;

Elle soutient que ;

- alors que le doute doit profiter à la victime, l'imputabilité de la contamination de Mme J...par l'hépatite C à l'administration de produits sanguins devra être retenue ;

- elle a exposé pour le compte de son assurée, au titre des frais d'hospitalisation, des frais médicaux et pharmaceutiques, des frais de rééducation fonctionnelle et des frais de transport, la somme totale de 37 200,95 euros ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 janvier 2013, présenté pour l'ONIAM par UGGC avocats, par lequel l'ONIAM déclare s'en remettre à la sagesse de la cour quant à la question de la question de l'imputabilité de la contamination par le virus de l'hépatite C de Mme J...aux transfusions sanguines alléguées et demande à la Cour :

- d'ordonner une expertise complémentaire afin de déterminer l'étendue des préjudices subis par MmeJ... ;

- de réduire à de plus justes proportions la provision qui sera allouée à MmeJ..., sans qu'elle excède 20 000 euros ;

- de réduire à de plus justes proportions les indemnisations sollicitées au titre du préjudice moral des enfants et petits-enfants de MmeJ..., sans qu'elles excèdent 3 000 euros pour chacun des enfants et 1 000 euros pour chacun des petits-enfants ;

- de rejeter la requête de la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne ;

L'ONIAM soutient que :

- il résulte de l'instruction écrite qu'aucun élément documenté ne vient étayer la matérialité de la transfusion et que seules les données de distribution sont disponibles ; il s'en remet sur ce point à la sagesse de la cour ;

- l'enquête transfusionnelle n'a pu être réalisée, mais, la victime ayant subi également deux autres interventions chirurgicales, il appartiendra à la cour de dire si l'imputabilité de la contamination à une éventuelle transfusion peut être retenue ;

- en l'état du dossier et compte tenu des éléments produits, il conviendra de faire droit à la demande d'expertise ;

- la demande de la caisse, qui ne produit aucun justificatif de ses débours et n'apporte pas la preuve de leur imputabilité à la contamination de la victime par le VHC, devra être rejetée ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 mars 2013, présenté pour l'ONIAM qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire, par les mêmes moyens ; il soutient, en outre que :

- la demande de la caisse n'est recevable que si le centre de transfusion sanguine en cause était couvert par un contrat d'assurance repris par l'Etablissement français du sang et en cours de validité ;

- afin de lui permettre d'exercer un recours contre l'assureur du centre de transfusion, l'origine des produits sanguins incriminés devra être précisée ;

Vu le mémoire, enregistré le 29 mars 2013, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de la sécurité sociale ;

Vu la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé ;

Vu la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009, notamment le IV de son article 67 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 avril 2013 :

- le rapport de Mme Bonifacj,

- et les conclusions de M. Collier, rapporteur public ;

1. Considérant que les requêtes n° 1201292 présentée pour Mme J...et autres et n° 1201616 présentée pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt ;

Sur les obligations de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur. / Cette disposition est applicable aux instances en cours n'ayant pas donné lieu à une décision irrévocable " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que Mme J...a subi, le 19 avril 1983, une intervention chirurgicale pour l'exérèse d'un méningiome du sinus caverneux droit, réalisée à l'hôpital Lariboisière à Paris, pour laquelle huit culots globulaires et six plasmas frais congelés avaient été demandés par l'établissement la veille de l'intervention ; que si la feuille d'anesthésie et les feuilles de surveillance post opératoire, où auraient dû être mentionnées les transfusions réalisées, ont disparu du dossier de la patiente, il ressort du rapport de l'expertise ordonnée en première instance que la transfusion était indiquée dans le cas de MmeJ..., compte tenu de la nature de l'intervention et des pratiques alors en vigueur ; qu'en 1993, c'est à la demande de l'établissement que la requérante a été convoquée pour un dépistage de la sérologie de l'hépatite, au motif qu'elle y avait subi une transfusion sanguine, et que la contamination a été constatée ; qu'en outre, le génotype du virus dont est porteuse la requérante est le plus fréquemment rencontré en cas de contamination par voie transfusionnelle, sans qu'il soit établi qu'elle aurait subi des transfusions sanguines lors d'autres interventions chirurgicales ; qu'ainsi, Mme J...doit être regardée comme rapportant la preuve qu'elle a bien subi une transfusion lors de l'intervention du 19 avril 1983, ce que l'ONIAM, qui s'en remet sur cette question à la sagesse de la cour, ne conteste pas sérieusement ; que l'enquête transfusionnelle n'ayant pas permis de contrôler l'ensemble des donneurs, l'innocuité des produits sanguins en cause n'est pas établie ; que, par suite, la réparation des conséquences dommageables de la contamination de Mme J...par le virus de l'hépatite C incombe à l'ONIAM substitué à l'Etablissement français du sang ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme J...et autres et la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à être réparés des conséquences résultant de la contamination de Mme J...par le virus de l'hépatite C ;

Sur les préjudices :

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'état de santé de Mme J...a évolué défavorablement depuis le 25 mars 2008, date du rapport de l'expertise ordonnée en première instance ; que l'état du dossier ne permet pas à la Cour de se prononcer sur la nature et l'étendue des préjudices subis par la victime ; qu'il y lieu, dès lors, d'ordonner un supplément d'expertise ;

6. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, la créance de Mme J...pouvant être regardée comme non sérieusement contestable, il y a lieu de condamner l'ONIAM à lui verser une provision de 20 000 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne du 14 juin 2012 est annulé.

Article 2 : L'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales est condamné à verser à Mme H...J...une provision de 20 000 euros.

Article 3 : Il est ordonné une expertise médicale aux fins de décrire les conséquences pathologiques passées et actuelles de la contamination de Mme J...par le virus de l'hépatite C ; l'expert précisera la nature et l'étendue des préjudices de toute nature résultant pour Mme J...de sa contamination en les distinguant, le cas échéant, de ceux découlant d'autres pathologies dont elle serait atteinte ; il indiquera, le cas échéant, les perspectives d'évolution de la maladie.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-1 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 5 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant le président de la cour. Il déposera son rapport dans le délai de trois mois suivant la prestation de serment.

Article 6 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 7 : Tous droits et moyens sont réservés pour y être statué en fin d'instance.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme H...J..., à Mme F...J..., à Mlle K... C..., à Mlle D...C..., à Mme G...A..., à Mme I...A..., à M. B... A..., à M. E... J..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de la Marne.

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N° 12NC01292,12NC01616


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