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18/03/2013 | FRANCE | N°12NC00882

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 mars 2013, 12NC00882


Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2012, présentée pour M. C... B..., demeurant au..., par Me Faivre-Monneuse, avocat ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101016 du 15 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 25 mai 2011 confirmant la décision du 19 novembre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail a retiré sa décision du 19 juillet 2010 autorisant son licenciement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société MBP Industr

ie devant le Tribunal administratif de Besançon ;

M. B... soutient que :

- le juge...

Vu la requête, enregistrée le 16 mai 2012, présentée pour M. C... B..., demeurant au..., par Me Faivre-Monneuse, avocat ;

M. B... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101016 du 15 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 25 mai 2011 confirmant la décision du 19 novembre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail a retiré sa décision du 19 juillet 2010 autorisant son licenciement ;

2°) de rejeter la demande présentée par la société MBP Industrie devant le Tribunal administratif de Besançon ;

M. B... soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ; il est contradictoire avec le jugement n° 1001261 prononçant le non lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juillet 2010 par laquelle l'inspectrice du travail de Lons-le-Saunier avait accordé à la société MBP Industrie l'autorisation de procéder à son licenciement pour motif économique ;

- l'entreprise MBP Industrie n'établissant pas la réalité des difficultés économiques qu'elle invoque, c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le ministre avait entaché d'une erreur manifeste d'appréciation sa décision portant retrait de l'autorisation précédemment délivrée ;

- contrairement aux affirmations du tribunal, son employeur n'a pas satisfait à son obligation de reclassement ;

- les critères relatifs à l'ordre des licenciements n'ont pas été respectés ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 12 juillet 2012 par laquelle la présidente du bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu l'ordonnance en date du 23 octobre 2012 fixant la clôture de l'instruction le 27 novembre 2012 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2012, présenté pour la société MBP Industrie, dont le siège est ZI, en Grain, à Molinges (39360), représentée par son président, par Me A..., qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code du travail ;

La société MBP Industrie soutient que :

- les premiers juges ont pris en considération l'ensemble des moyens soulevés par M. B... ;

- dans le cadre de leur jugement n° 1001261, les premiers juges n'avaient pas à statuer sur la légalité de la décision de l'inspecteur du travail autorisant le licenciement de M. B...dès lors que cette décision avait été spontanément retirée ;

- son chiffre d'affaires et son résultat s'étant effondrés en 2009 et en 2010 avec la crise économique, elle a été contrainte d'envisager une réorganisation de ses activités pour sauvegarder sa compétitivité ;

- elle a recherché et proposé à M. B...toutes les offres d'emplois disponibles dans l'entreprise et dans le groupe auquel elle appartient ;

- l'autorité administrative n'est pas compétente pour se prononcer sur la validité des critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements ; la place de M. B...dans l'ordre des licenciements pas plus que l'application qui lui a été faite des critères en fonction desquels cet ordre a été défini n'a de rapport avec l'exercice de son mandat ;

Vu le mémoire, enregistré le 27 novembre 2012, présenté par le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social qui conclut à l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Besançon du 15 mars 2012 ;

Le ministre soutient que :

- le motif économique invoqué par la société MBP Industrie n'est pas établi ;

- les offres de reclassements proposées à M. B...n'étaient ni concrètes, ni précises ;

- la société MBP Industrie n'a fourni aucun élément de nature à justifier de l'application des critères relatifs à l'ordre des licenciements ;

Vu l'ordonnance en date du 27 novembre 2012 reportant la clôture de l'instruction au 19 décembre 2012 à 16 heures ;

Vu le mémoire en production de pièces, enregistré le 13 février 2012, présenté pour M. B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 février 2013 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société MBP Industrie ;

1. Considérant que le 19 mai 2010, la société MBP Industrie a sollicité de l'inspecteur du travail de la 1ère section du Jura l'autorisation de licencier pour motif économique M.B..., membre suppléant de la délégation unique du personnel ; que par décision en date du 19 juillet 2010, l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement de M.B... ; qu'après l'introduction par M. B...d'un recours contentieux à l'encontre de cette décision, l'inspecteur du travail a, par une nouvelle décision du 17 novembre 2010, retiré sa décision du 19 juillet ; que par décision en date du 25 mai 2011, le ministre chargé du travail, saisi d'un recours hiérarchique par la société MBP Industrie, a confirmé la décision de retrait ; que M. B...demande l'annulation du jugement du 15 mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a annulé cette décision du ministre du travail ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 2411-5 du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis des fonctions de délégué du personnel, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement du salarié, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; qu'en outre, pour refuser l'autorisation sollicitée, l'autorité administrative a la faculté de retenir des motifs d'intérêt général relevant de son pouvoir d'appréciation de l'opportunité, sous réserve qu'une atteinte excessive ne soit pas portée à l'un ou l'autre des intérêts en présence ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.[...]. " ; qu'est au nombre des causes sérieuses de licenciement économique la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la société MBP Industrie, qui conçoit et fabrique des rétroviseurs extérieurs et des commandes d'ouvertures intérieures et extérieures pour différents constructeurs automobiles, a subi, à la suite de la crise économique frappant ce secteur, une diminution entre 2008 et 2009 de 24 % de son chiffre d'affaires et de 61 % de son résultat d'exploitation ; que l'arrêt des missions d'intérim en 2008, la réintégration courant 2009 de travaux jusqu'alors sous-traités, la suppression d'une équipe de nuit à l'assemblage, la modification des horaires de nuit et le recours au chômage partiel n'ont pas permis d'éviter une nouvelle dégradation du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation en 2010 ; que si l'entreprise a d'ores et déjà obtenu le développement d'un rétroviseur pour un nouveau client et peut espérer concrétiser les consultations actuellement menées avec PSA, ces commandes n'étaient susceptibles d'avoir un impact sur son niveau d'activité que fin 2011 au plus tôt ; qu'alors même que son résultat restait positif fin 2009, la nécessité de sauvegarder sa compétitivité a ainsi pu conduire l'entreprise MBP Industrie notamment à réduire l'amplitude d'ouverture de son atelier peinture pour réduire ses coûts de structure et donc à licencier M.B..., conducteur de ligne dans cet atelier ; que, dans ces conditions, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le ministre du travail avait commis une erreur manifeste d'appréciation en confirmant la décision de l'inspecteur du travail retirant l'autorisation de licenciement délivrée au motif que la situation économique de l'entreprise ne justifiait pas la suppression de son poste de travail ;

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 1233-4 de ce code : " Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. / Le reclassement du salarié s'effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d'une rémunération équivalente. À défaut, et sous réserve de l'accord exprès du salarié, le reclassement s'effectue sur un emploi d'une catégorie inférieure. / Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises " ;

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par courrier daté du 7 mai 2010, la société MBP Industrie a proposé à M.B..., en l'absence d'emploi disponible relevant de la même catégorie que celui qu'il occupait, un reclassement sur des postes d'opérateurs presse, montage ou peinture ; qu'elle lui a également remis en mains propres le 6 mai 2010 les offres de reclassement pour des postes d'opérateur ou de manutention proposées par quatre sociétés faisant partie du groupe auquel elle appartient ; que toutes ces propositions concernent des missions à durée déterminée ou des missions intérimaires " à la semaine en fonction du carnet de commande " ; qu'il s'ensuit que des emplois étant ainsi potentiellement disponibles dans l'entreprise et dans le groupe, il appartenait à l'entreprise MBP Industrie de les proposer à M. B... dans le cadre d'un emploi salarié et non sous forme de contrat d'intérim ; que s'agissant des missions à durée déterminée, les offres de reclassement proposées étant hypothétiques faute de toute précision sur les plans de charge des entreprises concernées, elles ne précisaient pas les dates de début des contrats ; qu'ainsi, elles ne constituent pas en tout état de cause des offres concrètes et précises ; que par suite, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que l'entreprise MBP Industrie avait satisfait à son obligation de reclassement ;

7. Considérant que l'inspecteur du travail comme le ministre était tenu, pour ce seul motif, de refuser l'autorisation de licenciement sollicitée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et en l'absence de tout autre moyen soulevé par l'entreprise MBP Industrie à l'appui de sa demande de première instance, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a annulé la décision du ministre du travail, de l'emploi et de la santé en date du 25 mai 2011 confirmant la décision du 19 novembre 2010 par laquelle l'inspecteur du travail a retiré sa décision du 19 juillet 2010 autorisant son licenciement ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société MBP Industrie la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société MBP industrie une somme de 1 500 euros à verser à M. B...au même titre ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Besançon du 15 mars 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société MBP Industrie devant le Tribunal administratif de Besançon et ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La société MBP Industrie versera à M. B...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B..., au ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social et à la société MBP Industrie.

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N° 12NC00882


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00882
Date de la décision : 18/03/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : FAIVRE MONNEUSE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-03-18;12nc00882 ?
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