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28/01/2013 | FRANCE | N°11NC01588

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 28 janvier 2013, 11NC01588


Vu la décision n° 330155 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, en date du 26 juillet 2011, qui, après avoir annulé l'arrêt n° 08NC00494 du 28 mai 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement no 0501826 du 24 janvier 2008 du Tribunal administratif de Besançon et a rejeté les conclusions de M. C...tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Besançon à lui verser les sommes de 17 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle, de 12 000 euros au titre du pretium doloris et de 5 000 euros au titre du préjudice d'agré

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Vu la décision n° 330155 du Conseil d'Etat statuant au contentieux, en date du 26 juillet 2011, qui, après avoir annulé l'arrêt n° 08NC00494 du 28 mai 2009 par lequel la Cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement no 0501826 du 24 janvier 2008 du Tribunal administratif de Besançon et a rejeté les conclusions de M. C...tendant à la condamnation du centre hospitalier universitaire de Besançon à lui verser les sommes de 17 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle, de 12 000 euros au titre du pretium doloris et de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément, a renvoyé à cette dernière le jugement de l'affaire ;

Vu la requête enregistrée le 31 mars 2008, complétée par un mémoire enregistré le 9 juin 2008, présentée pour le centre hospitalier de Besançon, dont le siège est au 2, Place Saint-Jacques, à Besançon (25030), par MeE...; le centre hospitalier de Besançon demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0501826 du 24 janvier 2008 par lequel le Tribunal administratif de Besançon, d'une part l'a condamné à verser à M. C...une indemnité de 20 000 € en réparation de ses préjudices et une somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, d'autre part, a mis à sa charge définitive les frais d'expertise s'élevant à la somme de 380 € ;

2°) de rejeter la demande de M. C...devant le Tribunal administratif de Besançon ;

Il soutient que :

- le jugement est insuffisamment motivé : l'hématome du psoas ayant pour origine les traitements mis en oeuvre par le laboratoire Rhône Poulenc Rorer dans le cadre du protocole appliqué à M.C..., avec son consentement, et l'intéressé n'ayant pas précisé si l'assurance du laboratoire avait ou non pris en charge les suites dommageables liées audit protocole, le tribunal aurait dû rechercher d'office si l'intéressé n'avait pas été déjà indemnisé des suites de son hospitalisation par l'assureur du laboratoire ;

- c'est à tort que le tribunal lui a imputé une faute, l'expert ayant écarté tout défaut de surveillance et souligné que les méthodes dediagnostic de l'hématome avaient été effectuées normalement, compte tenu de l'évolution clinique ;

- sa responsabilité n'aurait pu tout au plus être retenue qu'au titre d'une perte de chance, si bien que seule une fraction du préjudice lui était, le cas échéant, imputable ; une nouvelle expertise pourrait éventuellement être ordonnée, pour déterminer l'ampleur de la perte de chance subie ;

- l'évaluation du préjudice est excessive ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire enregistré le 3 septembre 2008, présenté pour M. C...par la SCP d'avocats Terryn-Aitali-Robert-Mordefroy ; M. C...conclut au rejet de la requête, à ce qu'une somme de 1 000 € soit mise à la charge du centre hospitalier de Besançon au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, par voie d'appel incident, à ce que la somme qui lui a été allouée par le tribunal soit portée à 34 000 € :

Il fait valoir que :

- les traitements mis en oeuvre dans le cadre du protocole pour lequel il avait donné son consentement ne sont pas la cause de l'apparition de l'hématome du psoas ; il n'a pas été indemnisé par l'assureur du laboratoire chargé de cet essai ;

- le centre hospitalier est entièrement responsable des conséquences dommageables de la faute commise lors de son hospitalisation en août 2001 et consistant en un retard de diagnostic de l'hématome du psoas ; aucune perte de chance n'est en cause en l'espèce ;

- le tribunal a sous-évalué ses préjudices ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 mars 2009, présenté pour la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Saône par Me A...; la caisse demande la condamnation du centre hospitalier de Besançon à lui verser :

- la somme de 35 928,73 €, correspondant au remboursement de ses débours ;

- la somme de 955 €, au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

- la somme de 700 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Vu le courrier du 30 mars 2009 informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir est susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public ;

Vu le mémoire enregistré le 6 avril 2009, présenté pour le centre hospitalier de Besançon, qui conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2012, présenté pour le centre hospitalier universitaire de Besançon ; le centre hospitalier universitaire de Besançon demande à la Cour de rejeter les conclusions de M.C... ;

Il fait valoir que :

- les conditions pour engager la responsabilité sans faute de l'établissement de soins ne sont pas remplies ;

- le centre hospitalier n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité ;

- à titre subsidiaire, le jugement est insuffisamment motivé dès lors que le tribunal n'a pas recherché si M. C...n'avait pas déjà été indemnisé des suites de son hospitalisation ;

- à titre subsidiaire encore, dès lors que le tribunal a retenu comme faute un retard de diagnostic, il ne pouvait indemniser que le préjudice résultant de la perte de change d'obtenir une amélioration de son état de santé, par une fraction du dommage déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue et non l'intégralité du préjudice ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 avril 2012, présenté pour M. D...C..., domicilié..., par la SCP Terryn Aitali, Robert Mordefroy ; M. C...demande à la cour :

1°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Besançon à lui verser les sommes de 17 000 euros au titre de l'incapacité permanente partielle, de 12 000 euros au titre du pretium doloris et de 5 000 euros au titre du préjudice d'agrément en raison de la faute commise par le centre hospitalier lors de son hospitalisation ou, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité sans faute ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Besançon la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il fait valoir que :

- il n'a pas été indemnisé dans le cadre de l'essai thérapeutique ;

- le diagnostic a été tardif ;

- à titre subsidiaire, la responsabilité sans faute de l'établissement peut être retenue ;

- il ne subirait aucune séquelle si l'hématome avait été diagnostiqué à temps ;

Vu le mémoire enregistré le 21 mai 2012, présenté pour le centre hospitalier de Besançon qui conclut aux mêmes fins que précédemment ;

Vu l'ordonnance en date du 12 juillet 2012 ordonnant la clôture de l'instruction le 31 août 2012 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2013 :

- le rapport de Mme Kohler, conseiller,

- les conclusions de M. Wiernaz, rapporteur public,

- et les observations de MeB..., conseil de M.C... ;

1. Considérant que M.C..., alors âgé de 49 ans, a été pris en charge le 7 août 2001 dans l'unité de soins intensifs cardiologiques du centre hospitalier de Besançon, où il a subi une thrombolyse et une coronarographie, après constatation d'un syndrome coronarien aigu témoignant d'un infarctus du myocarde ; qu'ayant ressenti, dans les jours qui ont suivi, une douleur au niveau de la jambe droite, n'ayant selon lui donné lieu à aucun traitement spécifique, et alors qu'il restait atteint d'une paralysie crurale, M. C...a recherché la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Besançon sur le terrain de la faute, en raison du retard pris dans le diagnostic et le traitement d'un hématome du psoas ; que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon a partiellement fait droit à sa requête ;

Sur les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône :

2. Considérant que la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône demande le remboursement des dépenses de santé exposées pour le compte de M.C... ; que ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, sont nouvelles et par suite, irrecevables ;

Sur la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Besançon :

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des rapports d'expertise, que dans la nuit du 9 au 10 août 2001 à la suite d'une embolisation distale de matériel fibrinocruorique dans l'IVA portion 2, un second traitement thrombolytique ainsi qu'un contrôle coronarographique avec angioplastie ont été mis en oeuvre ; qu'à la suite de ces opérations, et alors qu'il se trouvait dans une unité de soins intensifs, un hématome est apparu au point de ponction de la jambe droite de M. C...; que le 11 août à 2 heures 30 le patient s'est plaint d'une importante douleur de la jambe droite ; que le 11 août 2001 à 10 heures M. C... a indiqué que la douleur s'était atténuée mais persistait ; que le 12 août, à la suite d'un changement de l'équipe soignante, un scanner abdominal a été effectué révélant un hématome du psoas qui a été évacué lors d'une intervention chirurgicale réalisée à 23 heures ; qu'il est constant que le 11 août 2001, pour traiter la contracture musculaire douloureuse de la jambe de M.C..., un décontracturant lui a été prescrit, sans que la cause de la souffrance ne soit recherchée ; que la seule circonstance que le scanner n'ait pas été disponible, à la supposer établie, ne peut suffire à justifier que cet examen n'ait été pratiqué que le 12 août 2001, alors que l'hématome du psoas est une complication connue des traitements thrombolytiques associant des anticoagulants ; que la persistance de la douleur aurait dû requérir une réalisation plus précoce de cet examen qui aurait permis de faire bénéficier l'intéressé d'une thérapeutique appropriée dans des délais plus rapprochés ; que du fait du retard de diagnostic et de traitement, l'obstacle compressif n'a été levé qu'alors que les séquelles neurologiques étaient devenues irréversibles ; que ce retard qui est à l'origine de la paralysie crurale que conserve M. C...constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier universitaire de Besançon ; qu'ainsi le centre hospitalier universitaire de Besançon n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Besançon a retenu sa responsabilité ;

4. Considérant toutefois, que dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement et qui doit être intégralement réparé n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu ; que la réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue ;

5. Considérant qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la prise en charge d'un hématome du psoas dans des délais très courts permet d'éviter toute séquelle neurologique ; que, dans ces conditions, M. C...est fondé à soutenir que le retard de diagnostic fautif est à l'origine directe de l'ensemble des troubles neurologiques dont il demeure atteint et que la chance d'échapper à ces séquelles doit être évaluée à 80% ;

Sur le préjudice :

6. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et notamment du rapport neurologique que M. C...reste atteint de séquelles motrices et sensitives de la paralysie crurale droite sous forme de douleurs persistantes du mollet, de dysesthésies douloureuses de la cheville droite, d'épisodes de lâchage du genou droit en station debout prolongée, de marche prolongée ou de descente des escaliers ; qu'au regard du taux d'incapacité permanente partielle dont M. C...reste atteint évalué à 13 %, il lui sera accordé une indemnité d'un montant de 15 000 euros ; qu'il sera fait une juste appréciation des souffrances endurées, fixées à 5/7, en les évaluant à la somme de 5 000 euros, et du préjudice d'agrément, fixé à 3/7, en l'évaluant à la somme de 5 000 euros ; que, compte tenu de la perte de chance, il a lieu d'allouer à M. C...la somme de 20 000 euros ;

7. Considérant que le centre hospitalier universitaire de Besançon soutient que le tribunal aurait dû s'assurer que M. C...n'avait pas été indemnisé au titre de l'assurance souscrite pour la mise en oeuvre de l'essai clinique auquel il a accepté de participer ; qu'il ne résulte toutefois pas de l'instruction ni d'aucun élément du dossier médical de M. C...que les troubles qu'il subit résulteraient de cet essai thérapeutique ; que, dans ces conditions et contrairement à ce que fait valoir le centre hospitalier universitaire, le tribunal n'avait pas, en tout état de cause, à rechercher d'office si la compagnie d'assurance du laboratoire responsable de l'essai clinique avait déjà indemnisé M.C... ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Besançon n'est pas fondé à se plaindre que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Besançon l'a condamné à verser à M. C...la somme de 20 000 euros et a mis à sa charge définitive les dépens, taxés et liquidés à la somme de 380 euros ;

Sur les conclusions d'appel incident :

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander que la somme allouée en réparation des préjudices subis soit portée à 34 000 euros ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier universitaire de Besançon la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. C...et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Les conclusions de la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône sont rejetées comme irrecevables.

Article 2 : La requête du centre hospitalier de Besançon est rejetée.

Article 3 : Le centre hospitalier universitaire de Besançon versera à M. C...la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Besançon, à M. D...C...et à la caisse primaire d'assurance maladie de Haute-Saône.

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11NC01588


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01588
Date de la décision : 28/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Service public de santé. Établissements publics d'hospitalisation. Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public. Diagnostic.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Julie KOHLER
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : FORT ; FORT ; LE PRADO

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-01-28;11nc01588 ?
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