La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/01/2013 | FRANCE | N°11NC00981

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 17 janvier 2013, 11NC00981


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 juin 2011, complétée par un mémoire en date du 5 décembre 2012, présentée pour le Groupement foncier agricole de la Folie, dont le siège est Ferme de la Folie à Châtel Saint Germain (57160), et M. A...C..., demeurant..., par Me Tadic, avocat ;

Le Groupement foncier agricole de la Folie et M. C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604007 en date du 14 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des trois délibérations en date du

3 juillet 2006 du conseil municipal de la commune de Châtel-Saint-Germain por...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 14 juin 2011, complétée par un mémoire en date du 5 décembre 2012, présentée pour le Groupement foncier agricole de la Folie, dont le siège est Ferme de la Folie à Châtel Saint Germain (57160), et M. A...C..., demeurant..., par Me Tadic, avocat ;

Le Groupement foncier agricole de la Folie et M. C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0604007 en date du 14 avril 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des trois délibérations en date du 3 juillet 2006 du conseil municipal de la commune de Châtel-Saint-Germain portant " création et classement " de chemins ruraux , et inscription au plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées ;

2°) d'annuler les délibérations du 3 juillet 2006 ;

3°) de surseoir à statuer dans l'attente de la décision du Tribunal de grande instance de Metz à intervenir sur la question de propriété ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Châtel-Saint-Germain une somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- ils n'ont pas été régulièrement convoqués à l'audience du 24 mars 2011 dès lors que l'avis d'audience a été notifié à Me Hincker, qui avait déposé son mandat le 18 juin 2009 ;

- la juridiction administrative n'est pas compétente pour statuer sur la propriété du chemin, et il appartient à la commune de Châtel-Saint-Germain d'établir la propriété du chemin rural ; ils produisent un titre de propriété, à savoir un acte de cession de parts sociales en date des 26 et 27 février 1997 ;

- leurs parcelles n'étaient pas traversées par un chemin rural ; le plan cadastral n'a aucune valeur juridique et si l'extrait du plan cadastral de 1976 fait figurer un chemin, le plan Napoléon et le plan de 2004 ne le mentionnent pas ; à supposer que ce chemin ait existé, il a été acquis par prescription trentenaire par les différents propriétaires et n'est plus affecté à l'usage du public ; les attestations produites ne peuvent être retenues ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, en date du 9 octobre 2012, présenté pour la commune de Châtel-Saint-Germain, représentée par son maire, à ce dûment habilité par délibération du 6 septembre 2011, élisant domicile..., par Me De Zolt, avocat ;

Elle conclut au rejet de la requête et demande que le groupement agricole de la Folie et M. C...lui versent solidairement la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement rendu par les premiers juges est régulier ;

- les premiers juges n'avaient pas à surseoir à statuer dans l'attente d'une décision du juge judiciaire sur la propriété du chemin litigieux dès lors que les requérants ne produisent aucun titre de propriété relatif à l'emprise du chemin rural ; la prescription trentenaire ne peut être prise en compte dès lors que seul un titre de propriété peut être admis comme preuve valable permettant de renverser la présomption de propriété tirée de l'article L. 161-3 du code rural ;

- le chemin rural a toujours existé et a été remis en culture par M.C..., et les témoignages produits sont de complaisance ; il figure sur le plan cadastral ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code rural et de la pêche maritime;

Vu le décret n°76-921 du 8 octobre 1976 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 décembre 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me B...substituant Me Tadic, avocat de M.C..., ainsi que celles de Me Ambrosi, avocat de la commune de Châtel-Saint-Germain ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-2 du code de justice administrative dans sa version alors en vigueur : " Toute partie est avertie, par une notification faite par lettre recommandée avec demande d'avis de réception ou par la voie administrative mentionnée à l'article R. 611-4, du jour où l'affaire sera appelée à l'audience. L'avis d'audience reproduit les dispositions des articles R. 731-1, R. 731-2, R. 731-3, R. 732-1 et R. 732-2. Il mentionne également les modalités selon lesquelles les parties ou leurs mandataires peuvent prendre connaissance du sens des conclusions du rapporteur public, en application de l'article R. 711-3. L'avertissement est donné sept jours au moins avant l'audience. Toutefois, en cas d'urgence, ce délai peut être réduit à deux jours par une décision expresse du président de la formation de jugement qui est mentionnée sur l'avis d'audience. " ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment des pièces du dossier de première instance, que l'avis d'audience relatif à l'affaire n° 0604007 a été adressé à Me Hincker, avocat du Groupement foncier agricole de la Folie et de M.C..., alors que celui-ci avait informé le Tribunal administratif du dépôt de son mandat par courrier reçu le 18 juin 2009 ; qu'au surplus, par courrier reçu par le Tribunal administratif le 23 mars 2011, Me Hincker a informé, après réception de l'avis d'audience, qu'il n'était plus en charge du dossier en litige ; que le greffe du Tribunal administratif de Strasbourg n'a pas cherché à avertir personnellement les requérants du jour de l'audience ; que le Groupement foncier agricole de la Folie et M. C...sont dès lors fondés à soutenir que le jugement attaqué a été rendu au terme d'une procédure irrégulière ;

3. Considérant qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler ledit jugement et, par la voie de l'évocation, de statuer immédiatement sur la demande présentée par le Groupement foncier agricole de la Folie et M. C...devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la compétence de la juridiction administrative :

4. Considérant que, par trois délibérations en date du 3 juillet 2006, la commune de Châtel-Saint-Germain a décidé d'une part " la création de chemins ruraux ", d'autre part " le classement de six chemins ruraux " et enfin l'inscription au plan départemental des itinéraires et promenades et randonnées du chemin rural assurant la liaison entre la route de Vernéville et les bois des Bannaires ; que le Groupement foncier agricole de la Folie et M. C...ont contesté lesdites délibérations au motif que le chemin passant sur leur parcelle n'existerait pas et que la création d'un chemin rural sur leur propriété relève d'une voie de fait ; que lesdites délibérations doivent être entendues comme portant inscription, entre autre, du chemin de la Croix de Basselle sur la liste des chemins ruraux de la commune ; que l'appréciation de la légalité desdites délibérations relève de la compétence de la juridiction administrative, à laquelle il appartiendrait seulement de soumettre la question de propriété au juge judiciaire en cas de difficulté sérieuse, sans préjudice de la possibilité pour les requérants, qui précisent d'ailleurs avoir usé de cette faculté, de saisir les tribunaux judiciaires d'une contestation sur la propriété des chemins ruraux, en application de l'article L. 161-4 du code rural et de la pêche maritime ;

Sur la légalité des décisions litigieuses :

En ce qui concerne les deux délibérations du 3 juillet 2006 portant " création et classement " de chemins ruraux :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. " ; que l'article L. 161-2 du même code dispose que : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. La destination du chemin peut être définie notamment par l'inscription sur le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée. " ; qu'aux termes de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé " ;

6. Considérant qu'il ressort des attestations précises produites par la commune, émanant notamment des deux anciens propriétaires des parcelles appartenant aux requérants, qui ne sauraient être sérieusement remises en cause par celles produites par les requérants, qui émanent de proches de M. C...ou sont très imprécises, que, contrairement à ce que soutiennent le groupement foncier de la Folie et M.C..., le chemin de la croix de Basselle a été de longue date, et ce jusqu'en 1996, affecté à l'usage du public ; que si le Groupement foncier de la Folie et M. C...invoquent la signature les 26 et 27 février 1997 d'actes de vente et de cession de parts sociales du groupement foncier à leur profit, la seule absence de mention de l'existence d'un chemin rural dans ces documents ne suffit pas à établir l'inexistence du chemin ou a fortiori l'appartenance aux intéressés des parcelles siège du chemin ; que, par suite, ils ne sauraient sérieusement contester l'appartenance à la commune de Châtel-Saint-Germain du chemin de la Croix de Basselle, chemin que les requérants ont mis en culture ; que les moyens tirés de la prescription acquisitive dudit chemin et de l'absence de valeur juridique du plan cadastral tel que dressé en 1847 et remis à jour en 1976, sur lequel le chemin rural en cause est matérialisé et traverse les parcelles cadastrées section A lieu dit " l'abreuvoir ", le lieu dit " la haie brulée " n° 21 et 24, et le lieu dit " la croix de Basselle " n° 22, sont, eu égard à ce qui précède, inopérants à l'encontre des décisions litigieuses ;

7. Considérant que l'article 1er du décret n° 76-921 du 8 octobre 1976 fixant les modalités de l'enquête publique préalable à l'aliénation, à l'ouverture, au redressement et à la fixation de la largeur des chemins ruraux dispose que : " Les délibérations du conseil municipal portant ouverture, redressement ou fixation de la largeur des chemins ruraux doivent être précédées [...] d'une enquête publique effectuée dans les conditions de forme et de procédure prévues aux articles 2 à 8 du décret du 20 août 1976 fixant les modalités de l'enquête préalable au classement, à l'ouverture, à la fixation de la largeur et au déclassement des voies communales. " ;

8. Considérant que si les requérants soutiennent que les délibérations attaquées, improprement appelées " création et classement " de chemins ruraux, auraient dû être précédées d'une enquête publique, il résulte des dispositions précitées que ladite procédure n'est applicable qu'à la création d'un chemin nouveau, ce qui n'est pas le cas de l'espèce, ledit chemin préexistant et ayant été mis en culture par le Groupement foncier agricole de la Folie et M. C...; que, par suite, le Groupement foncier agricole de la Folie et M. C...ne sont pas fondés à soutenir que les décisions attaquées seraient entachées d'un vice de procédure ;

9. Considérant que les requérants ne sont pas fondés à se prévaloir d'une erreur manifeste d'appréciation liée à l'aggravation de leurs conditions d'exploitation, dès lors qu'ils ne justifient d'aucun titre les habilitant à procéder à la mise en culture des terrains d'assiette du chemin litigieux ;

En ce qui concerne la délibération du 3 juillet 2006 portant inscription du chemin rural au plan départemental des itinéraires, des promenades et des randonnées :

10. Considérant que le moyen tiré de l'irrégularité de la délibération du 3 juillet 2006 portant inscription du chemin rural au plan départemental des itinéraires, des promenades et des randonnées par voie de conséquence de l'illégalité des deux délibérations du 3 juillet 2006 portant " création et classement " du chemin rural litigieux doit être écarté au regard de ce qui vient d'être dit ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de poser une question préjudicielle au juge judiciaire, que le Groupement foncier de la Folie et M. C...ne sont pas fondés à demander l'annulation des trois délibérations en date du 3 juillet 2006 du conseil municipal de la commune de Châtel-Saint-Germain portant " création et classement " de chemins ruraux, et inscription au plan départemental des itinéraires de promenades et de randonnées ; que, par voie de conséquence, les conclusions des requérants tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a en revanche lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du Groupement foncier agricole de la Folie et M. C...une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Châtel-Saint-Germain au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0604007 en date du 14 avril 2011 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par le groupement foncier agricole de la Folie et M. C... devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée ainsi que leurs conclusions devant la Cour.

Article 3 : Le groupement foncier agricole de la Folie et M. C...verseront ensemble à la commune de Châtel-Saint-Germain la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au Groupement foncier agricole de la Folie, à M. A...C...et à la commune de Châtel-Saint-Germain.

Copie en sera adressée au préfet de la Moselle.

''

''

''

''

2

11NC00981


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC00981
Date de la décision : 17/01/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Compétence - Répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction - Compétence déterminée par un critère jurisprudentiel - Domaine - Domaine privé.

Voirie - Régime juridique de la voirie - Entretien de la voirie - Chemins ruraux.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : SELARL COSSALTER et DE ZOLT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-01-17;11nc00981 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award