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17/12/2012 | FRANCE | N°12NC01021

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 17 décembre 2012, 12NC01021


Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2012, complétée par un mémoire enregistré le 21 septembre 2012, présentée pour la société Euro Protection Surveillance, dont le siège est situé au 30, Rue du Doubs, à Strasbourg (67100), représentée par son président, par Me Anstett, avocat ; la société Euro Protection Surveillance demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1003582-4 du 16 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la somme de 900 euros pour le recouvrement de laquelle un titre exécutoire a

té émis à son encontre le 28 octobre 2009 ;

2°) de la décharger de la somme d...

Vu la requête, enregistrée le 12 juin 2012, complétée par un mémoire enregistré le 21 septembre 2012, présentée pour la société Euro Protection Surveillance, dont le siège est situé au 30, Rue du Doubs, à Strasbourg (67100), représentée par son président, par Me Anstett, avocat ; la société Euro Protection Surveillance demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1003582-4 du 16 mai 2012 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la décharge de la somme de 900 euros pour le recouvrement de laquelle un titre exécutoire a été émis à son encontre le 28 octobre 2009 ;

2°) de la décharger de la somme de 900 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

La société Euro Protection Surveillance soutient que :

- après la réception les 4 et 14 août et 23 septembre 2008 par son centre de surveillance de signaux d'alerte ou d'intrusion, elle a mis en oeuvre une procédure de levée de doute avant d'informer les services de police ou de gendarmerie ; elle ne pouvait dès lors se voir infliger des pénalités financières pour appel injustifié à ces services ;

- en s'abstenant d'alerter les forces de l'ordre lorsqu'elle reçoit un code intrusion, alerte ou contrainte, elle serait susceptible d'engager sa responsabilité pénale sur le fondement des articles 223-1, 223-5 ou 223-6 du code pénal ;

- le principe de précaution lui imposait de faire primer la sécurité de ses abonnés sur un risque éventuel d'appel inutile aux services de police ou de gendarmerie ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 juillet 2012, présenté par le ministre de l'intérieur, qui conclut au rejet de la requête ;

Le ministre soutient que les appels par la société EPS aux services de police et de gendarmerie étaient injustifiés faute d'avoir été précédés d'une levée de doute ;

Vu l'ordonnance en date du 4 septembre 2012 fixant la clôture de l'instruction le 27 septembre 2012 à 12 heures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-629 du 12 juillet 1983 réglementant les activités privées de surveillance, de gardiennage et de transport de fonds ;

Vu le décret n° 2002-539 du 17 avril 2002 relatif aux activités de surveillance à distance des biens ;

Vu le code pénal ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 26 novembre 2012 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me Pavolini, pour la société Euro Protection Surveillance ;

Sur les conclusions en décharge :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 16-1 de la loi du 12 juillet 1983 susvisée : " Est injustifié tout appel des services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale par les personnes physiques ou morales exerçant des activités de surveillance à distance des biens meubles ou immeubles qui entraîne l'intervention indue de ces services, faute d'avoir été précédé d'une levée de doute consistant en un ensemble de vérifications, par ces personnes physiques ou morales, de la matérialité et de la concordance des indices laissant présumer la commission d'un crime ou délit flagrant dans les locaux surveillés. L'autorité administrative peut prononcer à l'encontre des personnes physiques ou morales mentionnées à l'alinéa précédent qui appellent sans justification les services de la police nationale ou de la gendarmerie nationale une sanction pécuniaire d'un montant qui ne peut excéder 450 euros par appel injustifié. La personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est envisagée la sanction pécuniaire prévue au précédent alinéa est mise en mesure de présenter ses observations avant le prononcé de la sanction et d'établir la réalité des vérifications qu'elle a effectuées mentionnées au premier alinéa. Cette sanction pécuniaire est recouvrée comme les créances de l'Etat étrangères à l'impôt et au domaine. Elle est susceptible d'un recours de pleine juridiction. " ; qu'aux termes de l'article 6 du décret du 17 avril 2002 susvisé relatif aux activités de surveillance à distance des biens : " Après la vérification du bien-fondé de l'appel, prévue par l'article 16-1 de la loi du 12 juillet 1983 susvisée, l'entreprise s'identifie auprès du service appelé en indiquant son nom ou sa raison sociale ainsi que le numéro destiné au contre-appel ; elle précise l'objet de l'appel, la nature de l'événement qui le motive, le nom et l'adresse précise des lieux ainsi que toutes informations utiles sur l'événement en cours. " ;

2. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que les personnes physiques ou morales exerçant des activités de surveillance à distance des biens meubles ou immeubles doivent, en cas d'appel provenant du déclenchement du système d'alarme chez un abonné et préalablement à la sollicitation des forces de l'ordre, procéder à une levée de doute destinée à vérifier le bien fondé de cet appel ; qu'en cas d'appel injustifié, l'autorité administrative peut prononcer à l'encontre de la société de surveillance une sanction pécuniaire ;

3. Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article 16-1 de la loi du 12 juillet 1983, le directeur régional des finances publiques d'Alsace et du Bas-Rhin a émis le 28 octobre 2009 à l'encontre de la société Euro protection Surveillance (EPS) un titre exécutoire pour avoir recouvrement d'une somme de 900 correspondant à des sanctions pécuniaires pour trois appels aux services de police ou de gendarmerie que le préfet de la zone de défense Est a estimé injustifiés ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16-1 de la loi du 12 juillet 1983 :

4. Considérant que, pour soutenir que le titre exécutoire émis à son encontre le 28 octobre 2009 est infondé, la société EPS reprend en appel son moyen de première instance tiré de ce qu'après la réception les 4 et 14 août et 23 septembre 2008 par son centre de surveillance de signaux d'alerte ou d'intrusion en provenance du domicile de certains de ses abonnés, elle a mis en oeuvre une procédure de levée de doute avant d'informer les services de police ou de gendarmerie et qu'elle ne pouvait dès lors se voir infliger des sanctions pécuniaires pour appel injustifié à ces services ;

5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le système de protection installé par la société EPS chez ses clients peut être déclenché, soit par la sollicitation d'un détecteur suite à une intrusion, soit par la frappe sur le clavier de commande du système de protection d'un code " contrainte " par lequel l'abonné signale qu'il exécute une opération de commande du système sous la contrainte d'un tiers, soit, enfin, par l'appui sur la touche " alerte " de la télécommande ou du clavier du système de protection ; que la sollicitation d'un détecteur, la frappe du code " contrainte " ou l'appui sur la touche " alerte " génèrent au centre de surveillance de la société EPS respectivement un code " intrusion ", " contrainte " ou " alerte " ; que dès la réception par le centre de surveillance d'un de ces trois codes, le logiciel de gestion des alarmes lance au maximum trois contre-appels sur au plus deux numéros de téléphone communiqués par l'abonné ; que si le téléphone est décroché sur site, l'appel est basculé vers un opérateur disponible ; que si le téléphone n'est pas décroché au bout de trois contre-appels, la procédure est basculée automatiquement vers un opérateur disponible ; que cet opérateur dépêche alors un agent de sécurité sur place et informe parallèlement les forces de l'ordre en leur transmettant un message préenregistré dont le contenu est différent suivant que l'on se trouve en code " alerte ", " contrainte " ou en code " intrusion " ;

S'agissant des appels des 4 août et 23 septembre 2008 :

6. Considérant que les 4 août et 23 septembre 2008, la société EPS a informé les forces de l'ordre du déclenchement de codes " alerte " chez certains de ses abonnés ;

7. Considérant que selon la société EPS, un code " alerte " ne peut être envoyé que si une personne a enclenché la touche " alerte " du système par une pression prolongée de plus de trois secondes ; que l'émission d'un signal d'alerte implique ainsi nécessairement l'action d'une personne physique, ce qui limite les causes de déclenchement intempestif à l'erreur de manipulation de l'abonné ou d'un de ses proches ; que, dans cette hypothèse, cette personne, nécessairement présente sur le lieu télé-surveillé, manifeste qu'elle se sent menacée ; que compte tenu à la fois de la relative fiabilité du système mais également de l'enjeu que représente dans ces conditions une intervention rapide des forces de l'ordre, la procédure de levée de doute peut se limiter, dans cette hypothèse, à constater l'échec de plusieurs contre-appels réalisés aux numéros téléphoniques fournis par l'abonné ; qu'il résulte de l'instruction que pour chacune des dates considérées la société EPS a procédé sans succès à trois contre-appels avant d'informer les forces de l'ordre du déclenchement de codes " alerte " chez ses abonnés ; que par suite, la société EPS est fondée à demander la décharge de la somme de 600 euros correspondant aux sanctions pécuniaires qui lui ont été infligées à raison de l'appel aux forces de l'ordre les 4 août et 23 septembre 2008 ;

S'agissant de l'appel du 14 août 2008 :

8. Considérant que le 14 août 2008, la société EPS a informé les forces de l'ordre du déclenchement de plusieurs codes " intrusion " chez un de ses clients ; qu'eu égard à l'extrême sensibilité des détecteurs engendrant de nombreux déclenchements intempestifs des alarmes, la procédure de levée de doute ne saurait se limiter dans l'hypothèse de la réception par le centre de surveillance de la société EPS d'un code " intrusion " à constater l'échec de plusieurs contre-appels réalisés aux numéros téléphoniques fournis par l'abonné ; que la levée de doute, qui a pour objet de vérifier la matérialité et la concordance des indices laissant présumer la commission d'un crime ou délit flagrant dans les locaux surveillés, doit dans cette hypothèse consister en une vérification effective des causes du déclenchement des détecteurs installés chez l'abonné ; que dans ces conditions, alors qu'aucune procédure destinée à recueillir des informations pertinentes sur l'évènement en cours n'a été mise en oeuvre, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que le préfet de la zone de défense Est a fait une inexacte application des dispositions de l'article 16-1 précité de la loi du 12 juillet 1983 en lui infligeant une sanction pécuniaire au titre de l'intervention réalisée par les services de la police nationale le 14 août 2008 ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution :

9. Considérant que le moyen tiré de la méconnaissance du principe de précaution est inopérant ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles 223-1, 223-5 et 223 6 du code pénal :

10. Considérant que la circonstance que la responsabilité pénale de la société EPS pourrait être engagée sur le fondement des dispositions des articles 223-1, 223-5 ou 223-6 du code pénal si elle s'abstenait d'alerter les forces de l'ordre ne justifie pas un appel systématique aux services de police ou de gendarmerie en cas de réception par le centre de surveillance d'EPS d'un signal d'intrusion, d'alerte ou de contrainte ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Euro Protection Surveillance est seulement fondée à demander la décharge de la somme de 600 euros ;

Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la société EPS au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : Il est accordé décharge à la société Euro Protection Surveillance de la somme de 600 (six cents) euros.

Article2 : Le jugement du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 16 mai 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Euro Protection Surveillance et au ministre de l'intérieur.

Copie du présent arrêt sera adressée au préfet de Moselle et au directeur régional des finances publiques de la Région Alsace et du Bas-Rhin.

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12NC01021


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC01021
Date de la décision : 17/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

55-04 Professions, charges et offices. Discipline professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : ANSTETT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-12-17;12nc01021 ?
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