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13/12/2012 | FRANCE | N°12NC00953

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2012, 12NC00953


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 juin 2012, complétée par un mémoire en date du 23 octobre 2102, présentée pour la , représentée par son maire en exercice, élisant domicile à l'hôtel de ville, ..., par Me Kern, avocat ;

La demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101260 en date du 5 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la SARL Tout l'Habitat, annulé les délibérations n° 2011-1 et 2011-2 par lesquelles son conseil municipal a décidé d'exercer le 13 juillet 2011 son droit de préemption u

rbain sur les parcelles cadastrées AB 402, 30, 413, 417, 423 et AB 32, 266, 416 et ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 5 juin 2012, complétée par un mémoire en date du 23 octobre 2102, présentée pour la , représentée par son maire en exercice, élisant domicile à l'hôtel de ville, ..., par Me Kern, avocat ;

La demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101260 en date du 5 avril 2012 par lequel le Tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la SARL Tout l'Habitat, annulé les délibérations n° 2011-1 et 2011-2 par lesquelles son conseil municipal a décidé d'exercer le 13 juillet 2011 son droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées AB 402, 30, 413, 417, 423 et AB 32, 266, 416 et 418 sises sur le lieu-dit " les sillons " ;

2°) de rejeter la demande de la SARL Tout l'Habitat ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Tout l'Habitat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative;

La soutient que :

- elle a respecté les prescriptions en matière de convocation des conseillers municipaux en consacrant au droit de préemption urbain un point particulier de son ordre du jour ; toutes les informations utiles ont été délivrées aux conseillers municipaux lors de la séance du conseil municipal ;

- elle justifie de la réalité d'un projet d'aménagement urbain à la date des délibérations litigieuses ;

- le conseil municipal n'était pas compétent pour statuer en matière de droit de préemption urbain, car le droit de préemption urbain a été délégué au maire par délibération du 3 novembre 2008 ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 septembre 2012, présenté pour la SARL Tout l'Habitat , représentée par ses cogérants en exercice, ayant son siège social 3 rue Hélène Boucher à Montbelliard (25200), par Me Suissa, avocat ;

Elle conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le conseil municipal était compétent pour exercer le droit de préemption urbain ;

- la note explicative de synthèse aurait dû être annexée à l'ordre du jour de la convocation au conseil municipal dès lors que la commune comporte plus de 3 500 habitants ;

- l'ordre du jour du conseil municipal ne permet pas de connaître avec suffisamment de précision la question portée à l'ordre du jour et les caractéristiques précises de l'exercice du droit de préemption urbain ;

- la commune ne justifie pas de la réalité d'un projet d'aménagement urbain à la date à laquelle les décisions litigieuses ont été prises ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Supplisson, avocat de la , ainsi que celles de Me Dravigny, avocat de la SARL Tout l'Habitat ;

Sur la légalité des délibérations litigieuses :

1. Considérant que, pour annuler les délibérations n° 2011-1 et 2011-2 en date du 13 juillet 2011 par lesquelles le conseil municipal de la a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées AB 402, 30, 413, 417, 423 et AB 32, 266, 416 et 418 sises sur le lieu-dit " les sillons ", le Tribunal administratif de Besançon s'est fondé sur deux moyens, tirés l'un de ce que la mention relative au droit de préemption, par son caractère général, ne permettait pas de connaître avec suffisamment de précision la question portée à l'ordre du jour de la séance du conseil municipal du 13 juillet 2011, notamment les parcelles en cause, et l'autre de ce que la ne justifiait pas de la réalité d'un projet d'aménagement urbain à la date à laquelle la décision attaquée a été prise ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme issu de l'article 37 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier " ; qu'en vertu de ces dispositions il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un acte intervenu en matière d'urbanisme en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation ; que, dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance ; que dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif des autres moyens de première instance, examine ces moyens ; qu'il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions précitées de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'adoption des délibérations du 13 juillet 2011 :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, sous quelque forme que ce soit, au domicile des conseillers municipaux, sauf s'ils font le choix d'une autre adresse. " ; qu'aux termes de l'article L. 2121-13 du même code : " Tout membre du conseil municipal a le droit, dans le cadre de ses fonctions, d'être informé des affaires de la commune qui font l'objet d'une délibération ";

4. Considérant que la convocation à la séance du conseil municipal du 13 juillet 2011 qui a été adressée aux conseillers municipaux de la , commune de moins de 3 500 habitants ainsi que cela ressort du dernier recensement à prendre en compte, contrairement à ce que soutient la SARL Tout l'Habitat, indiquait pour ordre du jour de la réunion les quatre points suivants : 1) modification du plan local d'urbanisme, 2) vente de terrain, 3) droit de préemption, 4) divers ; qu'aucune note de synthèse n'est exigée pour les communes de moins de 3 500 habitants ; que la mention relative au droit de préemption permettait de connaître la question portée à l'ordre du jour de la réunion du conseil municipal du 13 juillet 2011 ; que si ledit ordre du jour n'était accompagné d'aucun autre document, il n'est pas utilement contesté que toutes les informations utiles ont été délivrées aux conseillers municipaux lors de la séance du conseil municipal et leur permettait, par suite, d'être suffisamment informés des affaires soumises à adoption ; que, par suite, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, les délibérations litigieuses n'ont pas été prises à l'issue d'une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme :

5. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement.(...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date ;

6. Considérant que les motifs indiqués par la pour exercer le droit de préemption dans les délibérations litigieuses consistent en la création d'un " éco-quartier dans le secteur des Sillons selon une démarche de qualité environnementale et dont les objectifs principaux sont notamment de développer la commune sans perdre son aspect rural, d'accueillir une nouvelle population avec une offre de logement variée et de favoriser une approche environnementale en matière de construction et d'aménagement, développer un lieu à vivre, lotir sans uniformiser, en favorisant une architecture contemporaine, de qualité, piloter un modèle différent d'urbanisme en milieu rural, mener le projet selon une approche globale " ; que si pour justifier de la réalité de mise en oeuvre d'une politique globale de l'habitat, objectif répondant à un des objets définis à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, la commune invoque une délibération du 8 avril 2010, celle-ci se borne à indiquer que le conseil municipal " accepte une urbanisation future sur un certain nombre de parcelles situées en zones AU et U du plan local d'urbanisme de chaque côté de la rue du Lieutenant Rusconi " et que " les parcelles concernées seront listées ultérieurement " sans indiquer que la commune entendait procéder elle-même à cette urbanisation ; que si la fait également valoir que son projet procéderait des orientations du " programme de revitalisation du Sud Territoire " établi par la communauté de communes du Sud Territoire, à savoir l'accueil de populations nouvelles et la mise en place d'éco quartiers, il ressort de ce programme qu'il était seulement envisagé de " recenser les sites disponibles, de visiter plusieurs opérations exemplaires pour choisir un concept adapté, de lancer un appel à projet, et pré aménager les sites ", sans qu'aucun site ne soit choisi ; que si ce même document évoque spécifiquement la situation de la en tant qu'il prévoit que " Le préalable à la restauration de l'image du sud territoire passe par une requalification urbaine significative des traversées et entrées de bourgs et en premier lieu de Grandvillars, en sa qualité de point d'entrée de la communauté de communes ", cette intention n'est pas mise en rapport avec la réalisation éventuelle d' éco-quartiers ; que si la commune soutient en outre que le projet d'éco-quartier est conforme aux dispositions relatives aux zones AU du PLU de la commune, et que le règlement du PLU prévoit que ces zones s'urbaniseront dans le cadre d'une opération d'aménagement d'ensemble qui pourra être effectuée par tranches, il ne ressort pas desdits documents qu'un quelconque projet ait été évoqué, alors qu' il ressort des pièces du dossier, sans que cela soit contesté par la commune, que les gérants de la SARL Tout l'Habitat ont informé le conseil municipal de la de leur projet de lotissement sur les parcelles en litige depuis 2008, et qu'un certificat d'urbanisme et une déclaration préalable de lotissement ont été successivement déposés et refusés notamment en raison de l'absence d'urbanisation de la zone AU dans laquelle se trouvent les parcelles en litige par le biais d'une opération d'ensemble ; que, dès lors, ainsi que l'a, à juste titre, estimé le Tribunal administratif, la ne justifie pas de la réalité d'un projet d'aménagement urbain à la date à laquelle la décision attaquée a été prise, et qu'il résulte de ce qui précède que les délibérations n° 2011-1 et 2011-2 par lesquelles le conseil municipal de la a décidé d'exercer son droit de préemption urbain sur les parcelles AB 402, 30, 413, 415, 417, 423 et AB 32, 266, 416 et 418 sises sur le lieu-dit " Les sillons " doivent être annulées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la SARL Tout l'Habitat la somme que demande la au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la une somme de 1 500 euros à verser à la SARL Tout l'Habitat sur ce même fondement ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'incompétence du conseil municipal à l'effet de délibérer en matière de droit de préemption urbain, que la n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement n° 1101260 en date du 5 avril 2012, le Tribunal administratif de Besançon a, à la demande de la SARL Tout l'Habitat, annulé les délibérations n° 2011-1 et 2011-2 par lesquelles son conseil municipal a décidé d'exercer le 13 juillet 2011 son droit de préemption urbain sur les parcelles cadastrées AB 402, 30, 413, 417, 423 et AB 32, 266, 416 et 418 sises sur le lieu-dit " les sillons " ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la est rejetée.

Article 2 : La versera à la SARL Tout l'Habitat une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la et à la SARL Tout l'Habitat.

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12NC00953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00953
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Commune - Organisation de la commune - Organes de la commune - Conseil municipal - Délibérations - Délibérations intervenues à la suite d'une procédure irrégulière.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Préemption et réserves foncières - Droits de préemption - Droit de préemption urbain (loi du 18 juillet 1985).


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : KERN BRUNO SELAS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-12-13;12nc00953 ?
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