Vu la requête, enregistrée le 6 mars 2012, présentée pour M. Miloud , demeurant chez Mme Bounouara, ..., par Me Perez ;
M. demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1103872 du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 10 juin 2011 refusant de lui délivrer un certificat de résidence algérien, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office ;
2°) d'annuler ledit arrêté ;
3 ) d'enjoindre au préfet du Haut-Rhin de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification du présent arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le même délai et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
Il soutient que :
S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :
- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ;
- le préfet a méconnu les articles 6 et 7 de l'accord franco-algérien ; qu'au mois de mai 2011, date de sa demande de titre de séjour pour raisons de santé, la condition de séjour habituel sur le territoire français était remplie ;
- si sa maladie a été diagnostiquée il y a plusieurs années en Algérie, la dégradation de son état de santé est consécutive à l'absence de prise en charge adaptée et de traitement approprié en Algérie ; il est atteint d'une maladie neuro-dégénérative grave ; qu'il résulte des certificats médicaux produits émanant de praticiens français et d'un spécialiste algérien que certains médicaments ne sont pas disponibles en Algérie ; que son état de santé ne cesse de s'aggraver ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée, l'article L. 511-1 alinéa 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituant une transposition incomplète de la directive du 16 décembre 2008 ; que le délai de départ volontaire doit également être motivé ;
- elle est entachée d'illégalité par suite de l'illégalité affectant le refus de titre de séjour ;
- les articles 6 et 7 de l'accord franco-algérien ont été méconnus ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- elle méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 30 mars 2012, présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que la décision portant refus de séjour est suffisamment motivée en droit et en fait ; que la demande de certificat de résidence a bien été faite sur le fondement de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien ; que la condition de résidence habituelle ne peut être regardée comme remplie ; que les certificats médicaux produits ne suffisent pas à remettre en cause les avis des médecins de l'agence régionale de santé quant à la possibilité d'accéder à des structures dispensant des soins adaptés à son état de santé et de bénéficier des médicaments nécessaires au traitement de sa maladie ; qu'il n'est pas démontré que les médicaments qui lui sont prescrits par les médecins du centre hospitalier de Mulhouse depuis son arrivée en France ne seraient pas disponibles en Algérie ; que M. n'est pas fondé à exciper de la prétendue illégalité du refus de titre de séjour à l'encontre de la décision lui faisant obligation de quitter le territoire ; qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale, dès lors qu'il a toujours vécu en Algérie avec son épouse, ne venant que ponctuellement rendre visite à ses enfants ; que dans la mesure où il a la possibilité d'être suivi médicalement dans son pays, il n'est pas fondé à invoquer un traitement inhumain ou dégradant qui serait lié à une absence de soins médicaux appropriés ;
Vu le mémoire en réplique, enregistré le 21 novembre 2012, présenté pour M. ;
Vu, en date du 7 février 2012, la décision par laquelle l'aide juridictionnelle totale est accordée à M. ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;
Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 modifiée ;
Vu la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 ;
Vu la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :
- le rapport de M. Pommier, président ;
1. Considérant que M. , ressortissant algérien né le 14 mai 1942, est entré en France le 25 décembre 2010 sous couvert d'un visa de court séjour ; qu'il a demandé le 19 janvier 2011 la délivrance d'" autorisations provisoires de séjour " pour raisons médicales sur le fondement des dispositions du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; que, par un arrêté du 10 juin 2011, le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui accorder un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office ; que M. relève appel du jugement du 3 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur la légalité du refus de refus de titre de séjour :
2. Considérant que la décision attaquée énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; qu'ainsi elle est suffisamment motivée ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...°)Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. (...) " ; qu'aux termes du titre II du protocole : " Les ressortissants algériens admis dans des établissements de soins français et n'ayant pas leur résidence habituelle en France peuvent se voir délivrer par l'autorité française compétente, après examen de leur situation médicale, une autorisation provisoire de séjour, renouvelable le cas échéant " ;
4. Considérant qu'il ressort des termes de la lettre adressée au préfet du Haut-Rhin le 19 janvier 2011 que si la fille de M. sollicitait pour lui la délivrance d'autorisations provisoires de séjour, elle invoquait comme fondement de sa demande l'article 6 alinéa 7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié et non le titre II du protocole ; qu'eu égard aux termes de cette lettre qui indiquait notamment que M. était hébergé par sa fille, c'est à bon droit que le préfet s'est estimé saisi d'une demande de certificat de résidence d'un an pour raisons de santé et non pas d'une demande d'autorisation provisoire de séjour en faveur d'un ressortissant algérien admis dans un établissement de soins français et l'a examinée au regard des conditions posées par l'article 6 alinéa 7 précité de l'accord franco-algérien ; qu'au demeurant il n'est pas contesté que, par une lettre reçue en préfecture le 4 mai 2011 et complétant sa demande initiale, le requérant a précisé que sa demande tendait à l'octroi d'un certificat de résidence pour raisons de santé ;
5. Considérant qu'il est constant qu'à la date de la décision attaquée le requérant ne résidait en France que depuis cinq mois et demi ; qu'en estimant que la durée de séjour en France à cette date n'était pas suffisante pour le faire regarder comme ayant sa résidence habituelle en France, le préfet n'a pas méconnu les stipulations du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
6. Considérant qu'à supposer que le requérant ait également entendu soulever le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 de l'accord franco-algérien, il n'apporte aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;
7. Considérant que les pièces versées au dossier ne suffisent pas à établir que l'épouse du requérant rencontrerait elle-même des problèmes de santé tels qu'elle ne puisse lui apporter l'aide dont il peut avoir besoin dans la vie quotidienne ; que, dés lors, et en dépit de ce que les trois enfants du requérant installés en France se déclarent prêts à assurer sa prise en charge, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ;
8. Considérant qu'il ressort clairement des énonciations de la décision attaquée que le préfet a fondé le refus qu'il a opposé à la demande de certificat de résidence dont il était saisi sur ce que la condition de résidence habituelle en France n'était pas remplie et que ce n'est qu'" à titre subsidiaire " qu'il a également retenu le motif tiré de ce que M. pouvait effectivement bénéficier dans son pays d'origine d'un traitement approprié à son état de santé et de la prise en charge des soins médicaux et pharmaceutiques ; que dès lors que le motif principal était de nature à fonder légalement le refus de titre de séjour, M. ne peut utilement critiquer le motif retenu à titre seulement subsidiaire par le préfet ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Considérant, qu'aux termes de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008 susvisée : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. Les États membres peuvent prévoir dans leur législation nationale que ce délai n'est accordé qu'à la suite d'une demande du ressortissant concerné d'un pays tiers. Dans ce cas, les États membres informent les ressortissants concernés de pays tiers de la possibilité de présenter une telle demande. / Le délai prévu au premier alinéa n'exclut pas la possibilité, pour les ressortissants concernés de pays tiers, de partir plus tôt. / 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) " ; qu'aux termes de l'article 8, intitulé " éloignement " : " 1. Les États membres prennent toutes les mesures nécessaires pour exécuter la décision de retour si aucun délai n'a été accordé pour un départ volontaire conformément à l'article 7, paragraphe 4, ou si l'obligation de retour n'a pas été respectée dans le délai accordé pour le départ volontaire conformément à l'article 7. (...) / 3. Les États membres peuvent adopter une décision ou un acte distinct de nature administrative ou judiciaire ordonnant l'éloignement (...) " ; qu'aux termes de l'article 12 de cette même directive : " Les décisions de retour (...) ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " et qu'aux termes de l'article L. 511-1 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " I. L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration (...) " ; que le délai imparti aux Etats membres pour transposer ladite directive expirait, en vertu du paragraphe 1 de son article 20, le 24 décembre 2010 ;
10. Considérant que les articles 7 et 12 de la directive cités ci-dessus, qui n'a pas été transposée par la France dans le délai imparti, énoncent des obligations en termes non équivoques, qui ne sont assorties d'aucune condition et ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des Etats membres ;
11. Considérant que M. soutient que le législateur, en prévoyant que dans certains cas l'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour, a incomplètement transposé la directive susvisée du 16 décembre 2008 ; qu'il entend ainsi se prévaloir de ce que l'article L. 511-1, alinéa 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction modifiée par la loi susvisée du 16 juin 2011, n'est pas compatible avec les objectifs des articles 7 et 8 de ladite directive ; que, toutefois, la décision attaquée a été édictée antérieurement à la promulgation de la loi n°2011-672 du 16 juin 2011 ; que, par suite, le moyen tel qu'il est formulé ne peut qu'être écarté comme inopérant dès lors qu'à la date de la décision attaquée était en vigueur l'article L. 511-1, alinéa 1 dans sa rédaction précitée issue de la loi n° 2007-1631 du 20 décembre 2007, rédaction que le requérant ne critique pas ;
12. Considérant que les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile laissent, de façon générale, un délai d'un mois pour le départ volontaire de l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'un tel délai d'un mois est égal ou supérieur à la durée de trente jours prévue par l'article 7 de la directive à titre de limite supérieure du délai devant être laissé pour un départ volontaire ; que si les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne font pas obstacle à ce que le délai de départ volontaire soit prolongé, le cas échéant, d'une durée appropriée pour les étrangers dont la situation particulière le nécessiterait, conformément à ce que prévoit l'article 7 de la directive, l'autorité administrative, lorsqu'elle accorde le délai d'un mois, n'est pas tenue de motiver sa décision sur ce point si l'étranger, comme en l'espèce, n'a pas fait valoir de circonstances particulières propres à justifier que soit prolongé ledit délai ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance, par l'obligation de quitter le territoire français contestée, de l'article 7 de la directive susvisée doit être écarté ;
13. Considérant que si les trois enfants de M. résident régulièrement en France, il est constant qu'il a vécu en Algérie avec son épouse jusqu'à l'âge de soixante-huit ans ; qu'eu égard à la faible durée de sa présence en France, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
14. Considérant que M. reprend dans les mêmes termes le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 6-7) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'il y a lieu de l'écarter par le même motif que précédemment ;
15. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit plus haut que la décision portant refus de séjour n'est pas illégale ; que, par suite, M. n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de ladite décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
16. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants" ;
17. Considérant que pour grave que soit la maladie neuro-dégénérative dont est atteint le requérant, il ne résulte d'aucune des pièces versées au dossier que ce dernier serait dans un état critique ou que son pronostic vital serait engagé ; que, par suite, et quand bien même les possibilités de traitement ne seraient pas en Algérie du même niveau qu'en France, M. ne peut soutenir que la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi aurait été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 précité de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que cette décision n'a pas davantage porté atteinte au principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 10 juin 2011 ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Miloud et au ministre de l'intérieur.
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12NC00410