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13/12/2012 | FRANCE | N°11NC01716

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 13 décembre 2012, 11NC01716


Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2011 au greffe de la Cour sous le n° 11NC01716, complétée par mémoire enregistré le 20 juin 2012, présentée pour M. Bexhet A, demeurant ..., par Me Boudiba, avocate ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101829 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 février 2011 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui renouveler son autorisation provisoire de séjour, a assorti son refus d'une obligation de q

uitter le territoire français et a fixé son pays de destination ;

2°) d'annul...

Vu la requête, enregistrée le 2 novembre 2011 au greffe de la Cour sous le n° 11NC01716, complétée par mémoire enregistré le 20 juin 2012, présentée pour M. Bexhet A, demeurant ..., par Me Boudiba, avocate ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101829 du 30 juin 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 28 février 2011 par lequel le préfet du Haut-Rhin a refusé de lui renouveler son autorisation provisoire de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français et a fixé son pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Haut-Rhin en date du 28 février 2011 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code justice administrative ;

Il soutient que :

- il s'oppose à la jonction de la procédure concernant son propre sort et celle relative à sa conjointe ;

- le jugement est entaché d'irrégularité ; d'une part, l'ampliation du jugement qui lui a été notifiée n'est pas revêtue des signatures du président de la formation de jugement et du rapporteur ; seule la signature du greffier d'audience y figure ; la minute du jugement méconnaît peut-être les dispositions de l'article R. 741-1 du code de justice administrative ; d'autre part, le jugement est entaché d'insuffisance de motivation voire d'omission à statuer sur les conclusions ;

Sur le refus de titre de séjour :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; le préfet du Haut-Rhin ne se réfère qu'à l'état de santé de sa femme alors qu'il avait fait valoir que le refus de lui renouveler son titre de séjour portait atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 3-1 de la convention de New-York sur les droits de l'enfant ;

- l'arrêté porte atteinte à l'intérêt supérieur des enfants qui sont nés en France ; il porte atteinte à sa vie familiale ; sa famille est intégrée en France ; il bénéficie d'une promesse d'embauche ; il ne pourra reconstituer la cellule familiale harmonieusement au Kosovo ; sa belle-famille, étant d'une confession différente de celle de sa famille, n'a jamais accepté le mariage ;

- un titre de séjour aurait dû être délivré à son épouse pour raisons de santé sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le simple fait que la maladie de l'intéressée nécessite une surveillance suffit à justifier du caractère sérieux et précaire de son état de santé ; les certificats médicaux produits, notamment ceux datés des 6 février 2007 et 18 avril 2011, démontrent que des soins doivent être dispensés en France ; la prise en charge médicale, la surveillance ne pourra être effective au Kosovo ; le médecin de l'agence régionale de santé, qui affirme le contraire, n'apporte aucune précision sur ce point ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté est insuffisamment motivé ; il ne vise ni l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article L. 621-2 du même code ;

- il ne respecte pas les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

- il sera l'objet de menaces en cas de retour dans son pays d'origine ; la famille de son épouse menace leur couple ; il a d'ailleurs demandé à bénéficier du statut de réfugié politique ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2012, présenté par le préfet du Haut-Rhin, qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- il appartient à M. A de demander au Tribunal de produire la minute du jugement ;

Sur le refus de titre de séjour :

- l'épouse de l'appelant n'a demandé le renouvellement de sa carte de séjour temporaire qu'en se fondant sur les dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; l'appelant n'a demandé le renouvellement de son titre de séjour qu'au titre du maintien de l'unité familiale et n'a pas invoqué les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il a spontanément examiné la réponse à apporter à la demande au regard des exigences posées par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

- l'arrêté n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ; la durée de séjour en France était brève et rien ne s'opposait à ce que la cellule familiale soit reconstituée au Kosovo, les deux parents faisant l'objet de mesures similaires ; l'intérêt des enfants est de ne pas être séparés de leurs deux parents ; la quête des origines, qui pourrait saisir les enfants en grandissant, n'est qu'hypothétique ; la circonstance que les requérants sont de confessions différentes n'a pas été retenue par l'Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides et la Cour Nationale du Droit d'Asile comme créant un risque pour leur vie en cas de retour dans leur pays d'origine ;

- les certificats médicaux produits par Mme A ne font état que de la nécessité d'une surveillance de son état de santé ; une telle surveillance peut être assurée au Kosovo ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

- l'arrêté n'avait pas à viser l'article L. 621-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne trouve pas à s'appliquer en l'espèce ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle (section administrative d'appel) du Tribunal de grande instance de Nancy en date du 27 septembre 2011 qui a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. Bexhet A et a désigné Me Boudiba pour le représenter ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 novembre 2012 :

- le rapport de M. Vincent, président,

- et les observations de Me Gantois, substituant Me Boudiba, avocat de M. A ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : "Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience" ;

2. Considérant que la minute du jugement attaqué, figurant au dossier de première instance, comporte les signatures du rapporteur, du président et du greffier ; que, par suite, le moyen selon lequel le jugement attaqué n'aurait pas été signé par eux manque en fait ;

3. Considérant, d'autre part, que M. A prétend que le jugement attaqué est entaché d'insuffisance de motivation, voire d'omission à statuer sur ses conclusions ; que ce moyen, qui n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé, doit être écarté ;

Sur le refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 28 février 2008 par lequel le préfet du Haut-Rhin rejette la demande de renouvellement du titre de séjour de M. A comprend l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté litigieux doit être écarté comme manquant en fait ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A de nationalité kosovare, entré en France avec son épouse le 24 décembre 2008, a, dans un premier temps, demandé son admission au titre de l'asile dont le bénéfice lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 23 juin 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 mars 2010 ; que, dans un second temps, M. A a bénéficié d'une autorisation provisoire de séjour valable six mois afin de rester sur le territoire national avec son épouse qui bénéficiait d'une carte de séjour temporaire délivrée sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il a sollicité le renouvellement de son autorisation temporaire de séjour le 8 octobre 2010 ; que le préfet du Haut-Rhin, après avoir rejeté la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme A a, par l'arrêté litigieux du 28 février 2011, rejeté la demande de M. A ;

6. Considérant qu'ainsi qu'il en a été jugé par un arrêt du même jour rendu sur la requête (enregistrée sous le n° 11NC0715) de Mme A, le préfet du Haut-Rhin a, à bon droit, rejeté la demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire de l'épouse de l'appelant, sollicité sur le fondement de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'arrêté litigieux du 28 février 2008, M. A ne peut invoquer ni, en tout état de cause, l'illégalité du refus de titre de séjour opposé à son épouse, ni l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences du refus de renouvellement de son autorisation provisoire de séjour sur sa situation personnelle et familiale ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;

8. Considérant que M. A est entré irrégulièrement en France le 24 décembre 2008 ; qu'après avoir vainement tenté de se voir reconnaître la qualité de réfugié politique, il a sollicité la délivrance d'une autorisation provisoire de séjour afin de rester auprès de son épouse enceinte et malade ; que l'appelant, qui n'a d'ailleurs pas, lors du renouvellement de son autorisation provisoire de séjour, sollicité la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne démontre pas être inséré dans la société française au seul motif qu'il produit une promesse d'embauche en qualité d'agent d'entretien datée du 31 août 2010 ; que, par ailleurs, son épouse, qui fait aussi l'objet d'une décision de refus de délivrance d'un titre de séjour, et ses enfants en bas âge, nés en 2009 et 2010, pourront le suivre en cas de retour dans son pays d'origine, préservant ainsi l'unité de la cellule familiale ; qu'il ne soutient pas avoir d'autres attaches familiales en France ; que, par suite, eu égard à la brièveté du séjour en France de l'appelant, et bien que ses deux enfants soient nés en France en 2009 et 2010, l'arrêté litigieux n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

9. Considérant, en quatrième et dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant le moyen tiré de ce que l'arrêté porte atteinte aux stipulations de l'article 3-1 de la convention international relative aux droits de l'enfant ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.-L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation. " ;

11. Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'arrêté en date du 28 février 2011 par lequel le préfet du Haut-Rhin a assorti son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de M. A n'a pas à être motivé ; qu'au surplus, ni article L. 313-11 11° code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni l'article L. 621-2 du même code n'avaient, en tout état de cause, à être visés dès lors qu'ils ne constituaient pas le fondement de la décision prise ;

12. Considérant d'autre part que, dès lors qu'il résulte de ce qui précède que son épouse n'est pas fondée à obtenir un titre de séjour en application de ces dispositions, le moyen tiré par M. A de ce que l'arrêté du préfet du Haut-Rhin du 28 février 2008, en tant qu'il porte obligation de quitter le territoire français à son encontre, serait contraire aux dispositions de l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit en tout état de cause être écarté;

Sur la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant que si M. A, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 23 juin 2009, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 11 mars 2010, fait valoir que la décision fixant le pays de destination méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les allégations, selon lesquelles sa belle-famille, qui est d'une autre confession que la sienne, menacerait sa famille en cas de retour au Kosovo, ne sont étayées par aucun élément probant qui permettrait d'établir qu'il se trouverait personnellement exposé à un risque réel, direct et sérieux pour sa vie ou sa liberté en cas de retour dans son pays d'origine ou dans tout autre où il serait légalement admissible ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2011 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que, l'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin que la Cour fasse application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête présentée par M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bexhet A et au ministre de l'intérieur.

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11NC01716


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01716
Date de la décision : 13/12/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Refus de renouvellement.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Pierre VINCENT
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : BOUDIBA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-12-13;11nc01716 ?
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