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22/11/2012 | FRANCE | N°12NC00560

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2012, 12NC00560


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 30 mars 2012, présentée pour M. Bislan , demeurant ..., par Me Gaffuri, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1102048 en date du 1er mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 octobre 2011 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date d

u 20 octobre 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de ...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 30 mars 2012, présentée pour M. Bislan , demeurant ..., par Me Gaffuri, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n°1102048 en date du 1er mars 2012 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 octobre 2011 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté en date du 20 octobre 2011 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Aube de lui délivrer une carte de séjour temporaire, et à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil en vertu des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

Sur les conclusions d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- le préfet a méconnu l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et a commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet a méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur les conclusions d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est insuffisamment motivée ;

- l'illégalité du refus de titre de séjour prive de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision litigieuse comporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité à son égard ;

Sur les conclusions d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

- la décision litigieuse méconnaît l'article 3 et de la convention européenne des droits de l'homme ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2012, présenté par le préfet de l'Aube ;

Il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

Sur les conclusions d'annulation de la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision est suffisamment motivée dès lors qu'il a fait référence à la situation particulière de l'intéressé sans se contenter de formules stéréotypées ;

- il n'a pas méconnu l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la situation de l'intéressé ne lui permet pas d'entrer dans les critères d'attribution ;

- il n'a pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni commis une erreur manifeste d'appréciation ;

- il n'a pas méconnu l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

Sur les conclusions d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est suffisamment motivée ;

- le moyen tiré de l'illégalité du refus de titre de séjour, qui priverait de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français, ne saurait prospérer ;

- la décision litigieuse ne comporte pas de conséquences d'une exceptionnelle gravité à l'égard de M. ;

Sur les conclusions d'annulation de la décision fixant le pays de destination :

- la décision litigieuse ne méconnaît pas l'article 3 et de la convention européenne des droits de l'homme ;

Vu, en date du 10 mai 2012, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle admettant M. Bislan au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale et désignant Me Gaffuri pour le représenter;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention européenne des droits de l'homme ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision :

1. Considérant, en premier lieu, que la décision contestée portant refus de titre de séjour comporte les considérations de droit et de fait qui en constitue le fondement ; que la circonstance que le préfet de l'Aube n'ait pas expressément mentionné que l'ensemble de la famille de son épouse et ses enfants vivent en France n'est pas de nature à faire regarder cette motivation comme insuffisante, dès lors qu'il a noté que l'intéressé s'était désisté de son recours devant la commission nationale du droit d'asile au motif qu'il " souhaite retourner dans son pays d'origine, sans son épouse et leurs trois enfants " ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de ladite décision manque en fait ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et d'une erreur manifeste d'appréciation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : [...] 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République [...] " ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 dudit code : " Pour l'application du 7º de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. , de nationalité russe, est entré irrégulièrement en France le 9 novembre 2009 accompagné de son épouse et de leurs trois enfants ; que si l'intéressé a déposé une demande de reconnaissance du statut de réfugié auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, qui a été rejetée le 29 novembre 2010, il a souhaité se désister de son recours contre cette décision au motif qu'il désirait retourner dans son pays d'origine, sans son épouse et leurs trois enfants ; que s'il soutient que la décision litigieuse porte à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis par la décision et méconnaît, par suite, les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions précitées du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ressort des pièces du dossier qu'il a été poursuivi pour violences conjugales et violences sur enfants mineurs ; que, par suite, eu égard à la brièveté de son séjour en France et aux circonstances de l'espèce, le préfet n'a ni méconnu les dispositions précitées, ni commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé ; qu'ainsi le moyen sus énoncé doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la Convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; que toutefois la décision litigieuse n'implique pas que l'intéressé soit séparé de ses enfants ; que, par suite, un tel moyen doit être écarté ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision :

5. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité : "I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III [...] " ;

6. Considérant que la décision litigieuse précise " qu'après avoir procédé à un examen approfondi de la situation personnelle et familiale de M. , au vu de l'ensemble de ses déclarations et les éléments produits, et après avoir constaté que le séjour irrégulier de M. et l'absence d'obstacle à ce qu'il quitte le territoire français justifient qu'il soit obligé de quitter le territoire " ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que l'illégalité du refus de titre de séjour priverait de base légale la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée portant obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence de l'illégalité qui entacherait la décision portant refus de titre de séjour ;

En ce qui concerne le moyen tiré de ce que la décision litigieuse comporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité :

8. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse comporterait des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la situation personnelle de M. ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

9. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ;

10. Considérant que si M. soutient que la décision désignant le pays dont il a la nationalité pour l'exécution de la mesure d'éloignement serait de nature à l'exposer à des traitements prohibés par l'article 3 précité, eu égard aux violences et menaces dont il a été victime en Tchétchénie, les risques ainsi invoqués, qui n'ont d'ailleurs pas été pris en compte par l'OFPRA, ne peuvent être regardés, en l'état du dossier, dès lors notamment qu'aucun élément nouveau n'a été produit, comme présentant un caractère vraisemblable, personnel et actuel ; qu'ainsi, le moyen tiré de la violation de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme doit être écarté ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement n° 1102048 en date du 1er mars 2012, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 20 octobre 2011 par lequel le préfet de l'Aube a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bislan , au préfet de l'Aube et au ministre de l'intérieur.

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12NC00560

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00560
Date de la décision : 22/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motifs.

Famille - Droit au respect de la vie familiale (article 8 de la convention européenne des droits de l'homme) (voir Droits civils et individuels).


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : GAFFURI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-11-22;12nc00560 ?
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