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22/11/2012 | FRANCE | N°12NC00103

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 22 novembre 2012, 12NC00103


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 16 janvier 2012, complétée par un mémoire en date du 28 septembre 2012, présentée pour M. Daniel et Mlle Gloria , demeurant ..., par Me Gabon, avocat ;

M. et Mlle demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901030 en date du 10 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de la commune de délivrer à ERDF une autorisation de raccordement électrique définitif de leur parcelle, située chemin des Mar

ais à Tinqueux ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus ;

3°) de cond...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 16 janvier 2012, complétée par un mémoire en date du 28 septembre 2012, présentée pour M. Daniel et Mlle Gloria , demeurant ..., par Me Gabon, avocat ;

M. et Mlle demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901030 en date du 10 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de la commune de délivrer à ERDF une autorisation de raccordement électrique définitif de leur parcelle, située chemin des Marais à Tinqueux ;

2°) d'annuler la décision implicite de refus ;

3°) de condamner la commune de Tinqueux à lui verser la somme de 45 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Tinqueux la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- la décision de refus implicite n'est pas motivée ; ce moyen avait été soulevé en première instance ;

- le législateur a implicitement exclu les caravanes du champ d'application de l'article L.111-6 du code de l'urbanisme ;

- la décision litigieuse méconnaît la loi n° 200-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement des services publics d'électricité et ses corollaires, la loi du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions et la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ; les requérants, issus de la communauté des gens du voyage, ne peuvent être privés et sanctionnés sur leur mode de vie, à savoir l'installation de leurs caravanes sur un terrain dont ils sont propriétaires ;

- par voie d'exception, le plan local d'urbanisme est illégal dès lors que le maire doit prévoir des possibilités d'aménagement d'aires d'accueil des gens du voyage ;

- le maire doit utiliser ses pouvoirs de police pour règlementer l'accueil, la circulation et le stationnement des nomades, et la responsabilité de la commune est engagée dès lors qu'elle n'a pas prévu de terrains aménagés sur le territoire de la commune ; le maire a commis un détournement de pouvoir ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 16 juillet 2012, présenté pour la commune de Tinqueux, représentée par son maire en exercice, élisant domicile à l'hôtel de ville, BP 40 à Tinqueux (51421), par la société d'avocats ACG et associés ;

Elle conclut au rejet de la requête et demande que M. et Mlle lui versent la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la décision litigieuse ne méconnaît pas l'article 5 de la loi du 11 juillet 1979 ;

- la commune n'a pas notifié aux intéressés une décision individuelle exécutoire ;

- les requérants ne peuvent se prévaloir d'un préjudice né d'une situation administrative en non-conformité avec la légalité ;

- les aménagements réalisés par les requérants sur leur parcelle sont illégaux ;

- la décision de refus est conforme au principe général de la légalité administrative et ne fait pas obstacle au principe d'égalité d'accès au service public de l'électricité ;

- la décision est conforme aux prescriptions et recommandations d'ERDF ;

Vu le moyen d'ordre public, communiqué aux parties le 6 septembre 2012, tiré de " l'irrecevabilité du moyen tiré de l'insuffisante motivation de la décision dès lors que dans leur demande devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, M. et Mlle n'avaient invoqué que des moyens tirés de la légalité interne de la décision implicite de refus " ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ;

Vu la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions ;

Vu la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 modifiée relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 25 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller,

-et les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public ;

Sur la légalité externe :

1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, dans leur demande devant le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, M. et Mlle n'avaient invoqué que des moyens tirés de la légalité interne de la décision implicite de refus ; que, dans leur requête d'appel, ils font valoir que la décision n'est pas motivée au regard des dispositions des articles 1er et suivants de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ; que ce moyen de légalité externe, nouveau en appel, qui se rattache à une cause juridique distincte de celle afférente aux moyens invoqués dans la demande introductive d'instance et ne présentant pas un caractère d'ordre public, est, comme en ont été informées les parties, irrecevable ;

Sur la légalité interne :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'inopposabilité de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme : " Les bâtiments, locaux ou installations soumis aux dispositions des articles L. 421-1 à L. 421-4 ou L. 510-1 ne peuvent, nonobstant toutes clauses contraires des cahiers des charges de concession, d'affermage ou de régie intéressée, être raccordés définitivement aux réseaux d'électricité, d'eau, de gaz ou de téléphone, si leur construction ou leur transformation n'a pas été, selon le cas, autorisée ou agréée en vertu des articles précités. " ; que l'article L. 421-4 du code de l'urbanisme vise des constructions, aménagements, installations et travaux déterminés par décret et qui, en raison de leurs dimensions, de leur nature ou de leur localisation, ne justifient pas l'exigence d'un permis et font l'objet d'une déclaration préalable ; qu'aux termes de l'article R. 421-23 du même code alors en vigueur : " doivent être précédés d'une déclaration préalable les travaux, installations et aménagements suivants : d) l'installation, en dehors de terrains de camping et parcs résidentiels de loisirs, d'une caravane autre qu'une résidence mobile mentionnée au j ci-dessous lorsque la durée de cette installation est supérieure à trois mois par an ; sont prises en compte, pour le calcul de cette durée, toutes les périodes de stationnement, consécutives ou non (...) " ; que ces dispositions permettent au maire de s'opposer au raccordement définitif au réseau de distribution d'électricité des caravanes mobiles stationnant irrégulièrement, soit au regard des articles R. 443-1 et suivants du code de l'urbanisme, soit au regard du règlement annexé au plan d'occupation des sols ou du plan local d'urbanisme, sur le territoire de la commune concernée, contrairement à ce que soutiennent les requérants ; qu'en l'espèce, le maire de la commune de Tinqueux a refusé à M. et Mlle d'autoriser le raccordement définitif à l'électricité de leur terrain sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme, au motif principal tenant à la situation de la parcelle en zone ND du plan d'occupation de sols, où sont interdites, en application du règlement, " les caravanes hors des terrains aménagés "; qu'il est constant que les intéressés n'ont pas déposé de demande préalable, laquelle aurait par ailleurs fait l'objet d'une opposition, eu égard à ce qui précède ; qu'ainsi le moyen tiré du défaut de base légale de la décision doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du droit au logement et à l'électricité pour tous :

3. Considérant que l'opposition du maire de Tinqueux au raccordement définitif du terrain en cause au service public de la distribution de l'électricité, n'a pas porté atteinte au droit des requérants au logement et au droit à l'électricité, ces droits ne pouvant s'exercer que dans les conditions prévues par la loi ; que, par suite, la décision contestée n'est pas contraire au droit à l'électricité pour tous consacré par la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 d'orientation relative à la lutte contre les exclusions et la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité ;

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant :

4. Considérant qu'aux termes de l'article 10 du préambule de la constitution du 27 octobre 1946 : " la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ;

5. Considérant que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'impliquent pas qu'un particulier puisse imposer à l'administration la possibilité d'établir son domicile dans une zone classée non constructible par un règlement d'urbanisme et d'y obtenir le raccordement aux divers réseaux ; qu'il appartient seulement au juge d'identifier une éventuelle ingérence de l'autorité publique dans les droits garantis, puis, en présence d'une telle ingérence, vérifier si ses motifs sont pertinents et suffisants pour justifier l'atteinte qu'elle constitue ;

6. Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, le refus du maire d'autoriser le raccordement définitif de leur terrain opposé aux requérants repose sur les dispositions précitées de l'article L. 111-6 du code de l'urbanisme ; que si les intéressés soutiennent qu'ils sont propriétaires de la parcelle litigieuse depuis 2002 et que cette habitation constitue leur résidence principale en ce qu'elle héberge leurs deux enfants qui sont scolarisés sur la commune de Tinqueux, il ressort des pièces du dossier que le différend qui les oppose à la commune dure depuis 2004, qu'ils ont toujours été informés du non respect des règles d'urbanisme en vigueur, et que la commune leur a proposé l'acquisition de leur parcelle à un prix supérieur au prix d'acquisition ; que, par un courrier en date du 14 octobre 2008, le maire de la commune avait donné son accord pour effectuer provisoirement le raccordement au réseau de distribution d'électricité sans que cette autorisation ne puisse excéder deux ans à dater de la réalisation du branchement ; que, le 11 mars 2009, ERDF informait la commune que les intéressés bénéficient d'un branchement provisoire depuis le 30 avril 2006 et que, conformément au décret du 14 décembre 1972, il procéderait à la suppression de ce branchement pour le 30 avril 2009 ; qu'il n'est enfin pas établi ni même allégué que les requérants seraient dans l'impossibilité d'implanter leur caravane dans un emplacement prévu à cet effet où ils pourraient bénéficier d'un raccordement à l'électricité légalement opéré ; qu'il s'ensuit que, dans les circonstances de l'espèce, l'ingérence du maire dans le droit de M. et de Mlle au respect de leur vie familiale que constitue le refus de raccordement au réseau d'électricité n'a pas porté une atteinte disproportionnée à ce droit au regard du but poursuivi, tenant au respect des règles d'urbanisme ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du préambule de la constitution du 27 octobre 1946, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune :

7. Considérant que le moyen tiré de l'illégalité du plan local d'urbanisme de la commune au regard de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage modifié est inopérant à l'encontre du refus implicite du maire de la commune de Tinqueux d'autoriser définitivement les requérants à raccorder leur parcelle au réseau d'électricité, la décision litigieuse n'étant pas fondée sur l'absence de tels emplacements ;

Sur la responsabilité de la commune :

8. Considérant que si M. et Mlle soutiennent que le maire de Tinqueux a, en ne faisant pas usage de ses pouvoirs de police pour règlementer la circulation et le stationnement des nomades, commis une faute qui engage la responsabilité de la commune, un tel moyen soulève un litige distinct de celui invoqué en première instance ; que si par ailleurs, ils demandent à être indemnisés du préjudice qu'ils estiment subir, lesdites conclusions indemnitaires n'ont pas, d'une part, été présentées en première instance, et, d'autre part, été précédées d'une réclamation préalable auprès de la commune ; que, par suite, elles ne sont pas recevables ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. et Mlle ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par son jugement n° 0901030 en date du 10 novembre 2011 le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus de la commune de délivrer à ERDF une autorisation de raccordement électrique définitif de leur parcelle, située chemin des Marais à Tinqueux ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, par contre, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et de Mlle une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Tinqueux au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et de Mlle est rejetée.

Article 2 : M. et Mlle verseront solidairement à la commune de Tinqueux une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Daniel , à Mlle Gloria et à la commune de Tinqueux.

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