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25/10/2012 | FRANCE | N°12NC00459

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 25 octobre 2012, 12NC00459


Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012, présentée par le préfet du Bas-Rhin ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200825 en date du 23 février 2012 par lequel le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 20 février 2012 ordonnant le placement en rétention dans un local non pénitentiaire de M. Vaja pour une durée de cinq jours ;

2°) de rejeter la requête de M. tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Le préfet du Bas-Rhin soutient que :

- la décision du 20 février 2012 a été signée p

ar Jean-François Colombet, directeur de cabinet de la préfecture du Bas-Rhin, qui bénéficiait d'une ...

Vu la requête, enregistrée le 12 mars 2012, présentée par le préfet du Bas-Rhin ; le préfet demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200825 en date du 23 février 2012 par lequel le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé son arrêté du 20 février 2012 ordonnant le placement en rétention dans un local non pénitentiaire de M. Vaja pour une durée de cinq jours ;

2°) de rejeter la requête de M. tendant à l'annulation dudit arrêté ;

Le préfet du Bas-Rhin soutient que :

- la décision du 20 février 2012 a été signée par Jean-François Colombet, directeur de cabinet de la préfecture du Bas-Rhin, qui bénéficiait d'une délégation de signature du préfet en date du 29 août 2011, régulièrement publiée au recueil des actes de la préfecture le même jour ;

- l'arrêté du 20 février 2012, qui vise les articles L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et rappelle que M. est sans domicile fixe, ne possède aucun document de voyage ou d'identité et n'a pas donné suite à la décision de réadmission du 1er juillet 2011, est suffisamment motivé en droit et en fait ;

- la décision de réadmission est définitive de sorte que M. ne peut plus exciper de son illégalité ;

- il n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que M. ne produit aucun document permettant de déterminer où il réside effectivement, qu'il est démuni de tout document d'identité ou d'un passeport valable, qu'il s'est maintenu de façon illégale sur le territoire français en dépit du refus d'autorisation provisoire de séjour et de l'arrêté de réadmission du 1er juillet 2011 et qu'aucun élément ne permet d'affirmer qu'il ne pourra pas poursuivre son traitement contre l'hépatite en Lituanie ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu, en date du 28 juin 2012, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle admettant M. au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 juin 2012, présenté pour M. Vaja , par Me Bohner ;

M. demande à la Cour de rejeter la requête du préfet du Bas-Rhin et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le préfet, qui renvoie la juridiction à la consultation du site Internet de la préfecture pour démontrer la publication de l'arrêté portant délégation de signature le 29 août 2011, ne justifie toujours pas de la publication de l'arrêté préfectoral ;

- son placement en rétention n'est pas intervenu dans le délai de six mois suivant l'acceptation de la demande de réadmission par les autorités lituaniennes responsables de la demande d'asile, en méconnaissance des dispositions du règlement 343/2003 ;

- l'arrêté litigieux, qui ne fait pas état du délai de six mois ou de sa prorogation mais fait mention d'une obligation de quitter le territoire qui n'a jamais été prise à son encontre, est insuffisamment motivé ;

- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur d'appréciation dès lors qu'il présente des garanties de représentation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 portant modalités d'application du règlement CE n°343/2003 du Conseil ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2012 :

- le rapport de M. Richard, premier conseiller ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 20 février 2012 :

En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

1. Considérant que l'arrêté attaqué est signé par M. Colombet, sous-préfet, directeur de cabinet de la préfecture du Bas-Rhin ; que, par un arrêté du 29 août 2011, le préfet du Bas-Rhin a donné à M. Colombet délégation pour signer les décisions relatives aux mesures d'éloignement, notamment les décisions de placement en rétention administrative dans des locaux non pénitentiaires ; qu'il ressort des pièces du dossier et des éléments produits à hauteur d'appel que cet arrêté portant délégation de signature, de caractère réglementaire, a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs des services de l'Etat dans le Bas-Rhin au numéro spécial du 29 août 2011; qu'il s'ensuit que c'est à tort que, par jugement du 23 février 2012, le président du Tribunal administratif de Strasbourg a prononcé l'annulation de la décision de placement en rétention administrative, motif pris de l'incompétence de son signataire ;

2. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés devant le Tribunal et devant la Cour par M. à l'encontre de l'arrêté contesté ;

En ce qui concerne les autres moyens:

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement (...) est écrite et motivée. (...) " ;

4. Considérant que la décision de placement en rétention administrative, qui vise les articles L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, indique que M. s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français malgré la décision de réadmission prise le 1er juillet 2011 ; que la décision en litige mentionne en outre que l'intéressé, sans domicile fixe et dépourvu de tout document de voyage, ne présente pas de garanties de représentation suffisantes pour être assigné à résidence et qu'il ne peut quitter immédiatement le territoire français en l'absence de moyens de transport disponibles sur le champ ; que, par conséquent, la décision de placement en rétention administrative comporte, dans ses visas et ses motifs, tous les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde ; que le moyen tiré de son insuffisance de motivation ne peut dès lors qu'être écarté ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que la décision en date du 1er juillet 2011 portant refus de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en tant que demandeur d'asile et réadmission de M. à destination de la Lituanie est devenue définitive ; que le moyen invoqué par le requérant à l'encontre de l'arrêté portant placement en rétention et tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit ainsi être écarté comme irrecevable ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile peut être refusée notamment si l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ce règlement contractés avec d'autres Etats ; que l'article 19 du règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003, qui fixe les conditions de prise en charge du demandeur d'asile qui a introduit une demande dans un autre État membre, pose en principe dans son paragraphe 3 que le transfert du demandeur de l'État membre auprès duquel la demande d'asile a été introduite vers l'Etat membre responsable s'effectue " au plus tard, dans un délai de six mois " à compter de l'acceptation de la demande de prise en charge ; qu'il est spécifié que ce délai peut-être porté à dix-huit mois au maximum " si le demandeur d'asile prend la fuite " ; que la notion de fuite au sens de ce texte doit s'entendre comme visant notamment le cas où un ressortissant étranger non admis au séjour se serait soustrait de façon intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative dans le but de faire obstacle à l'exécution d'une mesure d'éloignement le concernant ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. , ressortissant géorgien né en 1976, a sollicité l'asile le 2 avril 2011 auprès des services de la préfecture du Bas-Rhin ; qu'une consultation du fichier EURODAC ayant révélé que l'intéressé avait demandé l'asile en Lituanie, le préfet du Bas-Rhin a sollicité sa reprise en charge par les autorités lituaniennes ; que ces dernières ont accepté, le 27 juin 2011, de reprendre en charge la demande de l'intéressé ; que, par arrêté du 1er juillet 2011, notifié le 11 suivant, le préfet du Bas-Rhin a informé M. de ce que la Lituanie était responsable du traitement de sa demande d'asile et a refusé son admission au séjour au titre de l'asile sur le fondement du 1° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. n'a donné suite ni au courrier du 1er juillet 2011, annexé à la décision du même jour, l'invitant à se présenter dans les huit jours auprès des services de la police aux frontières afin d'organiser son départ, ni au courrier du 29 août 2011 l'informant de ce que son attitude était constitutive d'une soustraction intentionnelle et systématique à la procédure de réadmission justifiant une prolongation du délai de réadmission auprès des autorités lituaniennes ; que le préfet a sollicité cette prolongation par courrier en date en date du 23 décembre 2011 ; que pendant la période allant de la notification de la décision du 1er juillet 2011 jusqu'à son interpellation pour vol à l'étalage le 20 février 2012, l'administration n'a pu atteindre M. à l'adresse qu'il avait communiquée et la police aux frontières n'a pu localiser l'intéressé ; que, dans ces conditions, le comportement de l'intéressé, pendant le délai de six mois imparti par l'article 19 du règlement du 18 février 2003 à compter de l'accord des autorités lituaniennes en date du 27 juin 2011, caractérisait une soustraction intentionnelle et systématique au contrôle de l'autorité administrative et pouvait être qualifié de " fuite " au sens de ce règlement ; que dès lors que la France a informé la Lituanie, le 23 décembre 2011, conformément à l'article 9 du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003, de l'extension du délai de transfert à dix-huit mois, la décision en litige en date du 20 février 2012 a bien été prise dans le délai d'exécution de la procédure de réadmission ; que, par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait entachée d'un défaut de base légale ne peut qu'être écarté ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation " ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que M. , lequel se borne à soutenir qu'il est logé par l'intermédiaire du 115, dispose d'un hébergement stable et régulier ; que l'intéressé, qui est en outre dépourvu de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ne peut ainsi être regardé comme présentant des garanties de représentation suffisantes ; que, dans ces conditions et en l'absence de circonstances particulières, le préfet n'a entaché sa décision d'aucune erreur de droit ou d'appréciation au regard des dispositions précitées en estimant nécessaire le placement en rétention administrative de M. ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé sa décision du 20 février 2012 plaçant M. en rétention dans un local non pénitentiaire pendant un délai de cinq jours ;

Sur les conclusions présentées par M. tendant à l'application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du président du Tribunal administratif de Strasbourg du 23 février 2012 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. devant le Tribunal administratif de Strasbourg est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. Vaja , au préfet du Bas-Rhin et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Strasbourg.

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N°12NC00459


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00459
Date de la décision : 25/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Communautés européennes et Union européenne - Règles applicables.

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: M. Michel RICHARD
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : BOHNER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-10-25;12nc00459 ?
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