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25/10/2012 | FRANCE | N°11NC01539

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 25 octobre 2012, 11NC01539


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 septembre 2011 sous le n°11NC01539, complétée par un mémoire en date du 17 août 2012, présentée pour M. Bruno C, demeurant ..., par Me Stiebert, avocat ;

M. C demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905247 en date du 21 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. et Mme A, l'arrêté en date du 19 septembre 2009 par lequel l'adjoint au maire de la commune de Schweyen a accordé à M. C un permis de construire un bâtiment agricole ;

2°) de rejet

er la demande de M. et Mme A ;

3° de mettre à la charge de M et Mme A une somme de 3...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 13 septembre 2011 sous le n°11NC01539, complétée par un mémoire en date du 17 août 2012, présentée pour M. Bruno C, demeurant ..., par Me Stiebert, avocat ;

M. C demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905247 en date du 21 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. et Mme A, l'arrêté en date du 19 septembre 2009 par lequel l'adjoint au maire de la commune de Schweyen a accordé à M. C un permis de construire un bâtiment agricole ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme A ;

3° de mettre à la charge de M et Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- M. Jean-Marc A, premier adjoint au maire, a été régulièrement désigné par le conseil municipal par délibération en date du 13 mars 2009 pour prendre toutes décisions afférentes à la demande de permis de construire formée par M. C conformément aux dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme ;

- les époux A sont irrecevables à invoquer la méconnaissance du règlement sanitaire départemental dès lors qu'ils n'ont eux-mêmes pas respecté les retrait de 10 mètres qui s'imposait au regard de son exploitation ; le Tribunal n'a pas répondu à ce moyen ;

- les requérants n'avaient pas de qualité pour agir ;

- il est recevable à invoquer l'application des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;

- l'exception d'illégalité de la délibération du 6 juin 2008 portant modification du plan d'occupation des sols ne peut être utilement invoquée dès lors que le permis litigieux ne constitue pas un acte d'application de cette règlementation ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2011, présenté pour M. et Mme Gabriel A, demeurant ..., par Me De Zolt, avocat ;

Ils concluent au rejet de la requête et demandent que M. C leur verse la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- l'auteur de l'arrêté portant permis de construire n'a pas été désigné conformément aux dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental, et M. C ne peut exciper des dispositions de l'article L.111-3 du code de l'urbanisme ;

- la délibération du 6 juin 2008 portant modification du POS a été annulée par jugement du 21 juillet 2011, et le permis de construire du 19 septembre 2009 doit s'apprécier au regard des anciennes dispositions du document d'urbanisme selon lesquelles le terrain siège du projet était classé en zone de " terrain cultivé à protéger " et sur lequel les constructions sont interdites ;

II) Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 22 septembre 2011 sous le n° 11NC01584, complétée par un mémoire en date du 17 août 2012, présentée pour la Commune de schweyen, représentée par son maire en exercice, élisant domicile 66 rue de l'Eglise à Schweyen les Bitche (57720), par Me De Zolt, avocat ;

La Commune de Schweyen demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0905247 en date du 21 juillet 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a annulé, à la demande de M. et Mme A, l'arrêté en date du 19 septembre 2009 par lequel l'adjoint au maire de la commune de Schweyen a accordé à M. C un permis de construire un bâtiment agricole ;

2°) de rejeter la demande de M. et Mme A ;

3° de mettre à la charge de M et Mme A une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- M. Jean-Marc A , premier adjoint au maire, a été régulièrement désigné par le conseil municipal pour prendre toutes décisions afférentes à la demande de permis de construire formée par M. C conformément aux dispositions de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme ;

- M et Mme A étaient irrecevables à exciper des dispositions de l'article L 111-3 du code de l'urbanisme ;

- le permis de construire délivré ne constitue pas un acte d'application de la réglementation d'urbanisme en vigueur et l'annulation de la décision du 6 janvier 2008 est sans influence sur la légalité du permis de construire ;

-la mention de " terrain cultivé à protéger " dans le plan d'occupation des sols ne satisfait pas aux exigences du 9° de l'article L. 123-1 du code de l'urbanisme ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 décembre 2011, présenté pour M. et Mme Gabriel A, demeurant ... par Me De Zolt, avocat ;

Ils concluent au rejet de la requête et demandent que la commune de Schweyen leur verse la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- l'auteur de l'arrêté portant permis de construire n'a pas été désigné conformément à l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme ;

- l'arrêté litigieux méconnaît les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme et de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental, et la commune ne peut exciper des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme ;

- la délibération du 6 juin 2008 portant modification du POS a été annulée par jugement du 21 juillet 2011, et le permis de construire du 19 septembre 2009 doit s'apprécier au regard des anciennes dispositions du document d'urbanisme selon lesquelles le terrain siège du projet était classé en zone de " terrain cultivé à protéger " et sur lequel les constructions sont interdites ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code rural ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 octobre 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Stiebert, avocat de M. C et de la commune de Schweyen, ainsi que celles de Me De Zolt, avocat de M. et Mme A ;

Considérant que les requêtes susvisées n° 11NC01539 et 11NC01584 de M. C et de la commune de Schweyen tendent à l'annulation du même jugement ; qu'il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant qu'il ressort du jugement contesté que le Tribunal n'a pas répondu au moyen soulevé par M. C tiré de ce que M. et Mme A n'avaient pas intérêt à demander l'annulation de l'arrêté en date du 19 septembre 2009 ; que, par suite, M. C est fondé à soutenir que le jugement qu'il critique est entaché d'une omission à statuer et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

2. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. et Mme A devant le Tribunal administratif de Strasbourg ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la demande de première instance :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la maison d'habitation de M. et Mme A est sise à moins de 35 mètres de l'ancien hangar agricole de M. C; qu'ils ont par suite, en tant que voisin de la construction envisagée, intérêt à agir contre l'arrêté en date du 19 septembre 2009 par lequel l'adjoint au maire de la commune de Schweyen a accordé à M. C un permis de construire un bâtiment agricole, et sont recevables à invoquer tout moyen de légalité, nonobstant la circonstance que leur propre habitation ne serait pas implantée aux distances réglementaires ; que par suite, M. C n'est pas fondé à soutenir que M. et Mme A n'avaient pas intérêt à demander en première instance l'annulation de la décision litigieuse et seraient irrecevables à invoquer le moyen tiré de la méconnaissance du règlement sanitaire départemental ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-7 du code de l'urbanisme : " Si le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est intéressé au projet faisant l'objet de la demande de permis ou de la déclaration préalable, soit en son nom personnel, soit comme mandataire, le conseil municipal de la commune ou l'organe délibérant de l'établissement public désigne un autre de ses membres pour prendre la décision. " ;

5. Considérant qu'il n'est pas contesté qu'en sa qualité de bénéficiaire du permis de construire litigieux, M. Bruno C, maire de la commune de Schweyen, était directement intéressé à sa délivrance; qu'en application de l'article L. 422-7 précité, le conseil municipal de la commune de Schweyen, par une délibération du 13 mars 2009, en son point 375, a régulièrement désigné M. Jean-Marie A, premier adjoint au maire, aux fins de " prendre les décisions de l'espèce " afférentes à " la demande de permis de construire actuellement en cours d'instruction et examinée pour avis par le conseil municipal le 10 décembre 2008 " ; que, par un arrêté du 30 avril 2009, l'adjoint au maire ainsi désigné a refusé de délivrer le permis de construire sollicité le 10 décembre 2008 par M. C, eu égard aux réserves et avis défavorables émis par les organismes consultés ; que ce dernier a alors déposé une seconde demande de permis de construire le 23 juin 2009, référencée " PC 057 641 09 " ; que, toutefois, alors que la délibération du 13 mars 2009, eu égard aux termes dans lesquels elle était rédigée, avait pour seul objet de procéder à la désignation du membre du conseil municipal compétent pour signer toutes décisions relatives à la première demande de permis de construire déposée par M. C, il n'est pas établi par la commune que M. Jean-Marie A, signataire de la décision contestée, ait été régulièrement désigné par le conseil municipal aux fins de signer l'arrêté litigieux du 19 septembre 2009 ; qu'il s'ensuit que le permis de construire attaqué a été délivré par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération du 6 juin 2008 portant modification du plan d'occupation des sols :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " l'annulation (...) d'un plan d'occupation des sols (...) a pour effet de remettre en vigueur (...) le plan d'occupation des sols (...) ou le document d'urbanisme en tenant lieu immédiatement antérieur " ; que, si le permis de construire ne peut être délivré que pour un projet qui respecte la réglementation d'urbanisme en vigueur, il ne constitue pas un acte d'application de cette réglementation ; que, par suite, un requérant demandant l'annulation d'un permis de construire ne saurait utilement se borner à soutenir qu'il a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal, quelle que soit la nature de l'illégalité dont il se prévaut ; que, cependant, il résulte de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que la déclaration d'illégalité d'un document d'urbanisme a, au même titre que son annulation pour excès de pouvoir, pour effet de remettre en vigueur le document d'urbanisme immédiatement antérieur ; que, dès lors, il peut être utilement soutenu devant le juge qu'un permis de construire a été délivré sous l'empire d'un document d'urbanisme illégal - sous réserve, en ce qui concerne les vices de forme ou de procédure, des dispositions de l'article L. 600-1 du même code, ce qui est le cas de l'espèce ;

7. Considérant que, par deux arrêts rendus ce même jour sous les numéros 11NC01583 et 11NC01561, la Cour a confirmé l'annulation de la délibération du 6 juin 2008 par laquelle le conseil municipal de la commune de Schweyen a approuvé la modification du plan d'occupation des sols de la commune au motif que ladite délibération était entachée d'un vice de procédure et de détournement de pouvoir ; que cette annulation contentieuse a eu pour effet de rendre à nouveau applicables les dispositions du plan d'occupation des sols en vigueur antérieurement à la modification du 6 juin 2008 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'en vertu dudit document d'urbanisme redevenu applicable, le terrain d'assiette du projet critiqué est en partie localisé dans un secteur identifié comme des " terrains cultivés à protéger et inconstructibles ",qualification que le requérant n'est pas fondé à contester ainsi qu'il résulte des motifs des arrêts susrappelés; que, par suite, le permis de construire en litige est entaché d'illégalité ;

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance du règlement sanitaire départemental :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental en date du 14 octobre 2004 : " Règles générales d'implantation. Sans préjudice de l'application des documents d'urbanisme existant dans la commune ou de cahiers des charges de lotissement, l'implantation des bâtiments renfermant des animaux doit respecter les règles suivantes : - les élevages porcins à lisier ne peuvent être implantés à moins de 100 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, (...); - les autres élevages, à l'exception des élevages de type familial et de ceux de volailles et de lapins, ne peuvent être implantés à moins de 50 mètres des immeubles habités ou habituellement occupés par des tiers, des zones de loisirs et de tout établissement recevant du public à l'exception des installations de camping à la ferme (...) " ; qu'il ressort des pièces du dossier que le bâtiment à usage notamment d'élevage bovin pour lequel le permis de construire litigieux a été accordé est situé à 35 mètres de l'immeuble d'habitation des époux A ; que par suite, les dispositions précitées du règlement sanitaire départemental applicable ont été méconnues ; qu'il est par ailleurs constant que, comme le soutiennent les époux A , l'application de ces dispositions n'a donné lieu à aucune dérogation telle que prévue par l'article L 111-3 du code rural afin de tenir compte des spécificités locales ;

9. Considérant que, pour l'application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens soulevés par les époux A n'est, en l'état du dossier, de nature à justifier l'annulation de la décision attaquée ; que si M. C soutient par ailleurs être fondé à bénéficier des dispositions de l'article L. 111-3 du code de l'urbanisme, qui disposent que " la reconstruction à l'identique d'un bâtiment détruit ou démoli depuis moins de dix ans est autorisée, nonobstant toute disposition d'urbanisme contraire, sauf si la carte communale ou le plan local d'urbanisme en dispose autrement dès lors qu'il a été régulièrement édifié " ,il est constant que le projet de M. C ne constitue pas une reconstruction à l'identique, ni dans son emplacement, ni dans sa volumétrie ; que, par suite, M. C ne saurait se prévaloir de ces dispositions ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que M. et Mme Gabriel A sont fondés à demander l'annulation de l'arrêté en date du 19 septembre 2009 par lequel l'adjoint au maire de la commune de Schweyen a accordé à M. C le permis de construire un bâtiment agricole ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. C et de la commune de Schweyen tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre respectivement à la charge de M. C et de la commune de Schweyen une somme de 750 euros à verser à M. et Mme A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 0905247 du Tribunal administratif de Strasbourg en date du 21 juillet 2011 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de M. C et de la commune de Schweyen est rejeté.

Article 3 : L'arrêté en date du 19 septembre 2009 portant permis de construire est annulé.

Article 4 : M. C et la commune de Schweyen verseront chacun à M. et Mme A une somme de 750 euros (sept cent cinquante euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article5 : Le présent arrêt sera notifié à M. Bruno C, à la commune de Schweyen et à M. et Mme Gabriel A.

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11NC01539 - 11NC01584


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