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04/10/2012 | FRANCE | N°11NC01940

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 04 octobre 2012, 11NC01940


Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 9 décembre 2011, complétée par un mémoire en production en date du 4 septembre 2012, présentée pour la SARL TP2B, représentée par son gérant en exercice et dont le siège est Z.I. Le Neuilly à Chatenois (88170), par Me Joubert ;

La SARL TP2B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901696 en date du 25 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Dommartin-sur-Vraine lui verse la somme de 112 760,79 euros en réparation du préjudice résul

tant de son éviction irrégulière du marché public conclu en vue de la réalisatio...

Vu la requête enregistrée au greffe de la Cour le 9 décembre 2011, complétée par un mémoire en production en date du 4 septembre 2012, présentée pour la SARL TP2B, représentée par son gérant en exercice et dont le siège est Z.I. Le Neuilly à Chatenois (88170), par Me Joubert ;

La SARL TP2B demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901696 en date du 25 octobre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Dommartin-sur-Vraine lui verse la somme de 112 760,79 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière du marché public conclu en vue de la réalisation des 2ème et 3ème tranches de son contrat pluriannuel d'assainissement ;

2°) de faire droit à sa demande de première instance et de condamner la commune de Dommartin-sur-Vraine à lui verser la somme de 112 760,79 euros ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Dommartin-sur-Vraine la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la commune a méconnu les articles 52 et 59 du code des marchés publics, car la commission d'appel d'offres ne peut se fonder uniquement sur les seuls manquements allégués d'une entreprise dans l'exécution des précédents marchés ; le motif de rejet retenu, à savoir " suite aux antériorités dans la commune ", est illégal et injustifié car les marchés ne sont pas identiques ;

- les difficultés invoquées par la commune relativement au marché précédent n'ont pas été imputables à la société TP2B, tant en ce qui concerne la durée des travaux que les réserves et la facturation ;

- l'offre de la société TP2B avait une chance sérieuse d'être déclarée économiquement la plus avantageuse ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2012, complété par un mémoire en date du 10 septembre 2012, présenté pour la commune de Dommartin-sur-Vraine, représentée par son maire, élisant domicile à l'hôtel de ville 93 rue Atre à Dommartin-sur-Vraine (88170), par Me Joffroy, avocat ;

Elle conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la SARL TP2B au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la SARL TP2B a été écartée en raison des difficultés survenues entre elle et la commune lors de l'exécution d'un précédent marché, et la commission n'a commis aucune erreur en rejetant d'emblée son offre sans ouvrir l'enveloppe ;

- la société était dépourvue de toute chance de remporter le marché ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, rapporteur,

- les conclusions de Mme Ghisu-Deparis, rapporteur public,

- et les observations de Me Demarest, avocat la SARL TP2B ;

1. Considérant que, par un appel public à la concurrence publié le 28 janvier 2009 au bulletin officiel des annonces légales, la commune de Dommartin-sur-Vraine a engagé une procédure d'appel d'offres sur procédure adaptée pour la passation d'un marché de travaux portant sur le programme pluriannuel d'assainissement, tranches 2 et 3, lot unique " réseaux " ; que la société SARL TP2B s'est portée candidate ; que la commission d'appel d'offres, réunie le 2 mars 2009, a décidé de ne pas admettre la candidature de cette société au motif qu'" un contentieux est intervenu entre la commune et cette entreprise lors de la réalisation d'un marché de travaux précédent " ; que, par lettre du 16 avril 2009, le maire de la commune lui a fait part de la décision de la commission d'appel d'offres ; que la société SARL TP2B a saisi le Tribunal administratif de Nancy d'une demande tendant à l'indemnisation du préjudice subi suite à son éviction irrégulière ; que, par un jugement en date du 25 octobre 2011, le Tribunal a rejeté sa demande ; que la société relève appel de ce jugement ;

Sur la responsabilité :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 52 du code des marchés publics, dans sa version alors en vigueur : " I. (...). Les candidatures(...) sont examinées au regard des niveaux de capacités professionnelles, techniques et financières mentionnées dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. Les candidatures qui ne satisfont pas à ces niveaux de capacité sont éliminées. L'absence de références relatives à l'exécution de marchés de même nature ne peut justifier l'élimination d'un candidat et ne dispense pas le pouvoir adjudicateur d'examiner les capacités professionnelles, techniques et financières des candidats. L'appréciation des capacités professionnelles, techniques et financières d'un groupement est globale. Il n'est pas exigé que chaque membre du groupement ait la totalité des compétences techniques requises pour l'exécution du marché. Lorsque le pouvoir adjudicateur décide de limiter le nombre des candidats admis à présenter une offre, il procède à la sélection de ces candidats en appliquant aux candidatures retenues conformément au I des critères de sélection non discriminatoires et liés à l'objet du marché relatifs à leurs capacités professionnelles, techniques et financières. Ces critères sont mentionnés dans l'avis d'appel public à la concurrence, ou, s'il s'agit d'une procédure dispensée de l'envoi d'un tel avis, dans le règlement de la consultation. " ; qu'aux termes de l'article 53 du même code : " I. - Pour attribuer le marché au candidat qui a présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, le pouvoir adjudicateur se fonde :1° Soit sur une pluralité de critères non discriminatoires et liés à l'objet du marché, notamment la qualité, le prix, la valeur technique, le caractère esthétique et fonctionnel, les performances en matière de protection de l'environnement, les performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, le coût global d'utilisation, la rentabilité, le caractère innovant, le service après-vente et l'assistance technique, la date de livraison, le délai de livraison ou d'exécution. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ; 2° Soit, compte tenu de l'objet du marché, sur un seul critère, qui est celui du prix. II. - Pour les marchés passés selon une procédure formalisée autre que le concours et lorsque plusieurs critères sont prévus, le pouvoir adjudicateur précise leur pondération. Le poids de chaque critère peut être exprimé par une fourchette dont l'écart maximal est approprié.(...).Les critères ainsi que leur pondération ou leur hiérarchisation sont indiqués dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation. III. - Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. Les autres offres sont classées par ordre décroissant. L'offre la mieux classée est retenue " ; que le règlement de consultation dudit marché prévoyait en son article 4 " jugement des offres : le jugement des offres sera effectué par la commission d'appel d'offres, dans les conditions prévues à l'article 53 du code de marchés publics. Les critères de jugement sont classés dans l'ordre décroissant suivant et pondéré comme suit pour chaque lot : note méthodologique : 30% ; prix : 70%. " ;

3. Considérant que la commission d'appel d'offres ne peut se fonder uniquement sur les seuls manquements allégués d'une entreprise dans l'exécution de précédents marchés, sans rechercher si d'autres éléments du dossier de candidature de la société permettent à celle-ci de justifier de telles garanties ;

4. Considérant qu'il ressort de l'article 3 du règlement de consultation intitulé " présentation des offres " que les candidats devaient produire un dossier complet comprenant en A. les justificatifs prévus aux articles 43 à 47 du code des marchés publics, en B. les références des entreprises dont une liste de références, et en C. un projet de marché ; que l'article 5 dudit règlement prévoyait que l'offre devait être envoyée sous pli cacheté indiquant " ne pas ouvrir avant la commission d'ouverture des plis ", et que ce pli devait contenir une seule enveloppe intérieure cachetée, laquelle devait porter la mention du nom du candidat et contenir les justifications et références visées aux paragraphes A, B et C ; qu'il ressort du procès verbal d'ouverture des plis que la commission d'appel d'offres n'a pas ouvert l'enveloppe de la SARL TP2B au motif qu' " un contentieux est intervenu entre la commune et cette entreprise lors de la réalisation d'un marché de travaux précédent " ; qu'en se fondant exclusivement sur des difficultés survenues à l'occasion de l'exécution d'un précédent marché, sans d'ailleurs en préciser la nature ou en tirer aucune déduction sur la capacité technique éventuelle de la SARL TP2B, et en s'abstenant de rechercher si les renseignements et documents prévus par le règlement de consultation permettaient de justifier la capacité technique et financière de l'entreprise, alors que la société soutenait que ledit marché, effectué en 2002, concernait un autre objet, le maire de la commune de Dommartin-sur-Vraine a entaché sa décision d'une erreur de droit ; que l'irrégularité de la procédure d'attribution du marché ainsi commise par la commune est constitutive d'une faute de nature à engager sa responsabilité ;

Sur le préjudice :

5. Considérant que lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, il appartient au juge de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter ce marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit, en principe, au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dans un tel cas, l'entreprise a droit à être indemnisée de son manque à gagner, incluant nécessairement, puisqu'ils ont été intégrés dans ses charges, les frais de présentation de l'offre qui n'ont donc pas à faire l'objet, sauf stipulation contraire du contrat, d'une indemnisation spécifique ;

6. Considérant qu'il résulte de l'article 4 du règlement de consultation que, comme il a été dit ci-dessus, les critères de jugement des offres étaient classés dans l'ordre décroissant suivant et pondéré comme suit pour chaque lot : note méthodologique : 30%, prix 70% ; qu'il était précisé que la note méthodologique devait s'apprécier à partir du mémoire technique en fonction des différents critères demandés ; que l'article 3 prévoyait que le mémoire technique était noté sur 55 points, chaque poste étant noté sur 5 ; que, pour établir qu'elle a perdu une chance sérieuse d'obtenir le marché, la SARL TP2B fait valoir que si elle avait obtenu une note légèrement inférieure à celle de l'attributaire s'agissant du critère " prix ", elle aurait eu, pour le critère " note méthodologique ", au minimum 40 points sur les 55 ; que toutefois, la société requérante, qui ne produit au dossier que le détail quantitatif estimatif de son offre, ne fournit aucun élément permettant à la Cour d'apprécier le mémoire technique contenu dans son offre ; que, par suite, elle n'établit pas avoir perdu une chance sérieuse d'obtenir le marché ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui vient d'être dit que la SARL TP2B n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par son jugement du 25 octobre 2011, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à ce que la commune de Dommartin-sur-Vraine lui verse la somme de 112 760,79 euros en réparation du préjudice résultant de son éviction irrégulière du marché public conclu en vue de la réalisation des 2ème et 3ème tranches de son contrat pluriannuel d'assainissement ; que doivent être rejetées par voie de conséquence ses conclusions tendant à la condamnation de la commune de Dommartin-sur-Vraine au versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la SARL TP2B une somme de 1 500 euros à verser à la commune de Dommartin-sur-Vraine au titre des mêmes dispositions ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SARL TP2B est rejetée.

Article 2 : La société SARL TP2B versera à la commune de Dommartin-sur-Vraine une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL TP2B et à la commune de Dommartin-sur-Vraine.

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11NC01940


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01940
Date de la décision : 04/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Formation des contrats et marchés - Mode de passation des contrats - Appel d'offres.

Responsabilité de la puissance publique - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité - Responsabilité et illégalité - Illégalité n'engageant pas la responsabilité de la puissance publique.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : JOFFROY Y-P. et M.

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-10-04;11nc01940 ?
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