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01/10/2012 | FRANCE | N°12NC00232

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 01 octobre 2012, 12NC00232


Vu la requête, enregistrée le 10 février 2012 complétée le 13 juin 2012, présentée pour M. Etienne , demeurant au ..., par Me Dagostino, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901834 du 6 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 juillet 2009 par laquelle le ministre de la justice et des libertés publiques a refusé sa nomination en qualité de greffier du Tribunal de commerce de Nancy ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1...

Vu la requête, enregistrée le 10 février 2012 complétée le 13 juin 2012, présentée pour M. Etienne , demeurant au ..., par Me Dagostino, avocat ;

M. demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0901834 du 6 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 16 juillet 2009 par laquelle le ministre de la justice et des libertés publiques a refusé sa nomination en qualité de greffier du Tribunal de commerce de Nancy ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire, dès lors qu'il n'a pas eu communication de la note en délibéré produite tardivement par l'administration, dont le tribunal a tenu compte pour rendre son jugement ;

- l'instruction de sa demande, qui a duré plus de vingt mois, est anormalement longue au regard des dispositions de l'article L. 742-28 du code de commerce et, de ce fait, la procédure a été entachée d'irrégularité et par voie de conséquence, méconnaît le droit de présentation et le droit de tout administré, consacré par la loi du 12 avril 2000 à obtenir une décision dans un délai raisonnable ;

- la décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 23 avril 2012, complété le 27 juillet 2012 présenté par le ministre de la justice et des libertés ; il conclut au rejet de la requête et fait valoir que :

- l'article R. 731-3 du code de justice administrative ne fixe aucune condition de délai concernant le dépôt d'une note en délibéré et qu'en l'espèce, les premiers juges n'étaient pas tenus de rouvrir l'instruction ;

- le requérant ne démontre pas en quoi le retard pris pour la transmission de sa demande aurait eu une influence sur la décision prise ou l'aurait privé des garanties auxquelles il avait droit ;

- il ne précise pas quelles sont les dispositions de la loi du 12 avril 2000 sur lesquelles il entend se fonder ; qu'il ne pourrait utilement se prévaloir de la violation des dispositions de l'article 21 de cette loi qu'à l'encontre d'une décision implicite de rejet ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de commerce ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Rousselle, président,

- et les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public ;

Sur la régularité du jugement :

1. Considérant qu'au terme de l'article R. 731-3 du code de justice administrative " à l'issue de l'audience, toute partie à l'instance peut adresser au président de la formation de jugement une note en délibéré " ;

2. Considérant que lorsque le juge est saisi d'une note en délibéré émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de cette note avant de rendre sa décision, ainsi que de la viser sans l'analyser ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, d'en tenir compte - après l'avoir visée et, cette fois, analysé -, il n'est tenu de le faire, à peine d'irrégularité de sa décision, que si elle contient soit l'exposé d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction écrite et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; que dans tous les cas où il est amené à tenir compte de cette note, il doit - à l'exception de l'hypothèse particulière dans laquelle il se fonde sur un moyen qu'il devait relever d'office - la soumettre au débat contradictoire en rouvrant l'instruction et en renvoyant l'affaire à une audience ultérieure ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'audience s'étant tenue le 8 novembre 2011, le ministre de la justice a produit une note en délibéré le 25 novembre 2011, qui a été visée mais non analysée par le tribunal et n'a pas été communiquée au requérant ;

4. Considérant, d'une part, qu'aucune disposition législative ou règlementaire ne fixe un délai pour la production de la note en délibéré, qui doit seulement être produite avant la lecture du jugement ;

5. Considérant, d'autre part, qu'en l'espèce, le tribunal ne s'est fondé sur aucun des arguments ou documents présentés dans cette note en délibéré, qui ne faisaient que compléter des éléments déjà à la disposition de la juridiction ; que, par suite, le tribunal pouvait, sans communiquer cette note au requérant, la viser sans l'analyser ; qu'il suit de là que M. n'est pas fondé à soutenir que le jugement du 6 décembre 2011 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 742-28 du code de commerce dans sa rédaction alors applicable : " Le candidat à la succession d'un greffier de tribunal de commerce sollicite l'agrément du garde des sceaux, ministre de la justice, dans les formes prévues au présent article. La demande de nomination est présentée au procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé l'office. Elle est accompagnée de toute pièce justificative, et notamment des conventions intervenues entre le titulaire de l'office ou ses ayants droit et le candidat. Le procureur de la République recueille l'avis motivé du bureau du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce sur la moralité et sur les capacités professionnelles de l'intéressé ainsi que sur ses possibilités financières au regard des engagements contractés. Si, quarante-cinq jours après sa saisine par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, le bureau du Conseil national n'a pas adressé au procureur de la République l'avis qui lui a été demandé, il est réputé avoir émis un avis favorable et il est passé outre. Le procureur de la République transmet le dossier au garde des sceaux, ministre de la justice, avec son avis motivé. La nomination est prononcée par le garde des sceaux, ministre de la justice " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'alors qu'il a été saisi par le procureur de la République de Nancy le 9 octobre 2007 de la demande présentée le 28 août 2007 par M. tendant à sa nomination en qualité de greffier du Tribunal de commerce de Nancy en remplacement du précédent titulaire, décédé, le bureau du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce a indiqué, le 18 octobre 2007, qu'il n'était pas en mesure de prendre position sur la demande de M. avant la réalisation de l'inspection judiciaire du Tribunal de commerce de Nancy et que, dans l'attente de cette inspection, son avis ne pouvait qu'être défavorable ; que, nonobstant cet avis défavorable, le procureur n'a pas poursuivi la procédure, mais a réitéré à deux reprises sa saisine du Conseil national ; que, suite à l'avis favorable sous réserves finalement rendu le 2 octobre 2008, le procureur n'a transmis le dossier, accompagné de son propre avis défavorable, au garde des sceaux que le 4 mai 2009 ;

8. Considérant que le procureur disposait d'un avis du Conseil national des greffiers des tribunaux de commerce dès le mois d'octobre 2007 et que rien ne s'opposait à ce qu'il transmette alors le dossier au garde des sceaux, conformément aux dispositions de l'article R. 742-28 ; que, dès lors, en sollicitant de nouveau l'avis du Conseil et en ne saisissant le garde des sceaux que près de vingt mois après l'avis initial, le procureur a méconnu la procédure prévue à l'article R. 742-28 précité ;

9. Considérant toutefois qu'un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; qu'en l'espèce, l'irrégularité de la procédure n'a pas eu d'influence sur le sens de la décision prise, qui est finalement intervenue au vu d'un avis inverse du Conseil national, plus favorable au requérant qui n'a, par ailleurs, été privé d'aucune garantie ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que le moyen tiré de ce que l'irrégularité de la procédure suivie pour la désignation de M. en qualité de greffier du tribunal de commerce porterait atteinte au droit de présentation de l'intéressé es qualité d'ayant droit du précédent titulaire de la charge est inopérant ;

11. Considérant, en troisième lieu, que M. , qui conteste devant le juge la décision explicite qui a été prise à son encontre, ne peut utilement soutenir que les objectifs de la loi du 12 avril 2000 selon lesquels les administrés ont le droit d'obtenir qu'une décision soit prise dans un délai raisonnable sur leur demande ont été méconnus ;

12. Considérant enfin qu'au soutien de sa critique du jugement attaqué, M. reprend, avec la même argumentation, son moyen de première instance tiré de ce que la décision ministérielle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ; que toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, par les motifs qu'ils ont retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ce moyen ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal Administratif de Nancy a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à M. la somme qu'il demande au titre des frais engagés par lui et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. , est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Etienne et au garde des sceaux, ministre de la justice.

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N° 12NC00232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00232
Date de la décision : 01/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-05 Professions, charges et offices. Conditions d'exercice des professions. Professions s'exerçant dans le cadre d'une charge ou d'un office.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : SOCIETE ERNST et YOUNG

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-10-01;12nc00232 ?
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