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01/10/2012 | FRANCE | N°12NC00064

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 01 octobre 2012, 12NC00064


Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2012 sous le n° 12NC0064, présentée pour Les Syndicats CGT-CFDT Solvay, représentés par leurs secrétaires généraux dont le siège est 4, rue Gabriel Péri, à Dombasle (54110), par la SCP d'avocats Teissonniere et associés ; les Syndicats CGT-CFDT Solvay demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702080 du 15 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 octobre 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement refus

ant d'inscrire l'entreprise Solvay de Dombasle- sur-Meurthe sur la liste d...

Vu la requête, enregistrée le 11 janvier 2012 sous le n° 12NC0064, présentée pour Les Syndicats CGT-CFDT Solvay, représentés par leurs secrétaires généraux dont le siège est 4, rue Gabriel Péri, à Dombasle (54110), par la SCP d'avocats Teissonniere et associés ; les Syndicats CGT-CFDT Solvay demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0702080 du 15 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision en date du 8 octobre 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement refusant d'inscrire l'entreprise Solvay de Dombasle- sur-Meurthe sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ;

2°) d'enjoindre au ministre de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale d'inscrire l'usine Solvay de Dombasle-sur-Meurthe sur la liste des établissements susceptibles d'ouvrir droit à l'allocation de cessation anticipée des travailleurs de l'amiante pour la période de 1966 à 1997, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge du ministre de l'emploi et de la santé et/ou de la société Solvay Carbonate France la somme de 6 504,30 € correspondant aux frais d'expertise ;

4°) de condamner l'Etat à leur verser a somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que :

- le tribunal a commis une erreur de fait et de droit en scindant les deux activités de l'usine et en les analysant séparément, un analyse globale aboutissant à des résultats différents ;

- l'expertise comporte des erreurs et approximations, s'agissant notamment des conditions effectives des interventions sur le calorifugeage et des opérations de désamiantage ;

- le caractère significatif des opérations de calorifugeage n'a pas été pris en compte, s'agissant de l'exposition des autres salariés que ceux affectés directement à ces opérations ;

- l'inscription est sollicitée pour la période 1966 à 1996, dès lors que, contrairement à ce que relève l'expert, le calorifugeage à l'amiante n'a pas cessé en 1981 ;

- l'utilisation d'amiante au sein de l'unité d'électrolyse a été particulièrement significative ;

- le nombre de maladies professionnelles déclarées et à venir conforte la nécessité d'une inscription et constitue un critère qui doit être pris en compte ;

Vu le jugement et la décision attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 12 mars 2012 fixant la clôture de l'instruction au 14 juin 2012 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 10 mai 2012, présenté par la société Solvay Carbonate France, dont le siège social est au 25, rue de Clichy, à Paris (75009) par la SCP d'avocats Aguera et associés ; la société Solvay Carbonate France conclut au rejet de la requête ;

La société fait valoir que :

- la motivation du jugement est pertinente, tant en droit qu'en fait ;

- l'établissement de Dombasle-sur-Meurthe ne relève pas de la nomenclature des industries de l'amiante ;

- les activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage n'ont pas été exercées de manière significative ;

- le personnel de l'établissement potentiellement exposé à l'amiante entre 1966 et 1996 ne représente que 2 % pour l'unité d'électrolyse et 10 % pour l'activité de maintenance des calorifuges ;

- ces éléments sont confirmés par le rapport d'expertise ;

Vu les pièces du dossier dont il ressort que la requête a été notifiée le 12 mars 2012 au ministre du travail, qui n'a pas présenté d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 98-1194 du 23 décembre 1998 de financement de la sécurité sociale pour 1999 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Rousselle président,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me Laforgue, avocat des Syndicats CGT-CFDT Solvay et de Me Bidal, avocat de la société Solvay ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

1. Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 : " I. Une allocation de cessation anticipée d'activité est versée aux salariés des établissements de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, des établissements de flocage et de calorifugeage à l'amiante ou de construction navale sous réserve qu'ils cessent toute activité professionnelle, lorsqu'ils remplissent les conditions suivantes : 1° Travailler ou avoir travaillé dans un des établissements mentionnés ci-dessus et figurant sur une liste établie par arrêté des ministres chargés du travail, de la sécurité sociale et du budget, pendant la période où étaient fabriqués ou traités l'amiante ou des matériaux contenant de l'amiante. L'exercice des activités de fabrication de matériaux contenant de l'amiante, de flocage et de calorifugeage à l'amiante de l'établissement doit présenter un caractère significatif (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que les établissements dans lesquels les opérations de calorifugeage ou de flocage à l'amiante ont, compte tenu notamment de leur fréquence et de la proportion de salariés qui y ont été affectés, représenté sur la période en cause une part significative de leur activité, peuvent être inscrits sur la liste des établissements ouvrant droit, sous certaines conditions, au versement de l'allocation de cessation anticipée d'activité au profit de leurs salariés et anciens salariés ;

2. Considérant qu'il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article 41 de la loi du 23 décembre 1998 que le caractère significatif de l'activité justifiant de l'inscription sur la liste précitée s'apprécie au regard de l'activité globale d'un établissement, pris dans ses différentes composantes et unités de production ; qu'il suit de là qu'en analysant le degré d'exposition des salariés aux poussières d'amiante au sein des différents ateliers et non de manière globale au niveau de l'unique établissement que constitue l'usine Solvay, le tribunal administratif a commis une erreur de droit ;

3. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel d'examiner l'ensemble des moyens présentés par les Syndicats CGT CFDT Solvay ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les activités donnant lieu à manipulation d'amiante, se concentraient dans l'atelier d'électrolyse, la flotte et le calorifugeage, les joints et les tresses ; que l'atelier d'électrolyse, qui a fonctionné de 1965 à 1990 et dont les effectifs représentaient entre 1 et 5 % des effectifs de l'établissement, était particulièrement exposé du fait de la réalisation de diaphragmes métalliques trempés dans une solution d'amiante et de saumure ; que, s'agissant de la flotte, qui a compté jusqu'à 85 péniches, les mariniers, qui ont représenté jusqu'à 4 % de l'effectif de l'établissement, ont été amenés à manipuler de l'amiante, principal isolant, lors des opérations régulières de maintenance qu'ils réalisaient ; qu'enfin, même si les conditions de manipulation de l'amiante ont été profondément sécurisées à partir des années 1980 du fait du remplacement de chaudières et de conduites et changement du type de calorifugeage, il ressort du rapport d'expertise que les effectifs concernés sur l'ensemble des ateliers ont fluctué entre 12 % et 9 % ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la part des salariés affectés aux opérations mettant régulièrement en oeuvre de l'amiante au sein de l'usine Solvay doit être regardée comme significative et que le ministre a entaché sa décision refusant d'inscrire l'entreprise Solvay de Dombasle-sur-Meurthe sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante d'erreur de droit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les Syndicats CGT-CFDT Solvay sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Nancy a rejeté leur demande et que la décision en date du 8 octobre 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement refusant d'inscrire l'entreprise Solvay de Dombasle-sur-Meurthe sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante doit être annulée ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant qu'en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative l'exécution du présent arrêt implique que l'administration procède à l'inscription de l'entreprise Solvay de Dombasle-sur-Meurthe sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au ministre de la santé de procéder à cette inscription dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les frais d'expertise :

8. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise. (...) / Sous réserve de dispositions particulières ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. " ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre les frais d'expertise à la charge de l'Etat ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser aux Syndicats CGT-CFDT Solvay au titre de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Nancy en date du 15 novembre 2011 et la décision en date du 8 octobre 2007 du ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement refusant d'inscrire l'entreprise Solvay de Dombasle-sur-Meurthe sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au ministre des affaires sociales et de la santé d'inscrire l'entreprise Solvay de Dombasle-sur-Meurthe sur la liste des établissements ouvrant droit au dispositif de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Les frais d'expertise, d'un montant de 6 504,30 € sont mis à la charge de l'Etat.

Article 4 : L'Etat versera aux Syndicats CGT-CFDT Solvay une somme globale de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié aux Syndicats CGT-CFDT Solvay, à la société Solvay et au ministre des affaires sociales et de la santé.

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N°12NC00064


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00064
Date de la décision : 01/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-03 Travail et emploi. Conditions de travail. Hygiène et sécurité.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: Mme Pascale ROUSSELLE
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : SCP TEISSONNIERE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-10-01;12nc00064 ?
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