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27/09/2012 | FRANCE | N°10NC01443

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 2ème chambre - formation à 3, 27 septembre 2012, 10NC01443


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 août 2010, complétée par un mémoire enregistré le 20 juillet 2011, présentée pour M. Jean-Claude A, demeurant ..., par Me Licari, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605892 en date du 1er juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 128 617,14 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au ti

tre des années 1997 à 2000 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme ;
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Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 31 août 2010, complétée par un mémoire enregistré le 20 juillet 2011, présentée pour M. Jean-Claude A, demeurant ..., par Me Licari, avocat ;

M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605892 en date du 1er juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une somme de 128 617,14 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis à raison du complément d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1997 à 2000 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser cette somme ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat à une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient :

- que la procédure de première instance est entachée d'irrégularité en ce que le mémoire du ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi enregistré le 11 juin 2010 ne lui a pas été communiqué, ce qui ne lui a pas permis de s'assurer que ce mémoire ne comportait pas de conclusions ou moyens nouveaux ;

- que c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que les fautes commises à l'égard de la société Autoteile et Autovermietung ne lui étaient pas opposables dès lors que la vérification de comptabilité de la société a eu pour conséquence que les résultats de la société ont été imposés à son nom au titre des bénéfices industriels et commerciaux ;

- que toute faute commise par l'administration lors de l'établissement et du recouvrement de l'impôt étant susceptible d'engager la responsabilité de l'Etat, c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que du fait de la complexité du contrôle diligenté, les fautes invoquées n'étaient pas de nature à engager cette responsabilité ;

- qu'en estimant que la société Autoteile et Autovermietung disposait d'un établissement stable en France, l'administration a commis une faute lourde dans l'appréciation des faits, alors que les locaux dont disposaient M. A et Mlle B en France ne permettaient pas la réparation de moteurs de camions, que la situation était claire et que M. A avait apporté tous éléments de preuve dès le début de la vérification de comptabilité de la société Autoteile et Autovermietung, que l'administration n'a pas tiré les conséquences exactes des constatations effectuées par les services français, qu'elle a refusé de tenir compte pendant plus de deux ans des éléments dont elle a pu disposer, notamment des remarques provenant des services fiscaux allemands et qu'elle a adressé une des notifications de redressement sans attendre la réponse des services fiscaux allemands qu'elle avait interrogés ;

- que la procédure d'imposition de la société Autoteile et Autovermietung est entachée d'irrégularité dès lors que la vérification de comptabilité a commencé avant l'envoi de l'avis de vérification et que la société a été privée de tout débat oral et contradictoire sur les pièces obtenues par l'administration par exercice de son droit de communication au cours de la vérification de comptabilité ;

- que le service a également commis une faute lourde en imposant la société sur une période au cours de laquelle elle n'existait pas encore ;

- que l'administration a commis une faute en imposant M. A dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux à raison de l'activité d'une société de capitaux ;

- que le service a également commis une faute en considérant que l'entreprise allemande Transports B A disposait d'un établissement stable en France et en estimant qu'une société de fait avait été constituée entre M. A et Mlle B ;

- que la perte de chance de réaliser un investissement dans un immeuble commercial, si elle constitue un préjudice futur, n'en constitue pas moins un préjudice certain, dont la réalité et le montant sont démontrés par les pièces jointes ;

- que la réalité et l'étendue du préjudice moral subi par M. A et tenant à l'atteinte à sa réputation en Allemagne et au maintien d'impositions injustifiées durant plusieurs années, sont également démontrées ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 21 février 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;

Le ministre conclut au rejet de la requête ;

Il soutient :

- que le dernier mémoire produit par l'administration n'apportait pas d'éléments nouveaux et a pu régulièrement ne pas être communiqué ;

- que le contribuable n'est pas recevable à invoquer des fautes commises à l'égard de la société Autoteile et Autovermietung qui constitue une personne juridique distincte ;

- que l'administration n'a commis aucune faute ; qu'elle n'a pas engagé de vérification de comptabilité avant d'en avoir avisé la société Autoteile et Autovermietung ; qu'on ne peut lui reprocher d'avoir considéré que la société Autoteile et Autovermietung disposait d'un établissement stable en France eu égard aux éléments dont elle disposait et notamment des constations ressortant des documents saisis, alors que M. A refusait de produire la comptabilité de la société et de prouver que la société acquittait ses impôts en Allemagne ; que les constatations des services fiscaux allemands, postérieures de trois ans à celles de l'administration française, n'étaient pas de nature à remettre en cause l'appréciation de la situation de fait ;

- que le requérant ne démontre pas l'existence d'une faute lourde de la part du service dans l'établissement et le recouvrement de l'impôt ; que le seul fait d'accorder un dégrèvement n'est pas en lui-même un motif d'engagement de la responsabilité de l'administration ; que la situation comportait des difficultés particulières tenant aux nombreuses entités juridiques créées par l'intéressé en France et en Allemagne et à l'absence de coopération de M. A, qui ne peut dès lors se prévaloir d'une absence de débat oral et contradictoire au cours de la vérification de comptabilité de la société Autoteile et Autovermietung ; que les éléments recueillis dans le cadre de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales laissaient présumer l'existence d'un établissement stable en France ;

- que c'est à bon droit que les résultats de la société à responsabilité limitée Autoteile et Autovermietung ont été imposés entre les mains de son unique associé conformément à l'alinéa 4 de l'article 8 du code général des impôts, dès lors que la société n'avait pas opté pour l'impôt sur les sociétés ;

- que l'activité de réparation de moteurs de camions avait commencé dès 1997 sous couvert d'une entreprise individuelle dont un faisceau d'indices laissait présumer qu'elle appartenait à M. A ;

- que la réalité des préjudices allégués n'est en tout état de cause pas démontrée, M. A n'établissant pas avoir eu l'intention ferme et définitive d'acheter un bien immobilier en Allemagne, ni l'éventuel lien de causalité du préjudice allégué avec les impositions en litige ;

- qu'il en est de même en ce qui concerne le préjudice lié à la mise en oeuvre d'une hypothèque provisoire dans le cadre du recouvrement de l'impôt, ainsi que du préjudice moral allégué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la convention fiscale signée avec l'Allemagne le 21 juillet 1959 modifiée;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Stefanski, président,

- les conclusions de M. Féral, rapporteur public,

- et les observations de Me Licari, avocat de M. A ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir opposée par le ministre :

1. Considérant qu'après avoir engagé, le 15 novembre 2001, une procédure de visite et de saisie sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales à l'encontre le M. A, de Mlle Joëlle B sa concubine, de la société Autoteile et Autovermietung GmbH ayant son siège en Allemagne dont M. A était le gérant et l'associé unique, ainsi que de la société de fait "Transports B A" dirigée par M. A et Mlle B, l'administration a considéré que M. A avait exercé, dans un premier temps à titre individuel, puis par l'intermédiaire de la société Autoteile et Autovermietung, une activité de réparation de moteurs de camions depuis un établissement situé 92 rue des Prunelles à Rosheim (Bas-Rhin) ; que par notifications de redressement des 18 décembre 2003 et 20 février 2004, le service a assujetti M. A, sur le fondement de l'alinéa 4 de l'article 8 du code général des impôts, à des suppléments d'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, à raison des redressements des résultats des années 1997 à 2002 de la société Autoteile et Autovermietung ; que, par décisions du 15 mars 2006 le directeur des services fiscaux du Bas-Rhin a prononcé le dégrèvement total des cotisations d'impôt sur le revenu mises à la charge du contribuable et recouvrées le 31 décembre 2004 ; que M. A interjette appel du jugement du 1er juillet 2010 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'Etat à l'indemniser des préjudices qu'il soutient avoir subis du fait des fautes commises par l'administration dans la détermination de l'assiette et dans le recouvrement des compléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti ;

2. Considérant qu'une faute commise par l'administration lors de l'exécution d'opérations se rattachant aux procédures d'établissement et de recouvrement de l'impôt est de nature à engager la responsabilité de l'Etat à l'égard du contribuable ou de toute autre personne si elle leur a directement causé un préjudice ; qu'un tel préjudice, qui ne saurait résulter du seul paiement de l'impôt, peut être constitué des conséquences matérielles des décisions prises par l'administration et, le cas échéant, des troubles dans ses conditions d'existence dont le contribuable justifie ; que le préjudice invoqué ne trouve pas sa cause directe et certaine dans la faute de l'administration si celle-ci établit soit qu'elle aurait pris la même décision d'imposition si elle avait respecté les formalités prescrites ou fait reposer son appréciation sur des éléments qu'elle avait omis de prendre en compte, soit qu'une autre base légale que celle initialement retenue justifie l'imposition ; qu'enfin l'administration peut invoquer le fait du contribuable ou, s'il n'est pas le contribuable, du demandeur d'indemnité comme cause d'atténuation ou d'exonération de sa responsabilité ;

3. Considérant, en premier lieu, que M. A soutient qu'il a subi un préjudice résultant de ce que, faute pour l'administration d'avoir prononcé le dégrèvement des suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge avant septembre 2004, il aurait été dans l'impossibilité d'acheter un immeuble à usage commercial ; que, toutefois, le requérant ne produit qu'une "offre concernant un immeuble à usage commercial", non contresignée par lui, établie par M. C à une date non précisée, ainsi qu'une lettre du 18 octobre 2004 de M. C déclarant que "l'achat n'était plus à l'ordre du jour" dès lors que M. A n'avait pas pris de décision avant le 24 septembre 2004 ; que de tels documents ne suffisent pas à démontrer que le projet d'achat de cet immeuble par M. A était sérieux, ni qu'il aurait échoué en raison des redressements établis par l'administration ; que la lettre établie ultérieurement, le 21 avril 2006, par le cabinet comptable de la société, non assortie de justifications, n'est pas davantage de nature à établir la réalité du projet d'achat de cet immeuble, ni les raisons de son abandon ; qu'ainsi, la preuve de la réalité des préjudices allégués n'est pas démontrée ;

4. Considérant, en second lieu, qu'en se bornant à faire valoir sans apporter de justifications qu'il a subi un préjudice moral résultant de l'atteinte à sa réputation en Allemagne et du maintien d'impositions injustifiées, M. A n'établit pas la réalité des préjudices invoqués ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg, qui n'avait pas l'obligation de communiquer le dernier mémoire du ministre ne comportant pas d'éléments nouveaux, a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à payer à M. A la somme que celui-ci demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. Jean-Claude A et au ministre de l'économie, des finances et du commerce extérieur.

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10NC01443


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 10NC01443
Date de la décision : 27/09/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. Services économiques. Services fiscaux.


Composition du Tribunal
Président : M. COMMENVILLE
Rapporteur ?: Mme Colette STEFANSKI
Rapporteur public ?: M. FERAL
Avocat(s) : SCP OSTER - PECQUEUR - KERN - VIAL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-09-27;10nc01443 ?
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