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02/08/2012 | FRANCE | N°12NC00118

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 1ère chambre - formation à 3, 02 août 2012, 12NC00118


Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2012, complétée par mémoire enregistré le 23 janvier 2012 et mémoire de production enregistré le 11 juin 2012, présentée pour M. Andis A et Mme Silvana HASKU épouse A, demeurant foyer ADOMA, ..., par Me Barbosa ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101759, 1101760 en date du 22 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Aube des 30 et 31 août 2011 leur refusant la délivrance d'un tit

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Vu la requête, enregistrée le 19 janvier 2012, complétée par mémoire enregistré le 23 janvier 2012 et mémoire de production enregistré le 11 juin 2012, présentée pour M. Andis A et Mme Silvana HASKU épouse A, demeurant foyer ADOMA, ..., par Me Barbosa ;

M. et Mme A demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1101759, 1101760 en date du 22 décembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Aube des 30 et 31 août 2011 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel ils seront renvoyés ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) d'enjoindre, à titre principal, au préfet de l'Aube de leur délivrer les titres de séjour sollicités, à titre subsidiaire, d'instruire à nouveau leurs demandes de titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

M. et Mme A soutiennent que :

- les décisions portant refus de séjour, qui comportent des formules stéréotypées sans faire état de leur situation personnelle, ne sont pas suffisamment motivées au regard de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

- elles méconnaissent l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'ils justifient de liens personnels et familiaux en France où leurs enfants sont scolarisés et où résident le père et le frère de Mme A, qu'ils maîtrisent la langue française et que Mme A produit une promesse d'embauche en contrat à durée indéterminée ;

- pour les mêmes raisons, les décisions portant refus de séjour méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet de l'Aube a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité que ces décisions sont susceptibles d'entraîner sur leur situation personnelle dès lors que leur vie privée et familiale se trouve désormais en France où ils sont parfaitement intégrés depuis plusieurs années et où ils souhaitent exercer une activité professionnelle et qu'ils sont coupés de leur pays d'origine où ils font l'objet de menaces en raison des engagements politiques de M. A ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas suffisamment motivées ;

- compte tenu de l'illégalité des décisions portant refus de séjour, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont privées de base légale ;

- pour les mêmes raisons que celles précédemment invoquées au titre des décisions portant refus de séjour, les décisions portant obligation de quitter le territoire français sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une extrême gravité qu'elles sont susceptibles d'entraîner sur leur situation personnelle ;

- les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la mesure où ils encourent des menaces pour leur sécurité en cas de retour en Albanie compte tenu des engagements politiques de M. A ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 avril 2012, présenté par le préfet de l'Aube ;

Il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- ses décisions portant refus de séjour en France visent l'ensemble des éléments de droit et de fait sur lesquels elles se fondent en faisant référence à l'examen de la situation particulière des intéressés et leur permettant de connaître les raisons exactes des décisions qui leur sont opposées ;

- elles ne méconnaissent pas les articles L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que les requérants ne sont présents en France depuis un peu plus de deux ans, que rien ne fait obstacle à ce que leur cellule familiale se reconstitue en Albanie où ils ne sont pas dépourvus d'attaches familiales et où ils ont vécu l'essentiel de leur vie ;

- il n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation dans la mesure où la situation des requérants ne rentre pas dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les pièces du dossier ne permettent pas de tenir pour établis les faits allégués et pour fondées les craintes de persécution énoncées ;

- les décisions portant obligation de quitter le territoire français ne sont pas dépourvues de base légale compte tenu de la légalité des décisions portant refus de séjour ;

- elles ne sont pas entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elles sont susceptibles d'entraîner sur leur situation personnelle en l'absence d'atteinte au droit au respect des requérants à la vie privée et familiale ;

Vu, en date du 15 mars 2012, la décision du président du bureau d'aide juridictionnelle admettant M. et Mme A au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2012 :

- le rapport de Mme Steinmetz-Schies, premier conseiller ;

Sur les conclusions à fin d'annulation, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête:

Considérant qu'aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) " et qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ;

Considérant que, par lettres du 8 août 2011 que le préfet de l'Aube admet expressément avoir reçues, M. et Mme A ont, consécutivement au rejet définitif de leur demande d'asile par la Cour nationale du droit d'asile, sollicité leur " régularisation au titre de travail " en se prévalant du contrat de travail à durée indéterminée et de la demande d'autorisation de travail établie pour le compte de Mme A ; que pour rejeter leurs demandes, le préfet de l'Aube s'est borné à considérer que chacun des intéressés, qui " a sollicité la régularisation de sa situation administrative en date du 8 août 2011 ", " ne remplit aucune des conditions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour prétendre à la délivrance d'un titre de séjour " ; que les décisions en litige, qui ne mentionnent à aucun moment la situation professionnelle de Mme A, ne visent pas l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou l'article L 313-14 du même code, qui se réfère à l'article L. 313-10, et ne motivent pas les refus de séjour en application de l'une quelconque de ces dispositions ; qu'ainsi, M. et Mme A sont fondés à soutenir que les décisions des 30 et 31 août 2011 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour sont insuffisamment motivées tant en droit qu'en fait au regard de leur situation personnelle ; qu'il s'ensuit que lesdites décisions, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination doivent être annulées ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme A sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté leurs requêtes tendant à l'annulation des décisions du préfet de l'Aube des 30 et 31 août 2011 leur refusant la délivrance d'un titre de séjour, les obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel ils seront renvoyés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé " ;

Considérant qu'eu égard au motif d'annulation des décisions litigieuses, le présent arrêt implique seulement que le préfet de l'Aube se prononce à nouveau sur les demandes de titre de séjour de M. et Mme A ; qu'il y a ainsi lieu d'enjoindre au préfet de l'Aube, d'une part, de réexaminer la demande des intéressés, d'autre part, de leur délivrer un titre provisoire de séjour les autorisant à travailler pendant le temps de ce réexamen, et ce dans un délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision, sans qu'il soit besoin d'assortir ladite injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, d'une part, les requérants n'allèguent pas avoir exposé de frais autres que ceux pris en charge par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle totale qui leur a été allouée ; que, d'autre part, l'avocate de M. et Mme A n'a pas demandé que lui soit versée par l'Etat la somme correspondant aux frais exposés qu'elle aurait réclamée à ses clients si ces derniers n'avaient pas bénéficié d'une aide juridictionnelle totale ; que, dans ces conditions, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 22 décembre 2011 et les décisions du préfet de l'Aube en date des 30 et 31 août 2011 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Aube de réexaminer les demandes de M. et Mme A tendant à la délivrance d'un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Andis A, à Mme Silvana HASKU épouse A, au préfet de l'Aube et au ministre de l'intérieur.

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12NC00118


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12NC00118
Date de la décision : 02/08/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation suffisante - Absence.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Motivation.


Composition du Tribunal
Président : M. VINCENT
Rapporteur ?: Mme Marie-Pierre STEINMETZ-SCHIES
Rapporteur public ?: Mme GHISU-DEPARIS
Avocat(s) : BARBOSA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2012-08-02;12nc00118 ?
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